Le chronotope corporel : essai de définition


Cet article se propose de repenser la notion critique désormais classique de « chronotope » forgée par Mikhaïl Bakhtine en l’appliquant à un nouvel objet : le corps romanesque. L’écriture du corps dans le roman peut-elle être comparée à une topographie sensible où s’articulerait aussi un certain rapport au temps ? Le corps est-il un nouveau paradigme du chronotope, ou se rattache-t-il à ceux que M. Bakhtine et H. Mitterand après lui ont dégagés ? Quel bénéfice critique peut-on tirer de ce questionnement ? L’Ensorcelée de Barbey d’Aurevilly servira de laboratoire pour ces interrogations théoriques.

This article aims to rethink the now classic critical notion of “chronotope” forged by Mikhail Bakhtin by applying it to a new object: the novelistic body. Can the writing of the body in the novel be compared to a sensitive topography in which a certain relationship to time is also articulated? Is the body a new paradigm of the chronotope, or does it relate to those that M. Bakhtine and H. Mitterand after him have identified? What critical benefit can we draw from this questioning? Barbey d’Aurevilly’s L’Ensorcelée will serve as a laboratory for these theoretical interrogations.


Texte intégral

“Du siehst, mein Sohn, zum Raum wird hier die Zeit”
(« Tu vois, mon fils, ici le temps devient espace »)
Richard Wagner, Parsifal

« Les plus célèbres blessures dont parle l’Histoire, qu’étaient-elles auprès des vestiges impliqués sur le visage de l’abbé de La Croix-Jugan »
Barbey d’Aurevilly, L’Ensorcelée

 

La notion de chronotope, forgée par Mikhaïl Bakhtine dès 1937, reprise et traduite en français dans Esthétique et théorie du roman (1978), fait partie des termes qui se sont imposés avec tant d’évidence à la critique littéraire qu’on prend rarement le temps de la questionner ou de repenser ses domaines d’application. Avec ce terme, Bakhtine, on le sait, a voulu nommer « l’indissolubilité du temps et de l’espace [1] » en régime romanesque. Formalisant un sentiment partagé par tout lecteur de roman, le concept de Bakhtine étendait en quelque sorte à la littérature le principe posé par Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale : l’espace et le temps sont toujours fonction l’un de l’autre.

Dans ses travaux sur la notion d’espace romanesque, Henri Mitterand a eu l’occasion de revenir sur la notion avancée par Bakhtine, et d’en affiner la définition [2]. D’une part, devant la plasticité des usages que le théoricien russe semble donner au concept, Mitterand propose de voir six échelles auxquelles le concept de chronotope peut s’appliquer, qu’il convient d’utiliser de façon méthodique et différenciée : l’univers culturel de référence, le genre, le sous-genre, l’œuvre, le motif thématique et le personnage. D’autre part, Mitterand en appelle à une « sémiotisation du chronotope [3] » contre un usage trop thématique du concept, ce qui nous incite à prendre les configurations romanesques qui nouent de façon singulière temps et espace, non comme des données descriptives, mais comme des expériences cognitives, qui configurent notre lecture et notre regard sensible.

Sans débattre de la pertinence de ces six échelles d’application du chronotope proposées par Mitterand, nous voudrions ici proposer une voie nouvelle d’application de ce concept, qui servira peut-être à éclairer sous un jour neuf son usage dans une approche critique et historienne des textes littéraires. Il s’agit d’essayer d’appliquer la notion de chronotope à certaines figurations du corps dans le roman. S’il fallait à tout prix rattacher cette proposition critique à l’une des branches distinguées par Mitterand, la considération du corps comme un dispositif chronotopique pourrait se rattacher à ce qu’il nomme « le chronotope du personnage », en ne considérant plus la façon dont le temps et l’espace s’articulent en présence du personnage et autour de lui, à la façon des Leitmotive wagnériens qui annoncent l’approche de Siegfried ou Brunehilde, mais comment la topographie corporelle du personnage organise une certaine voie d’accès au temps, dont la portée se fait sentir dans toute l’économie romanesque.

Avant d’entrer dans le détail de cette hypothèse et dans l’exemple à partir duquel nous entendons la construire, trois interrogations s’élèvent intuitivement, auxquelles cet article tentera de répondre.

(i) La « topographie corporelle » construite par un roman est-elle une réalité suffisante pour constituer l’instance spatiale du chronotope ? Comment l’écriture romanesque fait-elle du corps un lieu à part entière ?

(ii) Bakhtine propose des chronotopes paradigmatiques : la route est le lieu d’un présent étiré [4], le château d’un passé condensé [5], le seuil d’un temps resserré à l’instant [6], le salon d’un temps rythmé par la vie sociale [7], l’idylle un temps dilaté [8], etc. Si l’on considère le corps romanesque comme un chronotope, doit-il être rattaché à l’un de ces modèles, ou bien constitue-t-il un paradigme à lui seul ?

(iii) En quoi cette proposition théorique change-t-elle l’approche critique des figurations littéraires du corps ?

1. Lieu du corps, temps de l’histoire

Nous avons choisi, pour mener cette expérience théorique, de prendre pour objet d’analyse le corps de l’abbé de La Croix-Jugan, le héros de L’Ensorcelée de Barbey d’Aurevilly. Ce dernier est sans doute l’un des romanciers qui a le plus contribué à ce que, comme l’écrit encore Henri Mitterand, « entre 1850 et 1880, le personnage dev[ienne] un corps [9] », marquant un tournant dans l’imaginaire littéraire et ouvrant la voie à une « histoire post-romantique du corps [10] ».

Rappelons l’intrigue en quelques mots. Quelques années après les guerres de la chouannerie qui ont agité la Normandie jusqu’en 1799, l’abbé de La Croix-Jugan, un prêtre qui a combattu avec les royalistes, tenté de se suicider après leur défaite et été terriblement torturé par les soldats républicains, reparaît dans le village de Blanchelande, au milieu de la lande de Lessay dans le Cotentin, où il doit accomplir un parcours de pénitence avant d’être de nouveau autorisé à exercer son ministère. Mais son retour dans le village fait remonter à la surface toutes les plaies enfouies de la Révolution et ravive des haines silencieuses. Jeanne Le Hardouey, fille d’aristocrate mésalliée, est prise d’une passion dévorante pour ce moine-soldat mutilé, que la rumeur accuse d’avoir « ensorcelé » la jeune femme. Celle-ci mourra mystérieusement assassinée, peut-être par des pâtres errants ; son mari la vengera en tuant La Croix-Jugan lors de sa première messe après sa repentance. Mais, comme le raconte Louis Tainnebouy, un paysan normand, au narrateur pendant qu’ils traversent de nuit la lande de Lessay plusieurs années après, certains affirment avoir vu, à la nuit tombée, le fantôme décharné de l’abbé hanter l’église et y dire une messe qu’il ne parvient jamais à finir, comme pris au piège d’un châtiment éternel. Les bribes de récit nous parviennent grâce aux derniers témoins de cette histoire obscure et violente, à l’image des « guérillas nocturnes [11] » de la chouannerie dont elle porte l’héritage.

Le corps de l’abbé de La Croix-Jugan dans L’Ensorcelée est avant tout un objet de sidération à l’intérieur du roman. Peu de parties en sont décrites : la face (visage, crâne, tempes) et les mains suffisent à elles seules à construire une singularité fascinante qui retient l’attention des autres personnages en même temps que celle du lecteur. Le dispositif narratif employé par Barbey, dont le narrateur intradiégétique délègue à son tour la parole à un narrateur second, maître Louis Tainnebouy, accentue ce rapprochement entre l’effet produit sur le lecteur et l’effet produit au sein du roman par la présence physique du héros.

Ce visage n’est révélé « dans toute sa splendeur foudroyée [12] » qu’au chapitre VIII, couronnant par ce dévoilement subit une longue montée en puissance de la narration. Le lecteur, à travers les yeux de Jeanne le Hardouey et de la Clotte, découvre alors un spectacle effrayant, dont la description condense de nombreux motifs du roman :

L’espèce de chaperon qu’il portait tomba, et sa tête gorgonienne apparut avec ses larges tempes, que d’inexprimables douleurs avaient trépanées, et cette face où les balles rayonnantes de l’espingole avaient intaillé comme un soleil de balafres. Ses yeux, deux réchauds de pensées allumés et asphyxiants de lumière, éclairaient tout cela, comme la foudre éclaire un piton qu’elle a fracassé. Le sang faufilait, comme un ruban de flamme, ses paupières brûlées, semblables aux paupières à vif d’un lion qui a traversé l’incendie. C’était magnifique et c’était affreux [13] !

Le visage mutilé de La Croix-Jugan est pris dans une écriture qu’on peut qualifier de topographique, en ce qu’elle s’applique à parcourir cette chair trait par trait en la décrivant comme un relief. Les comparants mobilisés pour dépeindre l’horreur produite par cette apparition sont empruntés à l’univers géographique et naturel. Les zigzags des cicatrices forment « un soleil de balafre », construisant un jeu d’ombres (les intailles des cicatrices) et de lumière à partir du point central que sont les yeux. Leur effet sur l’ensemble est comparé à la manière dont « la foudre éclaire un piton qu’elle a fracassé ». L’image du ravin, du relief prolongé de la cicatrice, se dit à travers l’usage transitif du verbe faufiler, terme technique qui évoque une couture provisoire à grands points, renforcé par la comparaison avec « un ruban de flammes ». Le transpercement des paupières par les plaies rejoue en miniature la défiguration générale du visage, dans un jeu d’écho qui amplifie la topologie irrégulière du portrait.

Pourtant, l’apparition que nous venons de citer n’intervient pas n’importe où, mais dans un lieu déjà hautement connoté : la masure de Clotilde Mauduit, alias la Clotte, vieille femme infirme qui vit en marge du village de Blanchelande depuis la révolution, et à qui la société fait expier le commerce physique qu’elle entretenait sous l’Ancien Régime avec les aristocrates de ce pays. En s’y rendant, Jeanne Le Hardouey se retranche de la bonne société, incarnée par son mari, un acquéreur des biens du clergé qui s’est enrichi sous la révolution. Dans la mythologie contre-révolutionnaire entretenue par la narration aurevillienne, la fille d’aristocrate mésalliée retrouve quelque chose de son orgueil séculaire en venant visiter la Clotte, vestige vivant d’un monde englouti par la révolution, que Barbey nomme ailleurs « cette large ornière de sang qui a coupé en deux l’histoire de France, et dont les bords s’écartent chaque jour de plus en plus [14] ».

Le premier dévoilement du visage de La Croix-Jugan a donc lieu à l’entrée de la maison de la Clotte, alors que la nuit approche, chez un personnage qui incarne lui-même une marge (géographique, historique, sociale) dans l’intrigue : tout converge pour placer la scène sous le motif du seuil, dont Céline Bricault a étudié la puissance dans l’imaginaire romanesque de Barbey d’Aurevilly [15]. Or, le seuil est, on le sait, un des dispositifs dont Bakhtine fait un chronotope. L’articulation du temps et de l’espace sous le signe du seuil offre une configuration narrative propice à dire « la crise, [le] tournant d’une vie [16] ». La crise qui se prépare ici est celle de l’ensorcellement de l’héroïne sous l’effet de sa fascination pour La Croix-Jugan. Le dispositif décrit par Bakhtine est donc parfaitement opérant. Toutefois, au sein de cette scène, l’instant du dévoilement du visage de l’abbé, moment de pause narrative et de vertige scopique, peut-il être considéré comme un élément parmi d’autres au sein de ce chronotope du seuil ? La topographie qu’il dessine ne doit-elle pas nous inviter à considérer qu’il construit à lui seul un nouveau rapport au temps, qu’il charge le récit d’une autre « valeur émotionnelle [17] » ?

En effet, l’apparition du visage du personnage et des violences dont il porte la trace est difficilement réductible à un simple détail au sein du tableau que forme cette scène. Si détail il y a, c’est plutôt au sens où Daniel Arasse parle du « détail-comble » en peinture : « le détail-comble touche la limite de ce qu’autorise l’économie de la “machine” du tableau, son “tout-ensemble” [18] ». Le corps de l’abbé de La Croix-Jugan – ou plutôt son visage –, en même temps qu’il fait irruption dans le récit, semble aussi y faire entrer par effraction un lieu nouveau, caractérisé par un surcroît de violence, qui ne sera pas sans conséquences sur la suite de l’intrigue. Dès lors que « le détail disloque le tableau [19] », il devient nécessaire de penser le nouveau rapport dynamique qui s’installe entre temps et espace à même cette topologie corporelle.

Car la blessure de La Croix-Jugan, dans sa forme même, est porteuse d’une histoire. Sa complexité, son relief charnel est l’indice d’une violence qui s’y est gravée par strates successives. C’est la réapparition de ces différentes strates au contact du corps du personnage qui justifie l’hypothèse que le corps puisse être support d’un chronotope au sein du récit.

La première strate d’historicité dont le visage de La Croix-Jugan semble porteur est le temps long du christianisme, dont le narrateur aurevillien fantasme une continuité depuis les temps bibliques jusqu’à ce que la Révolution vienne rompre « la chaîne des temps [20] ». Le visage de l’abbé avant sa défiguration est caractérisé de façon hyperbolique : « cette figure autrefois si divinement belle qu’on la comparait à celle du martial Archange des batailles [21] ». La comparaison à Saint Michel, qu’on retrouvera dans la bouche de la Clotte [22], sert à conjoindre les motifs de la foi et de la guerre dans le corps de La Croix-Jugan. Les larmes qui coulent de ses yeux avant son suicide sont aussi comparées aux gouttes de rosée qui mouillent la toison de Gédéon [23]. Là encore, cette référence est immédiatement articulée à une évocation de l’Ancien Régime, puisque ces larmes interviennent au moment où le personnage contemple une dernière fois un sceau marqué des « trois fleurs de lys [24] » de la monarchie. Le motif des larmes se retrouve à la toute fin du roman, dans la description de la messe maudite que le spectre de La Croix-Jugan tente en vain d’achever, racontée par l’intermédiaire du forgeron Pierre Cloud : ce dernier décrit « une manière de sueur et de sang mêlée à ses larmes [25] », rappelant la sueur de sang du Christ au Mont des Oliviers [26], mais compare également ces larmes à du « plomb fondu [27] », associant la référence chrétienne – voire christique ici – à un motif guerrier. Cette continuité entre le temps chrétien et l’histoire longue de la guerre et de la monarchie se retrouve encore dans d’autres références, par exemple au chevalier Bayard [28] ou à la statue mutilée de Saint-Norbert [29].

Cette première strate ouvre donc, par le corps de l’ancien frère Ranulphe, une voie d’accès au temps historique de l’Ancien Régime et à son origine pseudo-biblique. À celle-ci s’ajoute l’irruption de la violence révolutionnaire à travers les guerres de la chouannerie, mais dédoublée d’une façon qui rend la blessure à la fois signifiante et complexe. Tout d’abord, la guerre fratricide qui a opposé, à partir de 1793, des catholiques royalistes de Vendée, de Bretagne et de Basse-Normandie aux troupes républicaines est condensée dans le geste de désespoir qui conduit La Croix-Jugan à se donner la mort au soir de la défaite de la Fosse (5 novembre 1799), épisode de l’expédition malheureuse de Louis de Frotté lors de la seconde insurrection chouanne. Les « cinq ou six balles » dont était chargée son espingole ont « rayonné en sens divers [30] » sur son visage, remplaçant le suicide par une défiguration à vie. C’est à cette première violence qu’est due la structure en étoile des cicatrices, qui formeront « le soleil de balafres » qu’on a déjà mentionné : « les horribles blessures de cette tête aux os cassés et aux chairs pendantes […] se croisaient dans le visage du suicidé comme d’inextricables sillons [31] ». Les lambeaux de chair qui ravinent le corps du héros sont donc le résultat direct d’un geste de violence auto-infligée, au soir des luttes les plus fratricides que la Révolution ait engendré.

Mais ce premier geste – qui constitue déjà un péché grave pour le catholicisme, a fortiori pour un prêtre – est redoublé par une violence plus cruelle, commise gratuitement par les « Bleus » sur le corps de La Croix-Jugan dix jours plus tard dans la maison de la vieille femme qui l’a trouvé et le soigne. L’horreur franchit ici un nouveau cap. Après avoir arraché les bandages, ramenant « à leurs tronçons brisés des morceaux de chair vive enlevés aux blessures qui commençaient à se fermer [32] » et provoquant de la part de la victime « un rugissement rauque qui n’avait plus rien de l’homme [33] », les Bleus, dans un surcroît de cruauté, décident de « saler [34] » la plaie en y jetant des charbons ardents : « Le feu s’éteignit dans le sang, la braise rouge disparut dans ces plaies comme si on l’eût jetée dans un crible [35]. » Seuls ses yeux, protégés par « l’enflure du visage [36] », sont épargnés. Le résultat de cette torture est donc la blessure stratifiée de La Croix-Jugan, qui présente des cicatrices en forme de plis, une brûlure seconde étant venue interrompre une cicatrisation première, figeant les chairs dans l’horreur de ce désordre.

Alors qu’on aurait pu s’en tenir à un diptyque formé par l’histoire longue et mythique du catholicisme et de l’Ancien Régime d’une part, et par la violence révolutionnaire de l’autre, cette scène de torture nous initie à une nouvelle temporalité historique : celle de l’histoire des violences commises en marge des guerres. Dans une note de bas de page présente dès le feuilleton puis dans l’édition en volume [37], Barbey revendique la véridicité de cet épisode (ce que rien ne prouve [38]) et le rattache à une série d’événements qui vont de l’histoire médiévale à l’actualité politique la plus récente : les répressions qui ont suivi le coup d’État du 2 décembre 1851. Seulement deux mois après ces événements, les lecteurs de L’Assemblée nationale purent donc lire, au bas du feuilleton et à la suite de la scène d’horreur citée plus haut :

[…] ce n’est pas le seul épisode des guerres de la Chouannerie qui rappelle, par son atrocité, les effroyables excès des Écorcheurs, la guerre des Paysans en 1525, etc., etc. […] Les derniers événements (décembre 1851) nous ont appris qu’en fait d’horreurs passées l’homme est toujours prêt à recommencer demain [39].

Les « effroyables excès » que Barbey évoque et met en série se présentent à la fois comme une conséquence paroxystique et un dommage collatéral de la violence des évolutions politiques ou religieuses. Les bandes des Écorcheurs, issues des armées de Charles VII au moment de sa reconquête du royaume de France, sont le fruit du désordre géopolitique de la France du XVe siècle. La guerre des Paysans allemands, elle, est une série de révoltes qui agitent des seigneuries du Saint-Empire, dans un contexte où l’ancienne féodalité est malmenée par l’instabilité économique et l’émergence de la Réforme. La dimension ouverte de l’énumération (« etc., etc. ») laisse libre cours au savoir et à l’imaginaire historiques du lecteur pour continuer la série, jusqu’au présent de l’écriture, dans un texte publié pour la première fois deux mois après le Deux-Décembre.

2. Topographie corporelle et géographie romanesque

Le corps de l’abbé de La Croix-Jugan n’est pas seulement un hapax au sein du roman, qui en déchire les bords en même temps qu’il y précipite la crise. Sa topologie se présente aussi comme le lieu de cristallisation d’un grand nombre d’autres motifs qui incarnent les strates temporelles du roman dans d’autres espaces chargés de signification. Le corps du personnage devient le lieu de condensation d’autres chronotopes romanesques, qui se donnent rétrospectivement à lire comme des diffractions de celui-là. C’est notamment le cas de la lande de Lessay, lieu du récit cadre que Tainnebouy fait au narrateur pendant sa traversée nocturne et lieu de l’intrigue narrée elle-même, puisque Blanchelande se situe à ses confins.

Dès le début du roman, la description de la lande présente des particularités géographiques qui résonneront ensuite avec le visage de l’abbé.

Quand on avait tourné le dos au Taureau rouge et dépassé l’espèce de plateau où venait expirer le chemin et où commençait la lande de Lessay, on trouvait devant soi plusieurs sentiers parallèles qui zébraient la lande et se séparaient les uns des autres à mesure qu’on avançait en plaine, car ils aboutissaient tous, dans des directions différentes, à des points extrêmement éloignés. Visibles d’abord sur le sol et sur la limite du landage, ils s’effaçaient à mesure qu’on plongeait dans l’étendue, et on n’avait pas beaucoup marché qu’on n’en voyait plus aucune trace, même le jour. Tout était lande. Le sentier avait disparu [40].

Cette lande transpercée de chemins qui s’étoilent et se perdent dans l’inconnu présente quelques similitudes avec la face mutilée de La Croix-Jugan. Chacune à sa façon constitue un « masque de catastrophe et de bifurcations [41] », pour reprendre les mots de Michel Serres. Ce dernier et la critique aurevillienne à sa suite [42] ont remarqué la complicité entre les zébrures de la lande, qui initient le lecteur à l’effritement du sens dans le lieu romanesque, et le visage du protagoniste. Si la lande semble fournir à soi seule un chronotope à l’intrigue, on comprend en fait que c’est le corps même de La Croix-Jugan qui ordonne cette disposition topographique, puisque c’est ce dernier qui justifie la rencontre en un même lieu des déchirures successives qu’ont produites la guerre, le suicide et la vengeance des soldats républicains, et qui offre ensuite ce terrain fertile à l’imagination romanesque. La topographie singulière de la lande prend rétrospectivement sens dans le « soleil de balafres [43] » du visage du prêtre, en devenant un écho au feuilletage de violences qui a marqué ce corps.

On observe un phénomène similaire dans la description du portail de l’église de Blanchelande.

Le grand portail de l’église actuelle de Blanchelande est l’ancien portail de l’abbaye, qui a été dévastée pendant la Révolution, et on voit encore dans ses panneaux de bois de chêne les trous qu’y ont laissés les balles des Bleus [44].

Ce portail fonctionne lui-même comme un seuil, car c’est à travers ses « trous » que les habitants de Blanchelande peuvent voir La Croix-Jugan, pourtant mort, célébrer infiniment une messe qu’il ne parvient pas à conclure. La profanation subie par la porte de l’église forme une blessure « simple », produite par les balles des Bleus, là où le visage de La Croix-Jugan, lui, est une blessure complexe, qui cumule l’impact des balles (auto-infligé) et la torture des plaies par les Bleus. La blessure du portail devient donc aussi une porte d’entrée figurée dans l’histoire de la blessure de La Croix-Jugan, qui vient rendre cette violence plus complexe en l’ouvrant à deux battants.

Le chronotope formé par le corps de La Croix-Jugan devient donc le point central d’un réseau d’autres espaces romanesques, qui atteignent leur potentialité signifiante et temporelle maximale lorsqu’ils se trouvent mis en regard de la face mutilée du protagoniste. On voit ainsi apparaître tout un réseau de structures temps-espace autour de la structure formée par le corps de La Croix-Jugan. Ces structures en forment autant de satellites, des formes simplifiées, incomplètes, non-autonomes, et trouvent finalement leur signification pleine au sein du chronotope organisé par le corps du personnage.

3. Perspectives critiques

Cette tentative d’application de la notion de chronotope à un nouvel objet – le corps romanesque – est inédite. Ce fait devrait étonner, au vu de l’usage polymorphe qui a été fait du chronotope depuis son apparition dans la boîte à outils de la critique, mais aussi au vu des termes mêmes dans lesquels Bakhtine l’avait d’abord introduit. Ce dernier déclare en effet que, « dans le chronotope, les événements du roman prennent corps, se revêtent de chair, s’emplissent de sang [45] ». Corps, chair, sang : ces métaphores par lesquelles le critique russe disait la dynamique introduite par le dispositif chronotopique dans le roman n’avaient à notre connaissance jamais été prises littéralement. Pourtant, toute image métaphorique a une épaisseur sensible propre, et les mots de Bakhtine n’ont pas été choisis au hasard. En les employant, ce dernier entendait analyser la façon dont le roman incarne effectivement l’intrigue qu’il déploie, la manière dont il parvient à la faire entrer, corps et âme, dans l’imaginaire spatial, sensible, historique des lecteurs. Dans le chronotope, écrit-il, « le temps acquiert un caractère sensuellement concret [46] » : comment ne pas alors oser l’hypothèse que les corps romanesques, lieux « sensuellement concrets » par excellence, pourraient à leur tour devenir parfois des supports de chronotope ?

Revenons alors aux trois questions que nous posions au début de cette étude.

La première interrogation portait sur la possibilité de faire du corps un véritable espace, à même de porter le dispositif temps-espace décrit par Bakhtine. La façon dont l’écriture de Barbey d’Aurevilly construit le corps de la Croix-Jugan à l’image d’une géographie foudroyée, en détaillant par divers procédés d’écriture son relief, ses contrastes, ses jeux d’ombre et de lumière et sa chronologie interne, démontre que le corps romanesque peut être porteur d’un chronotope, à condition qu’on revienne au sens premier de ce que topos veut dire. En effet, la traduction courante par « temps-espace » du concept bakhtinien nous détourne du sens véritable du topos, qui se distingue en grec du choros comme le lieu se distingue de l’espace. Le corps, comme toute surface que l’écriture peut prendre pour objet, peut être investi par l’écriture romanesque comme un lieu, qui organise à son tour une certaine perception du temps. Il n’est pas nécessaire que cette instance soit a priori un espace en trois dimensions, ou pour citer Michel Serres : « Non pas le récit objectif d’une première occupation d’un sol vierge, mais la constitution du discours par lequel cette occupation a lieu [47]. » En ce sens, « discours et parcours sont homéomorphes [48] », pris dans une dynamique d’entrelacement à laquelle, lorsqu’on voit émerger un chronotope, il faut ajouter la dimension temporelle.

La deuxième question portait sur la nature du chronotope corporel et sur son rapport d’égalité ou de dépendance vis-à-vis des autres paradigmes du chronotope dégagés par Bakhtine (route, château, salon, etc.). Nous avons montré que le corps du personnage se distinguait d’un chronotope puissant à l’œuvre dans L’Ensorcelée, celui du seuil. À ce titre, le corps de La Croix-Jugan engage un chronotope propre, que nous nommons, faute d’un terme plus spécifique, corporel. Mais il serait aventureux de prétendre que le type d’articulation du lieu et du temps que ce corps singulier configure, marqué notamment par l’obsession de la guerre civile chouanne dans le cas de Barbey, suffise à en faire un paradigme pour d’autres figurations du corps. Notre étude étant concentrée sur un unique exemple, il nous semble que cette question doit rester ouverte, afin d’être mise à l’épreuve d’autres configurations romanesques qui permettront, peut-être, d’esquisser une typologie.

Avant de répondre à la dernière question, la plus importante sur le plan théorique, un dernier retour au texte s’impose. On a repéré une double dynamique temporelle au contact du lieu corporel. D’une part, la cicatrice de La Croix-Jugan donne accès des strates de temps multiples : temps biblique, temps long de la monarchie, temporalité catastrophique de la révolution, histoire de la cruauté et des marges de la guerre, actualité politique du coup d’État. D’autre part, cette cicatrice elle-même est le fruit d’une histoire et demande, pour être parcourue (spatialement), à être comprise dans une chronologie sensible de la douleur. Lorsque le narrateur évoque ces « traits tatoués par le plomb, le feu et la cendre », faisant sonner la formule par l’allitération (traits tatoués) et le rythme ternaire (plomb/feu/cendre), il indique aussi une stratification temporelle : le plomb de l’espingole, les braises jetées sur le corps, et la cendre qui a fini par « poudr[er] ses plaies [49] ».

L’intrication du temps (chronos) et du lieu (topos) que régit le corps romanesque de La Croix-Jugan compris comme chronotope est donc double. Ces deux usages relèvent de deux archétypes fictionnels distincts dont le corps du personnage forme le point d’intersection.

Il y a premièrement la cicatrice d’Ulysse dans L’Odyssée, à laquelle Erich Auerbach consacre des pages importantes de Mimesis, dans un passage que commente à son tour Terence Cave dans son ouvrage Recognitions. La servante d’Ulysse le reconnaît grâce à la cicatrice qu’il a à la jambe, provoquant au sein de l’épopée une brèche par laquelle l’histoire s’engouffre. Une longue analepse narre la blessure à l’origine de cette cicatrice, causée par un sanglier lors d’une chasse. Mais Terence Cave souligne qu’il n’en va pas d’une simple reconnaissance, mais d’une attribution d’identité plus profonde, qui se joue dans le jeu entre l’indice corporel et le matériau historique remémoré :

The scar, then, is more than a sign by which Odysseus is recognized. It composes his identity by calling up retrospectively a fragment of narrative, since only narrative can compose identity as continuity once a severance has occurred, and the scar here may well look like a sign of the wound, the hiatus, the severance constituted by Odysseus’ wanderings [50].

(La cicatrice est alors plus qu’un signe par lequel on reconnaît Ulysse. Elle compose son identité en convoquant rétrospectivement un fragment de récit, puisque seul le récit peut composer l’identité en tant que continuité une fois qu’une coupure a eu lieu. La cicatrice ici pourrait bien ressembler à un signe de la blessure, du hiatus, de la coupure causée par les errances d’Ulysse.)

La cicatrice n’indique pas Ulysse, elle le dit ; elle dit son être profond en signant corporellement la blessure qu’il porte en lui. Cet exemple vérifie la réflexion entamée par Lessing, qui voit dans l’écriture un privilège dans l’accès au temps par rapport aux arts de l’espace, puisque le poète (Homère en particulier) « nous montre [un] objet dans une succession d’instants où il paraît chaque fois différent [51] », ouvrant ainsi l’objet matériel à l’histoire. Comme la cicatrice d’Ulysse, le visage de La Croix-Jugan fait parler des strates temporelles plus ou moins lointaines et silencieuses. Il fournit, dans l’espace du texte, le lieu de leur manifestation.

Le second usage du chronotope corporel dans L’Ensorcelée se rattache à un second exemple littéraire paradigmatique, tiré cette fois de La Jérusalem délivrée du Tasse, que Barbey, comme toute la génération romantique, connaît bien. Après avoir involontairement tué Clorinde qui portait une armure de chevalier, Tancrède frappe de dépit un arbre avec son épée. Le sang jaillit du lieu où son épée a porté, et la voix de Clorinde en sort à son tour pour apprendre à Tancrède qu’il l’a meurtrie une seconde fois. Freud fera de cet épisode fictionnel un exemple de la névrose de répétition qu’il théorise en analysant les traumatismes de guerre dans Au-delà du principe de plaisir [52]. Au début de son ouvrage Unclaimed Experience, Cathy Caruth revient sur ce passage, mais préfère concentrer son analyse sur le rapport intime qui unit la blessure et la voix féminine :

[…] what seems to me particularly striking in the example of Tasso is not just the unconscious act of the infliction of the injury and its inadvertent and unwished-for repetition, but the moving and sorrowful voice that cries out, a voice that is paradoxically released through the wound [53].

([…] ce qui me semble particulièrement frappant dans l’exemple du Tasse, ce n’est pas seulement l’acte inconscient d’infliger la blessure et sa répétition involontaire et non désirée, mais la voix émouvante et douloureuse qui crie, une voix qui est paradoxalement libérée par la blessure.)

La blessure est donc le lieu narratif de l’énonciation, le lieu donné à la voix pour dire sa propre blessure. Elle constitue le lieu matériel où le résultat historique se donne à voir, mais également le lieu dynamique où le processus historique (la chronologie de la mutilation) se donne à lire. Elle est à la fois cicatrice et blessure, à la fois trace et béance.

Par ces deux voies d’accès à une dynamique temporelle, l’usage du chronotope romanesque nous permet finalement de répondre à la dernière des trois questions que nous soulevions initialement : en quoi cette hypothèse change-t-elle notre regard sur la représentation du corps dans le roman ? La réponse vient de ce que ce détour par l’hypothèse d’un chronotope corporel nous montre que la présence du corps dans le roman ne se limite pas à une « représentation ». Elle nous incite à sortir la figuration corporelle du seul domaine de la description pour prendre en compte sa puissance narrative, mesurable aussi bien à ses conséquences sur la diégèse (l’ensorcellement puis la mort de Jeanne Le Hardouey, la mort de la Clotte, la disparition de Thomas Le Hardouey) qu’aux forces historiques qu’elle y fait surgir (la mémoire du moment révolutionnaire, les strates enfouies de l’histoire monarchique et catholique, les marges violentes de l’histoire politique). On pourrait ainsi appliquer au corps romanesque le jugement formulé par Henri Mitterand, qui concluait à propos de l’espace romanesque :

Quand l’espace romanesque devient une forme qui gouverne par sa structure propre, et par les relations qu’elle engendre, le fonctionnement diégétique et symbolique du récit, il ne peut pas rester l’objet d’une théorie de la description, tandis que le personnage, l’action et la temporalité relèveraient seuls d’une théorie du récit. Le roman, depuis Balzac surtout, narrativise l’espace, au sens précis du terme : il en fait une composante essentielle de la machine narrative [54].

Le détour par la compréhension du corps comme chronotope permet à son tour de comprendre le corps comme « une composante essentielle de la machine narrative », et non plus un détail de la description, plus ou moins marquant. Nous rejoignons en cela une intuition qui se trouve déjà sous la plume de Bakhtine, lorsque ce dernier parle de « la signification figurative des chronotopes [55] ». Si chronos et topos sont indissociables dans le roman, c’est parce que la dynamique qu’ils entretiennent est à double sens : le lieu spatialise le temps, certes, mais le temps dynamise le lieu en retour. Il le narrativise.

Penser le corps, lorsque l’écriture le rend saillant, comme un chronotope, permet de dédoubler la compréhension qu’on a de l’entrelacement du matériau corporel et de la réalité historique : il n’y a pas seulement mise en corps du temps, inscription (explicite ou cryptée) d’un ailleurs temporel hors du texte, mais indissociablement aussi mise en histoire du corps, historicisation et narrativisation de la topographie corporelle. Le « temps » n’est plus alors à comprendre comme un ailleurs, hors du texte, mais comme l’horizon signifiant de la figure corporelle : le résultat d’une opération figurative qui passe par la mise en relief d’un corps – ou d’une partie d’un corps – dans un récit.

Notes

[1] Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, trad. Daria Olivier, Paris, Gallimard, « Tel », 1978, p. 236.

[2] Henri Mitterand, « Chronotopies romanesques : Germinal », Poétique, n° 81, 1990/1, p. 89-103.

[3] Ibid., p. 102.

[4] Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, op. cit., p. 384.

[5] Ibid., p. 387.

[6] Ibid., p. 389.

[7] Ibid., p. 387.

[8] Ibid., p. 390.

[9] Henri Mitterand, « L’espace du corps dans le roman réaliste », dans Au bonheur des mots : mélanges en l’honneur de Gérald Antoine, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1984, p. 342.

[10] Ibid., p. 343.

[11] L’expression figure dans l’avant-propos du premier feuilleton de L’Ensorcelée dans L’Assemblée nationale, le 7 janvier 1852.

[12] Jules Barbey d’Aurevilly, L’Ensorcelée, Œuvres romanesques complètes, t. I, éd. Jacques Petit, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1964, p. 727.

[13] Ibid., p. 645.

[14] Barbey d’Aurevilly, Un Prêtre marié, Œuvres romanesques complètes, t. I, op. cit., p. 971-972.

[15] Céline Bricault, La Poétique du seuil dans l’œuvre romanesque de Jules Barbey d’Aurevilly, Paris, Honoré Champion, 2010.

[16] Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, op. cit., p. 389.

[17] Ibid., p. 384.

[18] Daniel Arasse, Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion, 1992, p. 145.

[19] Ibid., p. 149.

[20] Nous reprenons l’expression à la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814, qui instaure ce credo légitimiste vis-à-vis de la Révolution : « En cherchant ainsi à renouer la chaîne des temps, que de funestes écarts avaient interrompue, nous avons effacé de notre souvenir, comme nous voudrions qu’on pût les effacer de l’histoire, tous les maux qui ont affligé la patrie durant notre absence. »

[21] Barbey d’Aurevilly, L’Ensorcelée, op. cit., p. 727.

[22] Ibid., p. 639 : « Jéhoël de la Croix-Jugan n’a plus son beau visage de saint Michel qui tue le dragon ! »

[23] Ibid., p. 589. L’histoire de Gédéon est tirée du Livre des Juges, 6, 36-40.

[24] Ibid.

[25] Ibid., p. 740.

[26] Évangile selon saint Luc, 22, 43-44.

[27] Barbey d’Aurevilly, L’Ensorcelée, op. cit., p. 740.

[28] Ibid.

[29] Ibid., p. 644.

[30] Ibid., p. 590.

[31] Ibid., p. 590.

[32] Ibid., p. 597.

[33] Ibid.

[34] Ibid.

[35] Ibid.

[36] Ibid.

[37] Voir le feuilleton de L’Assemblée nationale du 9 janvier 1852.

[38] Voir la note de Jacques Petit dans Barbey d’Aurevilly, Œuvres romanesques complètes, t. I, op. cit., p. 1972.

[39] Barbey d’Aurevilly, L’Ensorcelée, op. cit., p. 598.

[40] Ibid., p. 565. Nous soulignons.

[41] Michel Serres, « Foule, foire, lande », La Distribution, Paris, Éditions de Minuit, 1978, p. 246.

[42] Jeannine Jallat, « La lande et le lavoir. Figures du lieu dans L’Ensorcelée », dans Philippe Berthier, Michel Crouzet, Norbert Dodille (dir.), Barbey d’Aurevilly. « L’Ensorcelée » et « Les Diaboliques » : la chose sans nom, Paris, SEDES, 1988, p. 43-48.

[43] Barbey d’Aurevilly, L’Ensorcelée, op. cit., p. 645.

[44] Ibid., p. 582.

[45] Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, op. cit., p. 391.

[46] Ibid.

[47] Michel Serres, La Distribution, op. cit., p. 241.

[48] Ibid., p. 248.

[49] Barbey d’Aurevilly, L’Ensorcelée, op. cit., p. 598.

[50] Terence Cave, Recognitions, Oxford, Oxford University Press, 1988, p. 23. Nous traduisons.

[51] Lessing, Du Laocoon, ou des frontières de la peinture et de la poésie [1766], cité dans Philippe Hamon, La Description littéraire. De l’Antiquité à Roland Barthes : une anthologie, Paris, Macula, 1991, p. 217.

[52] Sigmund Freud, Au-delà du principe de plaisir [1920], Paris, PUF, 2013.

[53] Cathy Caruth, Unclaimed Experience: Trauma, Narrative, and History, Baltimore/Londres, Johns Hopkins University Press, 1996, p. 2. Nous traduisons.

[54] Henri Mitterand, Le Discours du roman, Paris, PUF, 1980, p. 211-212.

[55] Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, op. cit., p. 391.

Auteur

Ancien élève de l’École normale supérieure et agrégé de Lettres modernes, Mathieu Roger-Lacan est doctorant en littérature sous la direction de Paule Petitier (Université de Paris Cité) et de Judith Lyon-Caen (EHESS). Sa thèse porte sur le sujet suivant : « La chair littéraire du politique. Violence historique et écriture du corps dans le roman et la poésie (1850-1880) ». Il a co-dirigé avec Véronique Samson le dossier 1848 et la littérature publié sur Fabula, et avec Éléonore Reverzy la journée Tableaux de siège en février 2021, publiée sur le site de la SERD. En 2022, il a participé au volume L’Excrémentiel au XIXe siècle (Du Lérot) et est l’auteur de deux articles à paraître dans les Cahiers naturalistes.

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