Formes contemporaines de l’imaginaire informatique

L’ordinateur intime, nouvel objet romanesque

Florence Thérond
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L’ordinateur fait désormais partie intégrante de notre vie quotidienne et internet a transformé notre rapport au temps et à l’espace, notre façon de penser et d’agir. Il est aussi devenu depuis peu un objet littéraire. Entre 2009 et 2012 plusieurs romans, français ou étrangers, pour la plupart autofictionnels se sont interrogés sur nos usages intimes du numérique, hésitant entre fascination et rejet. Ils font le constat que s’invente sur internet un nouveau modèle relationnel et dressent tous un portrait de l’individu « hypermoderne », jonglant avec ses identités sur les réseaux sociaux, consommateur de biens et de sexe, tout entier investi dans l’instant présent, animé d’un désir d’ « extimité ». La structure des romans en est-elle pour autant modifiée ? L’écriture littéraire porte-t-elle la trace des nouveaux langages médiatiques ? Comment les flux du Web se mêlent-ils à la prose classique ?

From now on the computer is an integral part of our everyday life and the internet has transformed our relationship with time and space as well as our way of thinking and acting. It became a literary object. Between 2009 and 2012 several French and foreign novels, for the most part  autofictional, questioned our daily use of new technologies, hesitating between fascination and rejection. They come to the conclusion that the Internet creates a new model of relationships and paint the portrait of the contemporary individual. Is the structure of novels modified? Does the literary writing carry the mark of the new media languages ? How do web feeds influence classic prose?

Plan

Texte intégral

Aujourd’hui nous confions à notre ordinateur nos opinions, nos émotions, nos névroses, jusqu’à notre érotisme. L’informatique n’est plus seulement l’affaire des grandes entreprises, l’ordinateur est présent dans chaque foyer ou presque, il fait partie intégrante de notre vie quotidienne et du paysage social ordinaire : « Notre modernité est interactive / Le web s’est emparé de nos vies / Cette techno-effervescence nous transforme », lit-on sur la quatrième de couverture du « twiller [1] » de Thierry Crouzet intitulé La Quatrième Théorie [2]. À l’heure « post-PC » des smartphones et tablettes, l’ordinateur s’est miniaturisé. Et nous entrons désormais dans l’ère des wearables (Googleglass ou iWatch) : l’homme s’unit de plus en plus étroitement à la machine, qui se rapproche de notre peau. En 2016 la moitié de la population de la terre [3] est connectée à internet et il y a plus de deux milliards d’utilisateurs de réseaux sociaux dans le monde (dont plus d’un milliard et demi d’utilisateurs actifs de Facebook et 300 millions de Twitter [4]). Pour la jeune génération plus particulièrement, les digital natives ou « génération Y [5] », l’informatique est devenue une partie de la réalité préexistante, internet est devenu le réel. Il a progressivement transformé notre rapport à l’espace et au temps, notre façon de penser et d’agir, modifié nos pratiques cognitives et culturelles.

1. 2009-2012 : l’internet comme objet littéraire

Alors comment faire de la littérature avec nos vies numériques ? L’interrogation est au centre de plusieurs romans parus en France entre 2009 et 2012 : Fake de Giulio Minghini, Richard Yates de Tao Lin, roman américain, Romance nerveuse de Camille Laurens, Le Miracle d’Ariel Kenig, Enjoy de Solange Bied-Charreton.

1.1. Une littérature « affamée de réalité »

Les quatre premiers romans cités sont autofictionnels et, conformément aux canons du genre, brouillent les frontières entre la vie et la fiction. Le genre de l’autofiction par définition consacré à l’expérimentation et à l’invention de soi, à la quête d’une identité se dérobant sans cesse, devait nécessairement s’interroger sur nos usages intimes du numérique et les processus de mise en scène de soi sur internet et les réseaux sociaux.

Julio Minghini est italien, mais il vit à Paris de son activité de traducteur. Dans Fake [6], son premier roman, il relate une année d’addiction aux sites de rencontre à la suite d’une séparation douloureuse. Attiré par le slogan « la rencontre par affinités culturelles », il choisit la plateforme pointscommuns.com et peu à peu se prend au jeu. Par souci de multiplier les occasions de liaison il s’inscrit sur d’autres sites comme Meetic ou AdopteUnMec, crée plusieurs profils (des fakes) et même des profils féminins, afin d’étudier les techniques de drague de ses concurrents. Le narrateur se transforme en un Casanova hypermoderne et Fake en une Histoire de ma vie.

Dans Romance nerveuse [7] de Camille Laurens, l’écrivain Laurence R., 46 ans, alias Camille L., est à Djerba, en vacances. Elle est obsédée par la parution prochaine chez son éditeur, Georges L., de Dolorosa, le roman d’une consœur, dans lequel « la narratrice, sous forme de lamentation intime, pleure la perte de son fils, sa mort de papier » et qui reprend « presque textuellement certaines phrases de [son] propre récit, Philippe, écrit d’un seul jet après la mort de [son] fils, en 1994 [8] ». On se souvient en effet de cette affaire qui avait secoué en 2007 le monde des Lettres parisiennes : Camille Laurens avait accusé Marie Darrieussecq, auteur de Tom est mort, de « plagiat psychique » après avoir relevé un certain nombre de ressemblances entre ce livre et son Philippe, les deux ouvrages étant consacrés à la mort d’un bébé. Les démêlés entre les deux auteurs à succès et la rupture de Camille Laurens avec son éditeur depuis dix-sept ans, Paul Otchakovsky-Laurens, constituent donc, entre restitution et transformation, l’arrière-plan de Romance nerveuse. Le livre inaugure le retour à l’écriture de Camille Laurens après des mois d’affrontements, au cours desquels elle a été incapable de se consacrer à la littérature. Il relate la liaison improbable entre Luc, paparazzi, personnage grossier, désinvolte et cynique, et Laurence, agrégée, écrivain. Leur relation est inséparable des nouvelles technologies : SMS, mails et posts sur les réseaux sociaux donnent le ton et le rythme.

Tao Lin, auteur new-yorkais d’origine taïwanaise, nous raconte, dans son deuxième ouvrage Richard Yates [9] publié en 2012, la relation de deux jeunes gens qui ont fait connaissance sur internet. Le titre du roman, qui fait référence à un auteur réputé pour ses descriptions désenchantées de la classe moyenne américaine du milieu du xxe siècle, fonctionne comme un symbole et un programme : explorer le présent et l’effet des mutations technologiques sur les relations entre les êtres (« Il a posé son téléphone portable à côté d’un roman de Richard Yates dont il se servait de tapis de souris [10] »). Dakota Fanning, 16 ans, et Haley Joel Osment, 21 ans, portent les noms de deux enfants stars d’Hollywood, en guise de clin d’œil aux pseudos utilisés sur les réseaux sociaux. Ils appartiennent à la classe moyenne et habitent dans le New Jersey et à New-York. Lui est bibliothécaire, elle lycéenne. Leurs conversations sur le chat Gmail et les réseaux sociaux révèlent le vide existentiel de notre époque : ils n’ont rien à se dire, tout au plus des banalités sur leur ennui et leur mal de vivre. Dans plusieurs entretiens, Tao Lin parle d’« une histoire autobiographique basée sur [sa] vie ». Il a d’ailleurs dû affronter les attaques sur Twitter de son ancienne compagne, Ellen Kennedy, l’accusant d’avoir copié-collé ses mails dans le roman.

Ariel Kenig raconte lui aussi, dans Le Miracle [11], une histoire largement vécue. L’autofiction s’invite ici dans le domaine social et politique : l’auteur s’intéresse aux normes sociales sur le Net et analyse le rapport aux images. Grâce à Estelle, une connaissance retrouvée sur Facebook, Ariel entre en possession de photos représentant le fils de Nicolas Sarkozy, Pierre, en vacances au Brésil. On y voit le fils du président fêter le nouvel an dans une ambiance très « nouveau riche », entre yacht et champagne : « ce que je recoupai avec l’anecdote selon laquelle Pierre Sarkozy y avait frôlé la mort » et « miraculeusement » échappé à de terribles coulées de boue ayant fait par ailleurs et selon les médias 70 victimes. Ariel tente de monnayer ces photos auprès de journaux people. Il finit toutefois par s’apercevoir que les fameuses photos apparaissent tout bonnement sur le compte Facebook de Pierre Sarkozy. Le narrateur usant d’une fausse identité parvient à les faire effacer par son propriétaire.

Contre toute attente donc, ces romans n’appartiennent ni au genre du techno polar ni à celui de l’anticipation. Plus généralement, ils témoignent, en tant que textes autofictionnels, de l’usure actuelle des procédés romanesques, dans la lignée de l’ouvrage-manifeste de David Shields Reality Hunger [12] en faveur d’une littérature « affamée de réalité ». Aussi, dans Le Miracle ou Romance nerveuse, les références à des personnalités réelles sont-elles fréquentes, à Nicolas Sarkozy en particulier, « athlète-VRP » d’un monde de « consommation outrancière, de marchandisation mondialisée », « avec ses Rolex et son remariage express [13] », Sarkozy « lisant ses SMS pendant l’audience avec le pape [14] ». À l’heure des réseaux sociaux, on veut des histoires vraies, des romans qui se nourrissent du vécu, à rebours d’une conception aristocratique de la littérature. Le premier chapitre du Miracle d’Ariel Kenig se présente comme un petit opuscule sociologique, une histoire intime d’internet : sa naissance (« Fin des années 1990, le raccordement d’un modem à la ligne téléphonique de notre foyer créa l’espoir et la crainte de nouvelles modalités d’existence qui échappaient à nos imaginations [15] ») et l’apparition des différents réseaux sociaux (« En 2003, Myspace proposa à chaque utilisateur de modeler une page internet personnelle selon ses compétences technologiques et ses goûts, ce qui fut rapidement discriminant […]. Personnaliser sa page requérait de sérieuses qualifications, classer ses contacts par hit-parade posait problème à l’amitié, penser sa propre image devenait encombrant. Facebook prit acte de ces inconvénients et inaugura sa version publique courant 2006. Alors que l’invention d’internet nous semblait déjà loin, ce réseau social simplifiait la gestion de nos “profils” [16] »). Le narrateur analyse les mots de l’informatique : « murs », « photo de profil », « posts », « réalité augmentée [17] ». Ariel Kenig n’écrit pas un roman d’anticipation, prospectif, mais cherche à comprendre la révolution technologique que nous vivons depuis vingt ans et ses implications dans le réel : « Longtemps sans visage, le futur annoncé était enfin là : dans l’abstraction d’immenses centres de données qui ne se visitaient pas [18]. »

En revanche, pas de projet autofictionnel dans Enjoy [19] de Solange Bied-Charreton. Ce premier roman est centré sur le personnage de Charles Valérien, qui a hérité à 24 ans de l’appartement de sa marraine. Il vient d’entrer dans la vie active, a fait l’acquisition de meubles sur internet et se filme en train d’aménager. Sa vie tourne autour du réseau social ShowYou, sur lequel il est impératif de poster une vidéo par semaine si l’on ne veut pas en être exclu. Il rencontre Anne-Laure Bagnolet, étudiante à la Sorbonne et qui n’a pas de compte Show You. Charles alors découvre qu’il existe un monde en dehors du réseau, tombe amoureux d’une vraie personne et non d’une photographie. Dans Enjoy toutefois, Rémy Gauthrin, l’auteur admiré par Anne-Laure Bagnolet, pratique l’autofiction, construisant « un triptyque original où se chevauchent “le temps réel” et le “temps du désir” [20] ». Une affaire de plagiat l’oppose à un certain Pierre François-Wood, ce dernier l’accusant d’avoir utilisé un échange d’e-mails confidentiel afin de nourrir le dialogue entre deux personnages d’un de ses romans.

Dans ces romans, Internet n’est pas seulement le cadre dans lequel évoluent les personnages et le moyen de construire un univers référentiel, il est aussi placé au centre des récits et traité comme un véritable sujet romanesque, l’objectif étant d’explorer les effets des mutations technologiques sur les relations entre les êtres, relations d’amitié ou relations amoureuses. Ces pratiques d’écriture hésitent entre fascination et rejet des nouvelles technologies : nous voudrions donc étudier ce qui se passe lorsqu’ internet devient un matériau romanesque, lorsqu’il se mêle étroitement à la trame du roman et à celle de notre quotidien.

1.2. Une littérature générationnelle

La vie de Charles Valérien, le héros de Enjoy de Solange Bied-Charreton, est organisée autour du réseau social ShowYou. Dans le roman d’Ariel Kenig, Le Miracle, on croise une prostituée de la rue Saint-Denis fanatique de Twitter, des personnages entretenant des liens d’amitié virtuels et prenant des photos avec leur Iphone 4 pour les poster sur Facebook « par souci houellebecquien », une professeure agrégée de lettres que ses élèves considèrent comme « une version infaillible de Wikipédia ». Dans Romance nerveuse, Laurence R. tombe sous le charme de Luc M., paparazzi particulièrement dépendant des paradis virtuels d’internet, de ce monde décuplant les possibilités dans tous les domaines, dans le domaine sexuel en particulier. Les sites de rencontre et leur impact sur les relations amoureuses constituent le sujet principal de Fake. Les deux jeunes héros de Richard Yates, premier roman de Tao Lin traduit en France, font connaissance sur le chat Gmail et leur histoire d’amour grandit au rythme des mails et des sms échangés. Les auteurs ici évoqués dressent le portrait d’une génération élevée au numérique [21] et se font les scribes de leur temps : tous ou presque d’ailleurs appartiennent aux générations X (selon la classification de William Strauss et Neil Howe, les Occidentaux nés entre 1966 et 1976) ou Y (les jeunes nés entre 1976 et 2000). Giulio Minghini est né en 1972 ; il appartient à cette génération de transition, génération X, marquée par d’innombrables progrès technologiques, notamment l’apparition d’internet. Fake a été très soutenu sur Facebook lors de sa sortie en 2009. Sur buzz-littéraire.com (« Les livres, de bouche à oreille »), le livre est classé dans la rubrique « littérature générationnelle ». Il apparaît dans une liste d’ouvrages du même type [22], comme par exemple le Jpod [23] de Douglas Coupland, roman sur le monde des geeks (paru en 2006 et traduit en français en 2010) ou le livre de Ben Mezrich sur Mark Zuckerberg, The Accidental Billionaires, The Founding of Facebook [24], appartenant au genre typiquement américain de la « narrative non-fiction ». Solange Bied (1982), Tao Lin et Ariel Kenig (1983) appartiennent à la génération Y, pour laquelle les technologies de l’information et de la communication font partie du contexte comme une évidence indéniable [25]. Solange Bied-Charreton (sur Twitter @Solange BCh) a tenu un blog littéraire pendant cinq ans et a travaillé dans le web marketing où elle faisait de la veille de mots sur Goggle. Tao Lin, lui aussi très actif sur Twitter (@tao_lin) et sur Facebook, est considéré comme le héraut d’une nouvelle génération d’auteurs dont la notoriété a été acquise sur la Toile, un pur produit de la « blogosphère ».

Camille Laurens est ici un cas à part. « Je dois reconnaître que je passe beaucoup de temps sur Internet, parce que c’est un terrain d’observation, on apprend énormément », confiait-elle le 15 janvier dernier à Claire Devarrieux, journaliste à Libération. À côté des jeunes auteurs cités précédemment, elle fait figure d’auteur confirmé, voire de référence, à l’origine d’une quinzaine de livres, autofictionnels depuis 1994, et lauréate de plusieurs prix littéraires. Née en 1957, elle appartient à la génération des baby-boomers : son double dans Romance nerveuse, agrégée de lettres comme elle, s’éprend d’un homme de dix ans son cadet, Luc, personnage « ultra-contemporain », voleur d’images franco-russo-polonais, désinvolte et cynique, alternant grossièreté et élégance. Laurence et Luc forment un couple totalement désassorti, mais pour pouvoir le suivre, lui qui est devenu pour elle le personnage de son futur roman, elle est obligée de s’adapter à sa façon de vivre et notamment à son utilisation massive et permanente des réseaux sociaux.

1.3. Banalisation des pratiques informatiques et d’internet

La place d’internet dans la vie des gens est de plus en plus centrale, il est intimement lié à la trame de leur quotidien, fait partie du paysage social ordinaire, concerne tous types de catégories sociales ou culturelles. Parallèlement s’installe une routinisation des usages de l’informatique (recherche d’information, achats en ligne, consultation de la messagerie, communication via des messageries instantanées ou des forums de discussion). Dans leur grande majorité, les utilisateurs accèdent à la Toile à partir de leur micro-ordinateur. Mais depuis quelques années, de nouveaux supports (smartphone, netbook, tablette, lecteur MP3, livre électronique, etc.) se sont développés et permettent d’accéder à internet en dehors de chez soi ou de son lieu de travail.

Dans le roman de Camille Laurens les personnages passent une grande partie de leur temps assis devant leur ordinateur à lire leurs messages, à surfer sur internet :

Tu t’allumais une cigarette ou tu te roulais un pétard, tu te faisais un café ou tu t’ouvrais une bière. Assis devant ton ordinateur, tu regardais tes messages, les blagues que t’envoyaient tes collègues restés en Amérique ou les photos pornos que te forwardait ton frère Christian. Tu survolais des sites d’actualités en français ou en anglais, tu cliquais sur des informations insolites, des anecdotes incroyables, des chansons nouvelles [26].

Surfer sur internet est une occupation quotidienne, d’une grande banalité (« Je traînais ce soir-là sur internet en attendant Eric [27] »). Dans Romance nerveuse, Luc pratique la drague sur Meetic pour tromper l’ennui, habiter le vide. Plusieurs sites sont mentionnés, des sites de rencontre mais aussi un site d’hébergement gratuit pour routards, Couchsurfing, le site des Bookmakers où les paris de toutes sortes font rage, le site Copainsdavant. L’ordinateur, utilisé pour parcourir les réseaux sociaux, ouvre une gamme de gestuelles qui apparaissent comme machinales (« Une fois assis devant l’ordinateur, mes doigts composent à présent automatiquement, comme aimantés, pseudo et mot de passe [28] »), liées à des situations de solitude (« Lorsque l’insomnie était trop forte, je m’abîmais, sur Internet, dans de longues parties d’échecs contre des adversaires invisibles [29] »), pratiques répétitives, codifiées, actions presque ritualisées.

2. La construction de l’identité à l’ère des réseaux

Ces romans dressent tous un portrait de l’individu ultra contemporain ou « hypermoderne », pour reprendre l’expression de Nicole Aubert [30] dans le titre de l’ouvrage qu’elle a dirigé en 2006 [31], le préfixe « hyper » renvoyant à l’idée d’une « modernité exacerbée » où tout est poussé à l’excès, consommation, concurrence, recherche de jouissance, violence,

[…] une modernité dont la complexité et la multiplicité de facettes définiraient des individus profondément différents de ceux qui les ont précédés : des individus fonctionnant plus selon des logiques de trop plein ou de vide que selon un équilibre harmonieux, tel qu’il était sous-entendu, par exemple, dans le concept d’« honnête homme », aujourd’hui pratiquement tombé en désuétude [32].

La mondialisation impose toujours plus de flexibilité et de réactivité ; l’essor des technologies de la communication ne cesse de nourrir ce diktat. Notre rapport au corps, aux autres et surtout au temps s’en trouve profondément modifié :

Notre rapport au temps est désormais sous-tendu par des exigences d’urgence, d’instantanéité, d’immédiateté, de réactivité constante, qui sont l’aboutissement de la logique d’accélération qui imprègne toute l’histoire du capitalisme et qui ont été induites par l’avènement des nouvelles technologies de la communication et par la dictature du temps immédiat qui sous-tend l’économie [33].

2.1. L’individu consommateur

L’individu est devenu avant tout un consommateur, de biens matériels, mais aussi de sexe. Luc pratique la drague sur Meetic, ou Easyflirt :

Tu avalais les deux derniers sushis, tu regardais qui était encore en ligne à cette heure avancée, sur Easyflirt il y avait des filles qui souriaient gorge déployée en secouant d’une main leurs cheveux d’or mais tu n’étais pas inscrit, alors tu emplissais le formulaire de nouveau membre, il fallait un pseudo, tu n’hésitais pas longtemps, deux minutes plus tard, mecsympa sur la nuit en hurlant Don’t you cry tonight [34].

Le personnage est tout entier investi dans l’instant présent, incapable de se projeter dans un futur à construire ou dans des valeurs de long terme, il a « mille idées à l’heure », mais « s’en détourne dès qu’il en a épuisé les virtualités [35] ». Il fixe difficilement son désir, son attention, ses sentiments ; il est tout entier tendu vers la quête de jouissances, dans la consommation excessive d’êtres et d’objets :

Pourquoi se cantonner à un emploi, à une maison, à une femme, à un rêve, quand tout était possible – toutes les rencontres, tous les projets, toutes les expériences –, quand les idées, les opinions, les visages s’y bousculaient, spams tentateurs qu’on pouvait décider d’essayer, d’adopter ou d’effacer – update your penis plus jamais de dettes always be ready freeporno DVD à vous la jeunesse buy now Viagra Xanax huge love weapon incredible prices 80% off luxury Rolex – pour ne pas rater sa vie, pour réussir ses vies [36].

 De même le narrateur de Fake a l’impression, sur pointcommuns.com, de voir défiler sous ses yeux une succession de visages en promotion et ne vit que des rencontres éphémères :

J’ai la sensation de pouvoir reproduire à l’infini le vertige de la découverte et de ne vivre finalement que des ébauches de relations. Des débuts qui fusent et s’éteignent aussitôt. Non pas une histoire qui se forme avec son lent alphabet d’émotions, mais une espèce d’épilepsie sentimentale [37].

Tel un stratège marketing il étudie les « facteurs de succès », les « accroches » pour séduire, comment augmenter sa « visibilité », sa « notoriété » sur le site.

2.2. L’individu flexible

Les rencontres sont brèves, interchangeables et l’individu qui les expérimente doit jongler avec son identité, se constituer des personnalités multiples, devenir l’architecte électronique de sa propre existence. Les romans du corpus relatent ces jeux avec les pseudos, les identités et les sexes, comme Romance nerveuse par exemple : « Sur Meetic tu avais un message de Goldenboy pour Marquisedesanges […] tu faisais suivre le message à ton frère Christian qui lui s’était inscrit sous le pseudo féminin de Mayalabeille [38] » ou Fake : « Pour découvrir comment les garçons s’y prennent, j’ai l’idée d’inventer un personnage féminin que j’appelle MoanaP, du nom de Moana Pozzi, la plus grande star du porno italien, à peu près inconnue en France. La photo que je choisis pour mon fantôme est celle d’une autre pornostar, une Française d’origine slave : Draghixa [39]. » On peut interpréter cette manipulation de soi dans la pratique des réseaux sociaux comme pouvant s’apparenter à l’expérimentation de soi pratiquée par l’écrivain (en particulier l’auteur d’autofiction) dans l’invention des personnages de ses œuvres : « Je me surprends chaque jour davantage à parler par la voix de mes fakes. Je les fais réagir les uns sur les commentaires des autres. Entre eux, ils tissent une correspondance nourrie dont je suis le lecteur, à la fois ému et émerveillé [40]. » Comme le comédien, l’internaute se glisse facilement dans la peau d’un autre, se gorge d’une identité nouvelle : « Je ressemble à un histrion tout le temps sur scène [41]. » Internet deviendrait-il un espace où élaborer d’autres possibles à rebours d’un repli sur soi régressif, un lieu de déploiement de la richesse des individus ? Sur ce point les opinions des spécialistes de la sociologie des réseaux divergent. Magali Bessone constate par exemple « à quel point l’internet fait l’objet d’un véritable culte qui s’inscrit dans la célébration de l’utopie de la transparence et appelle de ses vœux la création d’un nouveau lien social fondé sur la séparation des corps et l’union des consciences [42]. »

2.3. Une utopie de la transparence et du voyeurisme généralisé

Le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron, étudiant la question de l’intimité contemporaine, a ainsi montré dans son ouvrage L’Intimité surexposée [43], que la société actuelle est animée de ce qu’il nomme un désir d’« extimité » généralisé, c’est-à-dire d’un désir de repousser les limites de l’intimité. Le succès rencontré par l’émission Loft Story – qui invitait le téléspectateur à s’immiscer dans l’intimité d’une dizaine de jeunes gens filmés en permanence – a révélé l’ampleur du phénomène, les inquiétudes qu’il suscite, et les nouvelles formes de relation à l’identité qui en découlent. Selon Serge Tisseron, le sujet contemporain attendrait que son intimité soit validée par le regard d’autrui et par conséquent se trouve « enrichie » :

Je propose d’appeler extimité le mouvement qui pousse chacun à mettre en avant une partie de sa vie intime, autant physique que psychique. Cette tendance est longtemps passée inaperçue bien qu’elle soit essentielle à l’être humain. Elle consiste dans le désir de communiquer à propos de son monde intérieur […]. Le désir d’extimité est en fait au service de la création d’une intimité plus riche [44].

L’intime du sujet se trouve désormais hors de lui : pour exister il faut se faire voir, tout montrer, tout dire, dans un mouvement de « démocratisation de l’intimité », selon l’expression d’Anthony Giddens [45]. Cette tendance a été encouragée par l’essor des nouvelles technologies et de la sociabilité en réseau. Les actions de Charles, dans Enjoy, sont totalement organisées en fonction du regard des autres. Il ouvre sur le réseau social ShowYou un album intitulé Emménagement dans mon appart qui permet à ses « complices virtuels » d’assister semaine après semaine à son installation (« Moi fatigué, moi soulagé. Moi sous tous les angles. Moi avant, moi pendant, moi après [46] ») et de vivre sa vie par écran interposé (« Tout était mort, l’écran seul était la vie »). Au fil des jours, l’album en ligne devient une activité à part entière, aussi importante, si ce n’est plus, que l’emménagement de son appartement, puisque, comme l’écrit Julio Minghini dans Fake, « nous habitons notre page comme on habite une maison. Nous la décorons de mots et d’images. Ici s’éveillent et se reposent désormais nos sens et toutes nos pensées. Le corps, lui n’a plus de domicile fixe [47] ». Mais la rencontre de Charles Valérien avec Anne-Laure Bagnolet, vingt-deux ans, parisienne, bouleverse son existence ; Marie-Laure en effet n’est pas inscrite sur ShowYou : « Je n’en croyais pas mes yeux. Mes yeux, qui ne voyaient rien en dehors de l’écran, l’avaient vue, pourtant. Pourquoi cette éviction suicidaire ? Pourquoi ne pas vouloir exister sur internet ? […] Mes yeux qui ne voyaient rien avaient rencontré une fille qui n’existait pas [48]. » Peu à peu Charles, parangon d’une époque « magnétisée par l’exhibitionnisme de l’homme ordinaire [49] », prend conscience de la « disponibilité exponentielle » que lui impose le réseau et de son addiction au fil des actualités, dont pourtant la vacuité est sidérante :

Régulièrement on nous informait : Théo ne dormait pas parce qu’il avait envie de vomir ; Filibert rentrait d’une teuf ; Laetitia faisait des câlins à son copain ; Peter depuis Frisco s’en allait poser des fers à ses Weston ; pour les cousines québécoises c’était l’heure de souper ; Perrine venait d’être maman pour la première fois [50].

Peut-on encore s’extraire de ce monde ultraconnecté, avec son flux ininterrompu de partages, de cette grande conversation en continu et de cette mise en spectacle de soi ? Sans possibilité de repli, saturé d’un lien social devenu exaspérant, il est de plus en plus difficile pour l’individu contemporain de « disparaître de soi [51] » :

Pouvait-on encore disparaître ? […] On nous retrouvait sur internet via nos CV en ligne. On voulait nous savoir en bonne santé et l’on voulait s’assurer de notre mort. Alors on nous traquait aussi sur des vidéos de cardiotraining postées sur notre ShowRoom, à partir desquelles on décomptait nos battements de cœur [52] .

À force d’extension le domaine de l’intimité finit par disparaître et ses contours se confondent avec ceux du jeu social :

Tu te zappais sans cesse, c’était une identity in progress, ça bougeait tout le temps, le petit oiseau n’arrêtait pas de sortir alors qu’il aurait fallu rentrer un peu en soi-même – mais c’était où ? L’être n’avait pas de maison […]. L’être n’avait qu’un mobile home, chaque instant vécu emportait le précédent comme les bornes du chemin [53].

Le personnage de Luc « incarne notre société de l’exhibitionnisme et du voyeurisme décomplexés » :

Le paparazzi, c’est la version dévoyée du journaliste, du photographe et du détective, un idéal abâtardi d’art et de vérité au service d’un monde superficiel et frivole. C’est la forme moderne et urbaine de l’aventurier, qui aime l’action, la compétition, l’argent et flirte toujours avec les limites de la loi. À cet égard, il est emblématique de notre époque [54].

L’être de Luc habite son ordinateur, comme pour le Charles Valérien de Enjoy, et c’est en cliquant sur la barre de navigation de son écran que Camille L. a accès à « la carte de son pays intérieur », en dépliant son historique [55] :

Il y avait des journées ordinaires, d’autres qui ressemblaient à la cervelle d’un fou, où se télescopaient d’une seconde à l’autre des mots dépareillés, des idées sans suite, 9h07 voiture air pulsé 9h10 calendrier inca 9h15 autofiction 9h20 Amaury Troyon 9h23 long lens ethernet cam 9h28 label bio 9h40 hépatite 10h02 manger Tex Mex. Les obsessions de Luc y revenaient de façon compulsive – juif conspiration 11-Septembre on n’a pas marché sur la Lune MAM dossiers secrets Coluche assassiné fin du monde -, des mots récurrents, isolés, se détachaient sur l’écran, cul porno salope pénis lolita hymen, cherchés là comme on l’a fait dans le dictionnaire, enfants. Ainsi l’historique a défilé, j’ai escaladé le temps dans ses parties communes, arpenté ses couloirs privés, j’ai croisé des gens connus et inconnus – PPDA Vanessa Z. Aurélie C. sur Myspace Ophélie Winter Belmondo Corinne P. – parmi lesquels à un moment je suis apparue, 9 août 2007, Camille L., avait-il tapé, 2 résultats affichés, mon vrai nom, ma date de naissance, ma situation de famille, il ne s’était pas attardé, deux minutes plus tard il m’avait appelée, annuaire pages blanches, 1 résultat, je ne suis pas remontée au-delà, émue de me voir, dans ce flux de désirs, à la fois élue et perdue [56].

Le cerveau de Luc, que parcourt Camille L. en lisant ses mails et l’historique de ses recherches, donne accès à l’imaginaire masculin, à « l’année passée […] réduite à ce tissu de mots », « toute une chaîne sémantique [57] ».

2.4. Un modèle relationnel nouveau

Internet est une gigantesque machine à tisser des liens, à générer des relations, amoureuses en particulier. Depuis la fin des années 1990, les sites de rencontre et les forums de discussion ont profondément modifié les rapports et les stratégies de séduction. Une nouvelle forme de libertinage en ligne fondé sur l’érotisme épistolaire, « l’échange épistolaire de fantasmes entre des abonnés ayant déjà noué une relation virtuelle intime [58] », est venue remplacer la rencontre des corps. Protégé par l’écran, l’anonymat du pseudo et l’absence des corps, l’individu peut laisser libre cours à toutes les audaces et à son fantasme de contrôle d’autrui : « Ils sont nombreux à évoquer la toute-puissance découlant de la gestion de dizaines de relations amoureuses virtuelles menées simultanément [59]. » Le roman de Giulio Minghini, Fake, explore cette logique sentimentale consumériste : « Devant l’écran, j’apprends les rudiments de l’art de la manipulation, qu’avec le temps j’affinerai jusqu’à la maîtrise [60]. » Commence alors la ronde des rencontres : « Alicante, Ludica, Selène, Muse87, Ariannesans fil. Je suis captivé chaque jour par au moins quatre ou cinq profils. Il m’est impossible de me concentrer sur un seul. Mon esprit se dissout dans un kaléidoscope d’existences offertes [61] », « toutes ces jeunes femmes épinglées tels des papillons sur mon écran [62]. » L’invisibilité réciproque favorise le développement des fantasmes : « À travers la seule tournure des phrases, la rapidité dans la repartie ou la qualité de l’orthographe, je suis en mesure de juger mon interlocutrice. Pas de mimiques et pas d’odeurs : langage pur », assure le narrateur de Fake [63]. Cette « télésexualité » ressortit à ce que Pascal Lardillier considère comme une « mise à distance généralisée ». Malgré « la sensation d’être avec des gens : jaugé par les visites à ma fiche, effleuré par les vibrations, apostrophé par les mails », le narrateur de Fake se sent en même temps « isolé parmi ces ombres pulsantes et insaisissables, emprisonnées dans un espace parallèle [64] ».

Pour Camille Laurens, « les nouvelles technologies démultiplient l’imaginaire et éloignent de la réalité ». L’utilisateur des sites de rencontre « fantasme sur des images, des bribes de mots, d’images, de portraits-robots avec des descriptifs précis du caractère ou de l’apparence physique, mais cela ne dit pas vraiment qui on est ou qui est l’autre ». La rencontre est évitée et « d’ores et déjà placée sous le signe de la déception ». Son roman, dit-elle, « parle de l’absence de repères amoureux, de l’absence de gravité et de la difficulté du lien [65] ». Dans Seuls ensemble [66], Sherry Turkle, professeur de psychologie au Massachusetts Institute of Technology, considère, dans une perspective différente, clinique, mais tout aussi critique, que l’essor d’internet a correspondu avec une nette réduction de notre attention aux autres et à notre présence au monde réel. L’outil technologique vient constamment s’interposer dans nos relations aux autres (« Je suis arrivée à 20 heures avec un plateau de sushis. Luc m’a ouvert la porte et est retourné aussitôt s’asseoir devant son ordinateur [67] »), on préfère les interactions médiatisées à celles en tête à tête, pour cerner la personnalité de quelqu’un on le googlise ou on consulte en cachette l’historique de son moteur de recherche.

L’hyperconnectivité, le phénomène du multitasking simultané ou successif (c’est-à-dire utiliser plusieurs moyens de communication de manière simultanée ou commencer à utiliser un média et poursuivre avec un autre) créent des situations de dépendance (« ShowYou me demanda une disponibilité exponentielle. À peine arrivé chez moi, j’allumais l’ordinateur, je dînais devant, j’y restais jusqu’à tomber de sommeil. Le week-end j’y passais parfois des après-midi entier [68] » ou dans Fake : « Je ne vois plus mes amis et passe des journées entières devant un écran qui finira par me crever les yeux [69] »), des comportements compulsifs qui mettent en péril la solitude nécessaire à chacun pour se construire :

Cette nuit-là Haley Joel Osment était seul dans l’appartement en train de parler à Julia sur le chat Gmail. Julia avait 28 ans, était mariée et vivait en Géorgie […]. Le téléphone portable de Haley Joel Osment a vibré. C’était Dakota Fanning. Haley Joel Osment a mis le téléphone portable à son oreille. Dakota Fanning lui a dit que sa mère avait découvert son existence en lisant les commentaires d’un post sur un blog où il avait écrit des choses sur sa première visite dans le New Jersey […]. Elle a déjà tapé ton nom sur Google un paquet de fois je pense [70].

 Fake de Giulio Minghini se présente comme le récit d’une addiction aux sites de rencontre (« Je prends mes repas devant l’écran, sans presque voir ce que je mange. Je navigue entre narcose et extase, entre veille et rêve [71] »), une plongée dans les méandres des labyrinthes virtuels faits de manipulation, de vanité et d’illusions : « Personne ne me l’avait dit, ça, qu’il y avait une entrée et peut-être pas de sortie, et pas de monstre au centre de ce labyrinthe [72]. » Le narrateur finit par se familiariser avec les codes et les rites de ces sites, pratique le faking pour assouvir son fantasme de casanovisme et descend en enfer : « L’enfer moderne a la forme d’un site de rencontres. Babel de désirs frustrés, d’attentes affichées comme des blessures, de solitudes remplies d’ombres féroces et insaisissables. » Les premières lignes du roman anticipent cette chute en croisant plusieurs références, à Satan, au Mister Hyde de Stevenson, au Dorian Gray de Wilde : « J’avais le visage ravagé de griffures, ma peau s’écaillait : dans la glace, un masque épouvantable faisait mine de me sourire. Mes ongles ressemblaient à des virgules, et ça saignait [73]. » Le narrateur métamorphosé en une bête immonde finit par se perdre, se dissoudre et ne pas savoir qui il est : « Je me suis falsifié. J’ai fabriqué une fausse monnaie de moi [74]. » La « lie virtuelle [75] », « l’enfer du rien [76] » prennent le dessus sur le réel, le contaminent et se substituent à lui. Dans le regard halluciné de Charles Valérien, touché par « le syndrome ShowYou [77] », l’immeuble d’en face prend les allures d’un écran d’ordinateur :

« Une mosaïque de jaunes orangés, une gamme dégradée qui s’allumait et s’éteignait, comme les icônes d’un dock sur Macintosh, les raccourcis de bureau d’un PC portable », « La cour devenait une page de ShowYou. Les fenêtres, les photos d’un album en ligne. Les balcons d’en face, un panier pour les applications [78]. »

Le propos de Solange Bied-Charreton est ouvertement critique, voire technophobe. Elle part du postulat qu’il faut se méfier des nouvelles technologies, qu’elles sont à la fois indispensables et superflues. Dans son livre L’Être et l’écran [79] Stéphane Vial prend le contrepied de cette idée en montrant que la technologie a toujours eu une place essentielle dans notre existence. Aujourd’hui encore, grâce aux tablettes, smartphones, ordinateurs le monde nous apparaît différemment. Le numérique est si bien inséré dans le tissu de notre existence quotidienne que, n’en déplaise aux Cassandres de la Toile, la réalité est bel et bien devenue numérique. L’objectif de Stéphane Vial est « de déconstruire “dans toute sa pesante balourdise” le concept de virtuel ». La technologie numérique constitue une structure fondamentale de l’expérience et de la perception, elle conditionne la manière dont le réel nous apparaît :

Mes amis ne sont pas moins vrais ou réels lorsque je discute avec eux sur Facebook que lorsque je dîne avec eux à la maison. Plutôt que de succomber à la rêverie du virtuel, qui conduit à envisager la sociabilité en ligne comme irréelle, il faut simplement accepter l’idée que nos modalités d’interaction sociale ont été, grâce aux technologies numériques, augmentées de nouvelles possibilités opérationnelles, sans que cela annule ou remplace les précédentes [80].

Si l’on considère d’une part le lien essentiel qui de longue date unit le roman au réel et d’autre part les changements induits par les interfaces numériques dans notre perception de ce même réel, il importe ici de s’interroger sur l’influence des technologies numériques sur la poétique du roman contemporain.

 3. Poétique du réseau, poétique du roman

Pour Solange Bied-Charreton « Facebook concentre toutes les passions humaines et toutes les perversions. C’est une véritable comédie humaine, un drôle d’objet romanesque, une sorte de monstre [81] ». Dans le dernier livre de Camille Laurens, Celle que vous croyez, une femme manipule un homme plus jeune grâce à un profil Facebook ; pour l’auteur « Facebook est une machine à fictions, une machine à fantasmes. Pour un écrivain, c’est forcément intéressant, puisqu’il fait pareil en s’inventant une histoire, voire une vie [82]… » Jérôme Dumoulin, auteur en 2012 d’un thriller informatique intitulé Faux Profil [83] et ayant pour cadre Facebook, déclarait dans une interview disponible sur Youtube : « Facebook sujet de roman, car il se concentre sur les relations humaines et d’une certaine manière les modifie. On est par excellence dans le roman possible. » Sur Facebook, on se crée une identité, on y divulgue des informations choisies, des liens s’y tissent et se défont. Facebook et ses avatars sont d’excellents moteurs de fiction : pourtant Jérôme Dumoulin utilise peu le potentiel romanesque du réseau social ou l’exploite de façon conventionnelle, comme prétexte à intrigue, en l’intégrant dans une narration ordinaire sans volonté de bousculer les codes. Le réseau est ici un contexte plutôt qu’un sujet. Le déroulement de l’intrigue est celle d’un polar dans la plus pure tradition.

En revanche, dans les romans sur lesquels se concentre notre étude, il semble qu’à des degrés divers la structure des romans et leur écriture elle-même portent la trace des nouveaux langages médiatiques, bien au-delà de la simple utilisation du vocabulaire web (buzz, statuts Facebook, photo de profil, mur, faking, liker, forwarder, googliser quelque chose ou quelqu’un…) : Camille Laurens, dans Romance nerveuse, dessine le portrait de son amant avec des procédés littéraires épousant le flux des nouvelles technologies. Elle se livre à un travail complexe sur la textualité et mêle les flux du web à la prose classique. Elle pratique le cut-up, juxtapose mots clés, fragments d’e-mails ou spams, de façon à illustrer la plongée vertigineuse et chaotique dans le monde parallèle et foisonnant de Luc. Dans Enjoy de Solange Bied-Charreton, l’écran exige qu’on le nourrisse de tout et n’importe quoi :

Nos débats, c’était du vomi. De la soupe, du chewing-gum, une logorrhée foldingue déversée dans les couloirs d’une tour sans architecte. L’universel reportage se concaténait en un monologue infernal, formait cette matière agglomérée qu’on régurgitait et qu’on mangeait tout à la fois [84].

À la suite de quoi l’écrivain insère, en caractères italiques, une liste d’extraits de posts :

Cédric en a ras-le-bol des virus qui infestent son PC portable, vivement que sa chérie lui offre un Mac pour son anniv. Byebye la réunion générale, bonjour les bouchons parisiens. À tous ceux qui n’auraient pas l’occasion de se rendre en Australie, Clara donne rendez-vous aux fans de koalas le week-end prochain à Étampes, pour une rencontre exceptionnelle avec le directeur du zoo de Vincennes. Stéphane vient de passer un supermoment avec une copine de sa femme. DONNE : frigo-congélateur 158,5 x 58,5 cm/profondeur 60 cm. Bas : congélateur 2 tiroirs. Haut : frigo 4 étages 2 bacs à légumes porte aménagée (…) À tous les sceptiques du libéralisme, une vidéo qui vous fera changer d’avis. Ma grand-mère fait encore de la danse classique à quatre-vingt-neuf ans. Le petit chat est mort, c’est dommage mais quoi, nous sommes tous mortels. […] [85].

Dans « Babel imbécile » les communications se croisent de façon totalement absurde. Le sentiment de vide gagne. Tao Lin place à la fin de son roman un index contenant les noms ou expressions mentionnés dans le texte (à la manière d’un moteur de recherche) : on y trouve à côté de Samuel Beckett et Charles Bukowski, Björk ou Bono, les mots clés Mc Donald, Virgin Megastore, Sex and the city, muffin au maïs, pénis, Père Noël ou zombie. Tous les sujets sont mis sur le même plan et tous les discours se valent. Sur la Toile règne la désinformation : « Les faits, grosse boule de pâte à modeler aux mains de tous, prenaient des formes grotesques ou chimériques, éternellement malléables, le réel était un chat, la vérité historique un immense blog auquel chacun prétendait contribuer, tous les grains de sel se valaient dans la marée des opinions [86] », « L’espace était aboli, la géographie électronique faisait côtoyer la commande d’un burger au coin de la rue, le règlement d’une facture et l’invitation d’une Bulgare qui avait un bon CV – moi très gentille empressée te connaître bonne cuisine aime les enfants [87]. »

Dans Fake, Giulio Menghini est « dépassé par les filles de dix-neuf ans qui déforment de façon diabolique une langue qui leur est à la fois soumise et étrangère : “Moi ossi j’aime bcp lire mai kan tu di ke c ton metier tu fé koi exactement [88] ?ˮ ». Les deux adolescents de Richard Yates font connaissance sur le chat Gmail. Les mails, les sms viennent se substituer aux habituels dialogues romanesques. Ils y parlent de leur vie, de leur désespoir. En les reproduisant la plupart du temps tels quels et in extenso dans le texte, Tao Lin nous fait pénétrer au cœur du mal-être contemporain. Sa langue est d’un minimalisme extrême, proche de celle du Bret Easton Ellis de Moins que zéro, le vocabulaire parfois volontairement indigent (« Je t’ai envoyé des trucs hier », « J’ai pas encore posté les trucs », « Pourquoi les gens font des trucs seulement quand on leur fait la morale ? »), le contenu des conversations souvent inexistant (« “Viens sur le chat”, a dit Haley Joel Osment./ “Salut”, a dit Dakota Fanning sur le chat Gmail./“Salut”, a dit Haley Joel Osment qui a ensuite fixé l’écran de l’ordinateur./“Je sais pas quoi dire”, a-t-il écrit au bout de vingt minutes environ./“Moi aussi”, a dit Dakota Fanning [89] »), comme si l’écriture n’était qu’une simple sténographie de la parole. Les personnages, en proie à la déréliction, reviennent toujours sur leur mal être avec les mêmes expressions (« je me sens merdique », « on est niqué », « je suis débile », « je me sens triste », « je vais me suicider bientôt »…) et ne savent partager que leur profonde déprime.

Dans le roman d’Ariel Kenig le « miracle » est aussi celui de l’écriture : le narrateur, qui passe son temps à consigner sur des carnets à l’encre noire des listes aléatoires de 0 et de 1 « qui [le] sauv[ent] des proportions que pren[d] la numérisation du monde [90] », finit par renouer avec l’écriture. Au rayon Luminaires d’ikea, Ariel et son compagnon Aurélien entament une discussion sur l’avenir de la littérature :

Aurélien me confia que l’usage des mots le décevait toujours. Aurélien me concédait toutefois, pendant qu’il manipulait son Iphone que la littérature entamait un nouvel âge d’or. Nous étions d’accord : il y avait un nouveau monde à décrire chaque matin. Mon ami répondait aux premiers messages d’anniversaire qu’il recevait du Japon. Sur une partie du globe, Facebook lui donnait déjà vingt-sept ans [91].

Quel est ce nouvel âge d’or ? Pour Ariel, « une grammaire, bien au-delà d’un système d’éclairage, fai[t] défaut à notre examen du présent ». Est-ce à dire qu’il est urgent d’inventer une poétique romanesque capable de dépeindre le moment que nous vivons, les dilemmes de la vie contemporaine, l’éclatement du je, un nouveau rapport au temps, désormais sous-tendu par des exigences d’urgence et d’instantanéité, une nouvelle façon de communiquer avec les autres dans l’intensité du moment, sur le vif et parfois sur le mode de l’exhibitionnisme ? Internet est souvent dénigré, mais de plus en plus fréquemment investi par les écrivains ; parce qu’il est un monde de textes et qu’il encourage une littérature pensée comme grammaire, programme, laboratoire. Le rêve d’Ariel, « ce serait un statut Facebook unique. Une seule phrase qui traverserait [sa] vie, comme un proverbe du Moyen-Âge [92] ». Quelle forme est la mieux adaptée à l’écriture de notre présent ? Les histoires d’aujourd’hui s’écrivent de plus en plus fréquemment sur le réseau et précisément internet privilégie le fragment, le contenu concis, le mini-format, appropriés pour alimenter le réseau où les sites dédiés à ce type d’écriture se multiplient. On rencontre sur Twitter des poèmes brefs, des haïkus, et même des récits découpés en tweets, des twillers. Rémy Gauthrin, l’écrivain admiré par Anne-Laure Bagnolet dans Enjoy est « un écriveur de slogan » : « Il ne fonctionnait pas en termes de chapitres, en paragraphes, il ne fonctionnait pas en livre. Chaque phrase était placée comme un ace au tennis [93]. » De façon plus convaincante, Giulio Minghini pratique la narration fragmentée : l’auteur use de différentes insertions qui donnent au roman un aspect hétéroclite et hybride à l’image d’un monde composite. Le tissu textuel est visiblement morcelé en séquences parfois très brèves (une phrase ou deux), l’auteur usant de typographies différentes : séquences narratives, bribes de conversations sur les réseaux sociaux, rêves ou pensées sous forme de haïkus retranscrits en italiques : « Additionner les rencontres, pour se soustraire [94] », « L’abondance comme dimension paradoxale de la solitude [95] ». Ces lambeaux, bribes, fragments disséminés forment une « vraie odyssée contemporaine [96] » à travers le réseau tentaculaire.

Quels romans sur support papier peuvent nous parler de la construction de l’identité à l’heure des réseaux ? Dans le livre de Giulio Minghini, parsemé de références à la tradition littéraire, en particulier au roman épistolaire de Choderlos de Laclos Les Liaisons dangereuses, et à la Divine Comédie de Dante, la tradition se mêle à la modernité. Minghini expérimente une polyphonie et une fragmentation propres à exprimer les relations à travers le grand réseau d’internet, les relations à soi, aux autres et à la société, et ouvre des pistes prometteuses. Le défi majeur du roman actuel est en effet de se libérer de la linéarité et de faire émerger de nouveaux genres, par exemple le « roman réticulaire », selon l’expression de Véronique Taquin à propos de son livre paru en 2012 et intitulé Un roman du réseau [97]. Il s’agit bien d’un roman papier, qui n’est pas écrit en ligne même s’il a été proposé dans un premier temps en neuf livraisons sous forme de roman-feuilleton sur Mediapart en juillet et août 2011. Il ne s’agit pas d’un roman participatif, même si les lecteurs ont pu réagir par des commentaires et devenir des lecteurs-interprètes. Des individus s’envoient des récits de vie sur un site, les réécrivent et les réinterprètent : Véronique Taquin nous plonge dans le labyrinthe des liens psychiques et sociaux et invente une nouvelle « grammaire ». L’énonciation polyphonique omniprésente, l’usage là encore de l’écriture fragmentaire, des procédés de montage, viennent démystifier la linéarité romanesque et éclairer nos subjectivités contemporaines.

Notes

[1] Roman écrit sur Twitter.

[2] Thierry Crouzet, La Quatrième Théorie, Paris, Fayard, 2013.

[3] 3,715 milliards d’internautes en janvier 2016 (source : Blog du modérateur, information publiée le 7 janvier 2016. En ligne ici.

[4] On peut se reporter à l’infographie réalisée en juin 2016 par l’Agence Digitale Tiz, en ligne ici.

[5] Monique Dagnaud, Génération Y. Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, Paris, Sciences Po Les presses, 2011.

[6] Julio Minghini, Fake, Paris, Éditions Allia, 2009.

[7] Camille Laurens, Romance nerveuse [2010], Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2011.

[8] Ibid., p. 20.

[9] Tao Lin, Richard Yates [2010], traduit de l’américain par Jean-Baptiste Flamin, Paris, Éditions J’ai Lu, 2012 (édition originale Melville House Publishing LLC, 2010).

[10] Richard Yates, op. cit., p. 158.

[11] Ariel Kenig, Le Miracle, Paris, Éditions de l’Olivier, 2012.

[12] David Shields, Reality Hunger, New York City, Knopf, 2010. La traduction de l’ouvrage par Charles Recoursé vient de paraître sous le titre Besoin de réel. Un manifeste littéraire, Vauvert, Éditions Au diable vauvert, 2016.

[13] Romance nerveuse, op. cit., p. 104.

[14] Ibid., p. 92.

[15] Le Miracle, op. cit., p. 11.

[16] Ibid., p. 11-12.

[17] « Chaque inscription au registre créait de facto une page internet extensible (dite “mur”) comprenant également une photo, dite “photo de profil”, que chacun choisissait et renouvelait à l’envi. Figurait sur cette page accessible au public une suite chronologique de “posts”, autrement dit de messages envoyés par nos contacts ayant eux-mêmes ouverts un compte […]. Au-delà de notre simples interactions sur Facebook, nous vivions dans une réalité dite augmentée, laquelle, lisait-on sur l’encyclopédie collaborative en ligne Wikipedia, désignait la superposition en temps réel de modèles virtuels 2 ou 3D à la perception que nous avions naturellement de la réalité » (ibid., p. 12).

[18] Ibid., p. 13.

[19] Solange Bied-Charreton, Enjoy, Paris, Stock, 2012.

[20] Ibid., p. 81.

[21] C’est la formule qu’utilise Camille Tenneson dans son article publié sur Bibliobs le 28 février 2012 : « Solange Bied-Charreton : élevée au numérique », en ligne ici.

[22] C’est-à-dire selon les critères affichés dans le site : « une sélection de romans, essais des nouvelles générations X ou Y : au cœur de la ville et de son ultra-moderne solitude, les adulescent(e)s tentent de devenir adulte, de surmonter leurs doutes et autres angoisses existentielles, de s’adapter ou même de conquérir le monde ».

[23] Douglas Coupland, Jpod, traduit de l’anglais (Canada) par Christophe Grosdidier, Vauvert, Éditions Au diable vauvert, 2010 (édition originale Random House of Canada, 2006).

[24] Ben Mezrich, The Accidental Billionaires, The Founding of Facebook, New York City, Doubleday, 2009.

[25] Signalons aussi le roman, très « générationnel » là encore, de Titou Lecoq (journaliste et blogueuse née en 1980), La Théorie de la tartine, Vauvert, Éditions Au diable vauvert, 2015 : les trois personnages principaux se posent des questions sur l’usage d’Internet. Paul l’exécute, vit par le Web, Christophe, idéaliste, pense que l’information citoyenne passe par ce canal et Marianne est une thésarde qui l’étudie.

[26] Romance nerveuse, op. cit., p. 57.

[27] Le Miracle, op. cit., p. 18.

[28] Fake, op. cit., p. 91.

[29] Ibid., p. 44.

[30] Psychologue et sociologue, professeur à l’ESCP.

[31] L’Individu hypermoderne, sous la direction de Nicole Aubert, ERES, 2004.

[32] Entretien de Nicole Aubert avec Denis Failly (publié le 10 janvier 2006), Culture Next, en ligne ici.

[33] Idem.

[34] Romance nerveuse, op. cit., p. 85-86.

[35] Ibid., p. 75.

[36] Ibid., p. 208.

[37] Fake, op. cit., p. 55.

[38] Romance nerveuse, op. cit., p. 71.

[39] Fake, op. cit., p. 102.

[40] Ibid., p. 124.

[41] Ibid., p. 68.

[42] Magali Bessone, « Culte de l’internet et transparence : l’héritage de l’idéologie américaine », Esprit, n°7, juillet 2011, p. 145.

[43] Serge Tisseron, L’Intimité surexposée, Paris, Ramsay, 2001.

[44] Ibid., p. 52-53.

[45] Anthony Giddens, La Transformation de l’intimité. Sexualité, amour et érotisme dans les sociétés modernes, Paris, La Rouergue/Chambon, 2004.

[46] Enjoy, op. cit., p. 18.

[47] Fake, op. cit., p. 35.

[48] Enjoy, op. cit., p. 71.

[49] Gilles Lipovetsky, Le bonheur paradoxal. Essai sur la société d’hyperconsommation, Paris, Gallimard, 2006, p. 347 : « Après le sensationnalisme des faits divers et les scoops de la vie politique, notre époque est magnétisée par l’exhibitionnisme de l’homme ordinaire. »

[50] Enjoy, op. cit., p. 52-53.

[51] Voir l’ouvrage récent du sociologue David Le Breton, Disparaître de soi. Une tentation contemporaine, Paris, Éditions Métailié, 2015.

[52] Enjoy, op. cit., p. 138.

[53] Romance nerveuse, op. cit., p. 210.

[54] Entretien de Camille Laurens avec Archibald Ploom, Culture Chronique , en ligne ici.

[55] C’est une autre chaîne sémantique que Haley Joel Osment trouve dans l’historique du moteur de recherche internet de Dakota Fanning : « boulimie », « vomitifs », « vomitifs pour enfants » (Richard Yates, op. cit., p. 159).

[56] Romance nerveuse, op. cit., p. 163-164.

[57] Ibid., p. 165.

[58] Pascal Lardellier, « Rencontres sur Internet : l’amour en révolution », Sciences humaines, publié le 1er septembre 2005, en ligne ici.

[59] Idem.

[60] Fake, op. cit., p. 31.

[61] Ibid, p. 30.

[62] Ibid., p. 14.

[63] Ibid, p. 32.

[64] Ibid, p. 47.

[65] Entretien de Camille Laurens avec Ritta Baddoura pour L’Orient Littéraire, août 2010, en ligne ici.

[66] Sherry Turkle, Seuls ensemble. De plus en plus de technologies, de moins en moins de relations humaines, L’échappée, 2015, traduit de l’américain par Claire Richard. Édition originale : Alone Together, Basic Books, 2011.

[67] Romance nerveuse, op. cit., p. 80.

[68] Enjoy, op. cit., p. 52.

[69] Fake, op. cit., p. 85.

[70] Richard Yates, op. cit., p. 73.

[71] Fake, op. cit., p. 39.

[72] Ibid., p. 9.

[73] Ibid., p. 9.

[74] Ibid., p. 138.

[75] Ibid., p. 92.

[76] Enjoy, op. cit., p. 155.

[77] Ibid., p. 140.

[78] Ibid, p. 54.

[79] Stéphane Vial, L’Être et l’écran. Comment le numérique change la perception, Paris, PUF, 2013.

[80] Ibid., p. 222.

[81] En ligne ici.

[82] En ligne ici.

[83] Jérôme Dumoulin, Faux Profil, Paris, Grasset, 2012.

[84] Enjoy, op. cit., p. 147.

[85] Ibid., p. 147-148.

[86] Romance nerveuse, op. cit., p. 144.

[87] Ibid, p. 166.

[88] Fake, op. cit., p. 67.

[89] Richard Yates, op. cit., p. 124-125.

[90] Le Miracle, op. cit., p. 19.

[91] Ibid., p. 135-136.

[92] Ibid., p. 136.

[93] Enjoy, p. 193.

[94] Fake, p. 81.

[95] Ibid., p. 69.

[96] Fake, p. 95.

[97] Véronique Taquin, Un roman du réseau, Paris, Hermann, coll. « Cultures numériques », 2012.

Auteur

Florence Thérond est maître de conférences en littérature générale et comparée à l’université Montpellier 3. Elle anime au sein du laboratoire RIRRA 21 le programme « La littérature à l’heure du numérique : nouvelles pratiques, nouvelles postures » dans le cadre duquel elle a co-organisé plusieurs journées d’étude consacrées aux relations des auteurs contemporains aux nouvelles technologies : « Tiers Livre, François Bon à l’œuvre » en 2013 ; « Chloé Delaume : S’écrire par-delà le papier » en 2014 ; « Les Formes brèves dans la littérature web » en 2015. Elle a par ailleurs consacré une partie de ses travaux aux représentations de l’intimité, de la famille et du couple dans la littérature contemporaine (elle a notamment dirigé deux ouvrages portant sur ces questions : Le Théâtre du couple au XXe siècle, L’Harmattan, 2011 et La Violence du quotidien, L’Entretemps, 2014).

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