Donner corps à la fiction : les performances littéraires de Chloé Delaume


Cet article se propose d’interroger l’importance de la performativité dans l’œuvre de Chloé Delaume. La pratique de la performance s’inscrit directement dans les dispositifs expérimentaux de l’auteure qui caractérisent ses différents projets d’écriture. Chez elle, la création littéraire, en plus de l’autofiction, passe en grande partie par l’exploration des formes variées de médiatisation du texte. Si ses performances sont avant tout des mises en scène de la lecture de ses romans, un de leurs objectifs premiers est en effet d’expérimenter des médiatisations inédites pour ses textes, c’est pourquoi elles possèdent souvent une dimension multimédia. Mais elles contribuent également, du fait qu’elles impliquent la présence physique de l’auteure, à construire le récit autofictionnel au cœur de la pratique littéraire de Delaume.

This article intends to question the significances of performativity in Chloé Delaume’s work. The practice of performance falls directly within the author’s experimental plan that characterize her various writing projects. For her, literary creation, in addition to autofiction, passes in large part through the exploration of various forms of mediation of the text. Although her performances primarily stage the reading of her novels, one of their most important objectives is to experiment new medias for her texts, which explains why they often are multimedia. Performance also contributes, because it implies the physical presence of the author, to construct the autofictional narrative at the core of Delaume’s literary practice.


Texte intégral

Les formes de littérature performées, si elles appartiennent à une histoire longue de la littérature – qui intègre notamment la transmission orale, la lecture publique, les représentations scéniques – trouvent actuellement un regain d’intérêt de la part des praticiens comme des récepteurs. Si la pérennité de ces formes de médiatisation du littéraire est moindre en comparaison de celle du livre, c’est aussi parce qu’elles posent ontologiquement un problème pour leur propre transmission et leur inscription historique. En effet, elles ne laissent que peu de traces à la postérité littéraire et leur éphémérité constitutive ne concède que peu de prise à l’exégète. Ces formes de manifestations du littéraire posent donc un problème épistémologique important pour le chercheur : quel objet étudier, sur quoi appuyer l’analyse ? En tant que chercheur, il est indispensable de prendre en compte ces manifestations sous peine de faire preuve d’une vision étroite de la littérature contemporaine, pour ne pas dire sclérosée. Et, dans le cas plus précis de la pratique de Chloé Delaume, comment aborder ses performances, dont il est si primordial de se saisir en dépit de leur labilité, pour comprendre la dimension expérimentale de son œuvre ? La pratique de la performance par Chloé Delaume s’inscrit directement dans les dispositifs expérimentaux qui caractérisent ses différents projets d’écriture. Chez elle, la création littéraire, en plus de l’autofiction, passe en grande partie par l’exploration des formes variées de médiatisation du texte.

Sans aborder les problèmes de définitions inhérents à la variété de pratiques que recoupe la performance, ou la pluralité de disciplines qui se sont approprié le terme, je propose de désigner par « performance », tout événement artistique produisant des gestes, des actes, ayant lieu le plus souvent en public, et dont le déroulement temporel constitue l’œuvre même. La performance peut être plus ou moins improvisée, mais chaque occurrence reste unique. La présence du performeur (qui peut être physique ou médiatisée) y est généralement centrale. Renvoyant aux essais fondateurs de Roselee Goldberg, Cynthia Carr ou Arnaud Label-Rojoux [1], je passerai outre l’équivocité essentielle du terme de performance, pour me concentrer sur la manière dont Delaume la pratique en acte.

Dans son essai, Performance: a Critical Introduction, Marvin Carlson décrit les différentes pratiques que recoupe le terme :

D’un côté, il y avait la performance […] l’œuvre d’un seul artiste, ayant souvent recours à des matériaux tirés du quotidien et qui joue rarement un personnage conventionnel, se concentrant sur les actions du corps dans l’espace et le temps, parfois grâce à la mise en scène de comportements naturels, d’autres fois par l’exhibition de compétences physiques hors du commun ou extrêmement intenses, se tournant progressivement vers des explorations autobiographiques. De l’autre côté, il y avait une tradition, que nous n’appelions pas performance jusqu’aux années 80, mais qui y a été incluse par la suite. Une tradition de spectacles plus élaborés, non plus basés sur le corps ou la psyché de l’artiste même, mais consacrés à la représentation d’images et de sons, impliquant le plus souvent du spectacle, de la technologie et un mélange de médias [2].

Les performances telles que les réalise Delaume se trouvent entre ces deux tendances décrites par Carlson. Elles sont avant tout des mises en scène (souvent dépouillées) de la lecture de ses romans. Un de leurs objectifs premiers est d’expérimenter des médiatisations inédites pour ses textes, c’est pourquoi elles possèdent souvent une dimension multimédia. Mais elles contribuent également, du fait qu’elles impliquent la présence physique de l’auteure, à construire le récit autofictionnel au cœur de sa pratique littéraire. Ceci nous conduira ultimement à interroger de manière plus large l’importance de la performativité dans l’œuvre de Chloé Delaume.

1. La performance comme expérimentation médiatique

La performance est une pratique ontologiquement liée à l’expérimental et c’est probablement cette dimension qui attire Delaume. Son premier roman, Les Mouflettes d’Atropos paraît en 2000 et presque immédiatement elle débute les lectures en public et les projets musicaux qui la conduisent vers la pratique de la performance. C’est en 2002 et en collaboration avec Dorine_Muraille, alias Julien Loquet [3], musicien électronique, qu’a lieu le premier cycle de performances auquel elle participe. Ce dernier, intitulé L’Impasse Muraille se déclinait en six volets et interrogeait déjà le lien entre fiction et identité cher à l’auteure, même si cette fois le personnage central était Dorine_Muraille. La performance accompagne ainsi dès le départ les expérimentations littéraires de Delaume qui en a effectué autour d’une cinquantaine.

Dans chacune de ses occurrences, la performance est un des avatars d’un projet d’écriture qui la dépasse, en perpétuelle mutation et qui inclut une pluralité de médiatisations. À ce titre le projet Corpus Simsi réalisé par Chloé Delaume de 2002 à 2005 est exemplaire [4]. Au cœur de ce dernier se trouve le jeu vidéo Les Sims, utilisé à des fins fictionnelles. Dans Corpus Simsi, l’auteure est une joueuse de God Game et le personnage un avatar de jeu de simulation de vie, mis en scène dans différents contextes d’énonciation. Il se construit en premier lieu dans une situation de jeu privé effectué par Chloé Delaume, puis il entre, à travers des performances multimédias, dans la sphère publique. Un blog, consacré au projet, relate au quotidien les aventures de l’avatar Sims, des articles et un livre paru en novembre 2003 aux Éditions Léo Scheer, sont publiés ; mais l’avatar est aussi au centre de plusieurs performances.

L’une d’entre elles est Corpus Simsi 1.0. Elle a eu lieu le 15 septembre 2002 lors de la soirée Chronic’Organic à La Cigale (Paris) et en collaboration avec Jim Thirlwell alias Foetus. Corpus Simsi 1.0 a été choisi comme exemple parce qu’il s’agit d’une des rares performances dont on peut trouver quelques traces. Il est en effet possible d’en voir un très court extrait vidéo sur youtube.

Vidéo 1 : Extrait de la performance de Chloé Delaume et Jim Thirlwell, Corpus Simsi 1.0, Chronic’Organic, Paris : La Cigale, 15 septembre 2002. Consulté le 23 mars 2016.

Chronic’Organic était organisée par le magazine culturel Chronic’Art qui accueillait des performances en tous genres alliant musiciens et écrivains expérimentaux. La Cigale est une salle de spectacle pouvant accueillir environ mille personnes, elle est utilisée habituellement pour des concerts et autres festivals. Cette performance de lecture et de jeu ne se fait donc pas dans un environnement intimiste, mais dans une grande salle hébergeant un public nombreux.

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Figure 1 : Corpus Simsi 1.0, image tirée du site Internet de Chloé Delaume.

Chloé Delaume est installée à une table au centre de la scène, devant un ordinateur sur lequel elle effectue en direct des séquences du jeu Les Sims, qui sont simultanément projetées sur un écran géant face au public, en même temps qu’elle lit un texte. Jim Thrilwell l’accompagne en créant en direct un morceau de musique électronique adapté aux situations décrites par Chloé Delaume. L’ambiance musicale est celle d’un univers gothique de film d’horreur qui apparaît a priori en totale opposition avec l’univers aux couleurs acidulées du jeu vidéo. D’un point du vue proprement plastique, nous avons un environnement obscur avec seulement deux pôles de lumière éclairant les artistes sur scène et l’écran géant. Le dispositif technique (ordinateurs, micros, console, fils) est mis en lumière. Dans le projet Corpus Simsi, le processus et les procédés de réalisation médiatique sont au cœur même de l’œuvre.

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Figure 2 : Corpus Simsi 1.0, image tirée du site Internet de Chloé Delaume.

 La technique fait partie intégrante de la création, qu’il s’agisse de la partie performance, ou par ailleurs du livre ou du site Internet. Tout le projet est un work in progress, et c’est la sémiose même, la construction du sens à travers les différentes aventures médiatiques de l’avatar et l’expérimentation, qui sont à l’origine du projet artistique et littéraire de Chloé Delaume. Comme l’explique Fernando Aguiar,

La performance en tant qu’acte esthétique est avant tout l’art de l’expérimentation, l’art de l’intensité et de la communicabilité, l’art ayant le plus grand nombre de signes à chaque moment de son évolution, l’art de la narration constante, de la transformation chromatique et formelle. L’art où l’artiste n’est plus le créateur contemplatif de sa propre œuvre, mais vit l’art qu’il crée et crée un art qui vit [5].

Dans les performances Corpus Simsi, tout se fait en direct dans un temps donné. L’objectif est de mélanger les médias, la technique et la littérature dans un spectacle ultra-contemporain, permettant de véhiculer une histoire fictive aux éléments classiques : un personnage vit une action, subit des péripéties (ici générées par l’adjuvant logiciel) dans un contexte expérimental. La fiction ici créée est une fiction assumée, aucune suspension d’incrédulité comme l’a explicité Coleridge n’est nécessaire : son artificialité se fait manifeste.

La performance est, pour reprendre une expression de Rosenthal et Ruffel la « cristallisation éphémère d’un processus [6] ». Elle est une étape parmi d’autres du work in progress que constitue chaque projet de Chloé Delaume, elle appartient à ce que David Ruffel appelle la littérature contextuelle qui désigne ces

[…] pratiques littéraires qui ont en commun de déborder le cadre du livre et le geste d’écriture, de démultiplier les possibilités d’intervention et de création des écrivains, possibilités parmi lesquelles le livre occupe toujours une place centrale mais désormais partagée, et de se faire in situ, sur les scènes des théâtres, dans les centres d’art, dans les bibliothèques ou dans la ville. Une littérature qui se fait donc « en contexte » et non dans la seule communication in absentia de l’écriture, du cabinet de travail ou de la lecture muette et solitaire des textes. Je propose de regrouper ces pratiques littéraires sous l’énoncé de « littérature contextuelle », en référence à la notion d’« art contextuel » inventée par l’artiste polonais Jan Swidzinski dans un manifeste intitulé « L’art comme art contextuel 1 » et popularisée récemment par l’essai de l’historien de l’art Paul Ardenne, Un art contextuel [7].

Il semble que bien des pratiques littéraires de Chloé Delaume appartiennent à cette littérature contextuelle, particulièrement ses performances, à travers lesquelles elle rompt avec la vision romantique de l’écrivain solitaire à sa table de travail. D’abord, elle s’approprie en tant qu’auteure des espaces publics, des espaces qui par ailleurs ne sont pas habituellement ceux où l’on partage de la littérature. La performance Corpus Simsi ici étudiée, se déroule à La Cigale, mais Delaume peut également investir les jardins de la villa Medicis pour la première performance du projet sur Le Parti du Cercle, intitulée « In bosco veritas » qui a eu lieu le 21 juin 2011, ou encore la chapelle de la Miséricorde à Metz en octobre 2011 pour « Strenga Misericordia. » Pour David Ruffel, l’écrivain contemporain,

prenant acte de l’affaiblissement et du décentrement de la position de la littérature dans la culture contemporaine, […] intègre naturellement les lieux de l’art, les scènes de théâtre, les milieux sociaux, là où il est possible de gagner en visibilité, en puissance symbolique, en « modernité », ainsi que de déplacer sa discipline, de l’interroger et de la doter de possibilités nouvelles [8].

Si elle peut aussi dénoter une nécessité économique pour les écrivains contemporains – nécessité que l’on ne saurait naïvement écarter – cette délocalisation, ou plutôt déterritorialisation de la littérature hors de ses lieux de prédilection que sont la bibliothèque, la librairie ou même l’université, fait partie intégrante de la démarche expérimentale de Delaume : elle témoigne d’une volonté explicite d’investir le réel. Comme elle l’écrit sur son site pour décrire Le Parti du Cercle, la saison 10 de son grand œuvre :

Les fictions dominantes colonisaient les mots, les eaux du Bangladesh étaient devenues violettes, l’industrie teignait ses textiles au jus de mort. La soirée du solstice d’hiver, elle a lancé Le Parti du Cercle à la Maison de la Poésie. Depuis, il s’écrit ici-même, et ailleurs. Surtout dans le réel, pour qu’il reste des traces. Des ateliers, des performances, des créations diverses, si possible collectives. La Sibylle est nomade, mais toujours connectée [9].

Investir de nouveaux lieux, en contact avec le public et rompre avec l’isolement de l’écriture, être « connectée » : un désir de collaboration qui caractérise chacune de ses performances. Pour la musique elle s’accompagne tour à tour de Dorine_Muraille, Fœtus, The Penelopes ou Gilbert Nouno, mais il y a aussi parfois des scénographes comme John Mahistre qui a participé à la performance « Invoquer les puissances femelles est ce soir la seule solution » du 9 septembre 2014 dans l’Amphithéâtre des trois Gaules à Lyon. Par ailleurs, pour cette même performance, Chloé Delaume était accompagnée d’une danseuse (Fanny Riou) et a convoqué le travail de « Devastée », un duo de designer gothique qui a réalisé ses tenues.

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Figure 3 et 4 : Corpus Simsi 1.0, images tirées du site Internet de Chloé Delaume.

2. Ostension du moi et du corps dans la performance

Toutefois, quelle que soit la part de collaboration dans les performances de Delaume, l’auteure est toujours au centre de l’événement. Il est dans la définition de la performance qu’elle soit incarnée, les anglophones diraient embodied. En tant qu’acte de représentation, de mise en scène de soi, elle s’avère correspondre parfaitement à la démarche autofictionnelle de Delaume. L’auteure est mise en « ostension » pour reprendre le vocabulaire d’Umberto Eco dans son article « Semiotic of Theatrical Performance ». Pour Eco : ce qui est en ostension « a été prélevé parmi les corps physiques existant et a été montré ou mis en ostension [10]. » Sans trop verser dans la sémiotique ou dans les théories de la performativité, l’ostension, caractéristique de la représentation, crée une distance avec le réel, elle inscrit la chose ou la personne comme signe, c’est-à-dire porteuse de signification. Il s’agit, dans les performances de Chloé Delaume, de mettre en scène un personnage de fiction joué par l’auteure qui, comme elle aime à le répéter, est de toute façon déjà un personnage de fiction [11].

Selon Marin Carlson, « au sein de l’espace de jeu, la performeuse n’est pas elle-même (du fait de l’illusion de la représentation) mais elle n’est aussi pas pas elle-même (du fait que ceci appartient au réel). La performeuse comme le public opèrent dans un monde de double conscience [12]. » Ainsi la mise en scène de soi à travers la performance, poursuit la démarche autofictionnelle de l’auteure. Pour reprendre les mots de Nancy Huston dans L’Espèce fabulatrice : « Devenir soi – ou plutôt se façonner un soi – c’est activer, à partir d’un contexte familial et culturel donné, toujours particulier, le mécanisme de la narration [13]. » La performance comme l’écriture romanesque semblent participer chez Delaume d’une seule et même narration, celle de l’autofiction. Dans la lignée des performeuses adeptes du monologue que sont Anna Dewaer Smith ou Laurie Anderson ou, avant elles Ruth Draper et Beatrice Herford, les performances de Delaume s’inscrivent dans une tradition d’exploration personnelle par la performance, qui selon Marvin Carlson remonte aux années 70 : « L’usage de la performance afin d’explorer des alter ego, de révéler des fantasmes ou son autobiographie psychique est devenu à partir de la moitié des années 70 une des approches majeures de la performance aux États-Unis [14]. »

Néanmoins, si les performances artistiques sont souvent centrées sur la problématique de la corporéité, celles de Corpus Simsi ont la particularité de moins mettre en scène le corps du performeur que la corporéité virtuelle de son avatar, ainsi que le titre même du projet le sous-entend. Corpus Simsi, en latin, signifie le corps du Sims, parodie de Corpus Christi : l’eucharistie, le symbole de la mort et de la résurrection du Christ, son passage de l’absence à une nouvelle présence. À travers l’avatar, nous avons affaire à un corps médiatisé. Le corps physique de Chloé Delaume, l’auteure, est d’ailleurs, durant la performance, dans une posture plutôt passive : elle est assise sur sa chaise quand son corps médiatique, Chloé Delaume, le personnage de fiction, est actif à l’écran.

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Figure 5 : Corpus Simsi 1.0, image tirée du site Internet de Chloé Delaume.

La présence corporelle n’est donc pas évacuée de la performance, mais elle se joue ici de manière différente : c’est un corps médiatisé dans un corps virtuel, un corps qui n’existe plus par le fait même de sa numérisation, un corps présent et absent. Chloé Delaume est à la fois physiquement présente sur scène, par sa voix, sa lecture, mais son corps est rendu absent, aspiré par son avatar, personnage de fiction, présence purement visuelle, dont le corps numérique est fondé sur une absence.

Les performances Corpus Simsi semblent ainsi être exemplaires d’une relation difficile au corps qui parcourt toute l’œuvre de Delaume. À ce sujet, dans Dans ma maison sous terre, elle écrit : « Je n’habite pas mon corps, j’ose à peine l’habiter, parce qu’il n’est pas le mien, mais celui de Nathalie [15]. » Puis, dans un entretien récent avec Colette Fellous, elle ajoute : « J’ai une sensation de flottement, je l’habite très peu mon corps [16]. » Ce mode de relation au corps se retrouve de manière assez similaire dans Messalina Dicit, performance centrée autour de la figure de Messaline, « puissante et bacchante qui a de son vivant fait ployer le réel au point que celui-ci l’a rejetée [17]. »

Vidéo 2 : Extrait de la performance « Messalina Dicit » réalisée par Chloé Delaume et Gilbert Nouno, le 14 septembre 2011 à La Criée à Marseille lors du festival Actoral.11.

Si la scénographie est quelque peu différente de Corpus Simsi, puisqu’il n’y a pas d’écran, le dispositif technique est encore une fois visible : les fils et la console du musicien Gilbert Nouno, les micros, etc. Delaume se tient dans une attitude relativement figée : elle est debout, vêtue en noir sur un fond noir, postée derrière son micro, les mains posées fixement sur le pupitre, dans une posture très solennelle. Elle n’effectue pas de gestes, presqu’aucun déplacements tout au long des cinquante minutes de performance –  si ce n’est pour sortir de scène. L’espace scénique occupé par l’auteure est minime : le corps cède ainsi l’initiative aux mots, à leur lecture.

 Au tout début de la performance, elle signale sa présence physique et sa posture publique. Elle dit :

Sur scène se dresse un corps articulant des sons qui s’agencent de façon à former un discours, un discours. Ce corps il m’appartient, m’appartiendra toujours… j’en ai pris possession il y a longtemps maintenant […] [18]

Elle dit « un corps » et non « mon corps », elle dit « ce corps », utilisant un déictique, impliquant une distance, une scission puisque le « je » et le corps y sont deux entités distinctes. Ces mots témoignent d’une relation complexe à son propre corps, qui transparaît dans la mise en scène. Toutefois cette forme de négation du corps dans la performance, peut aussi être vue comme la volonté de produire une œuvre minimaliste où le sonore, c’est-à-dire la voix et, à travers elle, le texte, « le discours » de Delaume, ainsi que la musique de Nouno, priment absolument. Delaume lit de manière assez monocorde, sa lecture est scandée par des phrases souvent courtes et de nombreuses pauses. Ceci, ainsi que la longueur même de la performance, lui confèrent une dimension proprement incantatoire, accentuée par des jeux d’écho, l’absence de mélodie et les rythmes répétitifs ponctués de notes aiguës créées par Nouno. La performance reprend la thématique du rituel de sorcellerie, de l’incantation qui caractérise les différentes déclinaisons du projet réalisé autour du Parti du Cercle. Le corps de Delaume est un corps possédé, elle le déclare pendant la performance : « Ce corps est un médium, le verbe le pénètre comme les identités. Ce corps est un médium [19]. » En même temps, la performance même, en tant qu’expérimentation médiatique, peut être perçue comme une tentative de réapparition, d’exorcisation de ce corps, de ce médium. Delaume dit à ce sujet :

Je suis très éloignée de mon corps, je l’habite vraiment très très peu et assez mal, en même temps, je somatise parfois assez violemment et puis je suis la reine des bleus. […] Donc, il s’agit en ce moment de réhabiter ce corps, parce qu’effectivement, je pense avoir assez bien réussi à me réapproprier une nouvelle identité fixe, fixe au sens de pas mouvante et donc, il y a rien de schizophrénique là-dedans, c’est vraiment quelque chose de volontaire et d’esthétique j’ai envie de dire, c’est une démarche artistique, en fait mais le corps est le seul, le seul point d’ancr…, qui pourtant est le point d’ancrage principal, où j’ai pas encore résolu l’affaire [20].

Les propos de Delaume peuvent laisser penser que la performance est une manière d’ancrer ce corps, de l’expérimenter pour finalement en reprendre les rênes.

3. La dimension performative de l’écriture, de l’œuvre de Chloé Delaume

Si réaliser une performance apparaît comme un moyen de se réapproprier son corps, il semble que la dimension performative de sa pratique ne puisse se réduire à une volonté d’incarnation. Plus largement, la dimension performative est présente dans l’ensemble de son œuvre tant le dire et le faire y sont toujours liés. Performance et performativité se recoupent dans sa pratique même d’écriture. À ce titre, l’auteure ne peut se contenter du livre comme support d’écriture : pour que cette performativité du langage puisse pleinement s’épanouir, elle doit investir le réel, se faire parole et donc lecture publique.

Chez Delaume, écrire, performer le soi, c’est être ; et ce quand bien même ce moi est fictionnel. Selon elle, de toute façon, le réel est composé d’une multitude de fictions ; par conséquent, dans une forme de syllogisme implacable, écrire la fiction de soi, c’est entrer dans le réel. L’autofiction devient ainsi une manière de reconstruire son identité après le drame inaugural. Beaucoup de ses œuvres répètent ce leitmotiv : « Je m’appelle Chloé Delaume. Je suis un personnage de fiction [21]. » Ces paroles relèvent d’une dimension performative. Elle crée son personnage, recrée son identité sous son pseudonyme à chaque fois qu’elle l’énonce. À travers cette phrase, et donc à travers le langage, elle reprend en main sa fiction. Elle écrit :

Parce que j’affirme m’écrire, mais je me vis aussi. Je ne raconte pas d’histoires, je les expérimente toujours de l’intérieur. L’écriture ou la vie, ça me semble impossible, impossible de trancher, c’est annuler le pacte. Vécu mis en fiction, mais jamais inventé. Pas par souci de précision, pas par manque d’imagination. Pour que la langue soit celle des vrais battements de cœur [22].

Écrire, c’est vivre. Dire, c’est être. Toutefois cette performativité du langage s’exprime chez Delaume au-delà de l’aspect cathartique du dire. Dans Dans ma maison sous terre elle écrit pour tuer sa grand-mère. La tuer et, si possible, pas seulement symboliquement. Dans un très beau billet de blog, Arnaud Maïsetti déclare à propos de ce roman :

D’une écriture qui se voudrait performative : de celle capable de donner la naissance de la mort, accomplissant l’acte qu’elle énonce : mais ce qu’elle énonce, ce n’est pas : tu meurs, tu vas mourir. C’est sans doute plus que cela : j’écris pour que tu meures. Et que la mort vienne ou non, ce n’est pas le plus important [23].

Delaume croit en l’efficace du « Verbe » avec une majuscule, au pouvoir « illocutoire » du langage, pour reprendre le vocabulaire du philosophe du langage John Austin. Et ce n’est pas un hasard si dans ses dernières expérimentations dans le cadre du Parti du Cercle elle a recours à la magie, à la performativité du rituel de sorcellerie et du sortilège. D’ailleurs, dans un entretien avec Barbara Havercroft, elle déclare à ce sujet :

L’autofiction s’approche souvent de la magie noire. Le Je n’est pas le Moi, il exige des rituels et souvent des victimes. La femme de Doubrovsky, en lisant le manuscrit du Livre brisé, a bu de la vodka jusqu’à ce que mort s’en suive. Le père de Christine Angot est mort, lui aussi, d’avoir lu L’Inceste [24].

En effet, le langage a des effets illocutoires et perlocutoires redoutables et le décès de la grand-mère de Chloé Delaume à l’issue de la parution de Dans ma maison sous terre ne dément pas la puissance de ses sortilèges. Néanmoins, au-delà de la magie noire, c’est la force de vie ou de survie que Delaume semble dégager du langage qui interpelle le plus souvent le lecteur.

User de la fiction pour construire, reconstruire, le passé le présent signifie rester maître de son propre destin. Contrer Parque et fatum, se redresser par le biais des techniques narratives. Ne jamais filer doux, tisser son quotidien. Dire non, rester debout. Se réapproprier sa propre narration existentielle, utiliser la langue pour parer aux attaques rampantes et permanentes issues du Biopouvoir. Position verticale, riposte politique [25].

Au-delà de l’autofiction, Delaume fait donc preuve d’un rapport vital à l’écriture. Pour elle, comme pour Proust dans Le Temps retrouvé, « la vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent, c’est la littérature [26] » et ce quel que soit son mode de médiatisation.

Si jusque-là le livre, de par son pouvoir consacrant, était, pour les auteurs et leurs exégètes, un « horizon d’écriture incontournable [27] », pour reprendre l’expression de Lionel Ruffel et Olivia Rosenthal dans « La Littérature exposée [28] », il est aujourd’hui indispensable d’accompagner le mouvement amorcé par des auteurs comme Pierre Guyotat, François Bon, Jean-Luc Raharimanana, Éric Chauvier, Jean-Yves Jouannais, ou encore Éric Chevillard, etc. [29], qui proposent un rapport tout à fait différent à l’écriture et qui dépassent le rapport quasi métonymique entre la littérature et le livre. Chloé Delaume appartient résolument à ces écrivains capables de penser la littérature hors le livre. D’ailleurs, dans un billet issu de la section « remarques et compagnie » (aujourd’hui disparue) de son site Web, elle réagit au fait qu’on lui demande régulièrement son avis sur le livre numérique et la tant annoncée mort du livre, et déclare une absence d’attachement ‒ d’aucuns parleraient de fétichisme ‒ pour le livre :

Je ne comprends pas cette peur du numérique. C’est le texte qui importe, pas son support. […], le rapport charnel au livre, c’est vrai que je ne le saisis pas, je ne l’ai jamais vécu, la bibliophilie, les reliures, ça me laisse de glace, seul le contenu me touche. Mais je reste perplexe, quand même, face à cette frayeur de la fin du livre, comme si ça signifiait la mort de la littérature, le numérique [30].

Cette posture qui fait primer le texte, l’écriture, l’expérimentation sur le support, elle la développera également à travers le dialogue entre Théophile et Clotilde Mélisse dans Dans ma maison sous terre. Clotilde Mélisse, qui aime à déclarer « le livre est mort, vive la littérature [31] ! », avec un point d’exclamation comme le précise Théophile, est une sorte d’alter ego militant du personnage de fiction Chloé Delaume, « un creuset à fantasmes, un transfert très grossier [32] » dit-elle. La littérature hors le livre selon Delaume possède une dimension indéniablement politique, voire éthique : contre « la république bananière des lettres [33] », puisque le livre est aussi pour elle, dans une certaine mesure, symbole de ce monde éditorial rongé par le monopole des grandes maisons d’éditions et leurs démarches commerciales. Ainsi, chercher à s’échapper du livre par la performance est également comme un moyen de remettre en question son monopole symbolique. Cela permet aux auteurs comme Delaume d’exercer le littéraire à l’extérieur du monde normatif de l’édition, l’objectif étant avant tout de laisser plus de place à l’expérimental.

Au-delà du simple exercice promotionnel, les écrivains contemporains revendiquent leur place dans l’espace public, et la lecture et la performance participent résolument de cette nouvelle présence. Loin d’être un locuteur in absentia, l’auteur contemporain s’incarne, s’expose, voire se trouve « surexposé », comme le constatent Ruffel et Rosenthal :

L’écrivain, s’il veut être présent et exister en tant qu’écrivain, doit désormais se rendre visible. Ses interventions dans le champ social vont de pair avec le développement du spectaculaire et d’une industrie culturelle littéraire pour lesquels le corps physique de l’auteur est de plus en plus requis : des signatures en librairie aux lectures publiques jusqu’au développement inédit et massif des festivals littéraires, on assiste à une transformation de la présence sociale de l’auteur. La visibilité de l’écrivain devient à la fois un principe esthétique et une condition sociale [34].

L’exercice même de la performance permet de pallier les écueils que peuvent parfois former la présence publique de l’écrivain en le faisant entrer dans l’espace et en lui donnant corps sur un mode purement représentationnel et fictionnel, mode qu’embrasse absolument Delaume. Grâce à son pseudonyme concaténant références à L’Écume des jours de Boris Vian et L’Arve et l’Aume d’Antonin Artaud, adaptation-traduction de La Traversée du miroir de Lewis Caroll, l’auteure reste toujours du même côté du miroir, le seul dans lequel la vie est possible : la fiction.

Notes

[1] V. Roselee Goldberg, Performances  L’Art en action, Londres, Thames & Hudson, 1999 ; Roselee Goldberg, La Performance, du futurisme à nos jours, Londres, Thames & Hudson, [1979] 2001 ; Cynthia Carr, On Edge  Performance at the End of the 20th Century, Middletown, Wesleyan University Press, [1993] 2008 ; Arnaud Label-Rojoux, Acte pour l’art, Paris, Al Dante, [1989] 2007.

[2] Je souligne. « On the one hand there was performance […] the work of a single artist, often using material from everyday life and rarely playing a conventional “character”, emphasizing the activities of the body in space and time, sometimes by the framing of natural behaviour, sometimes by the display of virtuosic physical skills or extremely taxing physical demands, and turning gradually toward autobiographical exploration. On the other hand there was a tradition, not often designated as performance until after 1980 but subsequently generally included in such work, of more elaborate spectacles not based upon the body or the psyche of the individual artist but devoted to the display of non-literary aural and visual images, often involving spectacle, technology, and mixed media. » (Carlson Marvin, Performance : A Critical Introduction, New York et Londres, Routledge, 2004, p. 115).

[3] V. Dorine Muraille, Mani, Fat Cat Records, 2003.

[4] Une partie de cette analyse de Corpus Simsi est tirée d’un article précédemment publié : Anaïs Guilet, « Lire le jeu vidéo, jouer à la littérature : Corpus Simsi de Chloé Delaume », Questions de communication, série acte 8 : Les jeux vidéo au croisement du social, de l’art et de la culture, Sylvie Craipeau, Sébastien Genvo et Brigitte Simonnot (dir.), Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2010.

[5] « Performance as an aesthetic act is above all the art of experiment, the art of intensity and communicability, the art having the greatest number of signs at each moment of its evolution, the art of constant narrative, chromatic and formal transformation. Where the artist is also no longer the contemplative creator of his own work, but lives the art he creates and creates an art that lives. » (Fernando Aguiar, Performance : the Essence of the Senses, en ligne ici).

[6] Olivia Rosenthal, Lionel Ruffel, « Introduction », Littérature, nº 160, décembre 2010, p. 9. En ligne ici.

[7] David Ruffel, « La littérature contextuelle », ibid., p. 62. En ligne ici.

[8] Ibid,  p. 63.

[9] Chloé Delaume, « Vie, saisons, épisodes », en ligne ici.

[10] « [It] has been picked up among the existing physical bodies and it has been shown or ostended » (Umberto Eco, «Semiotic of Theatrical Performance», The Drama Review : TDR, Vol. 21, nº 1, Theatre and Social Action Issue, mars 1977, p. 110).

[11] « Je m’appelle Chloé Delaume. Je suis un personnage de fiction. Je le dis, le redis, sans cesse partout l’affirme. Je m’écris dans des livres, des textes, des pièces sonores. J’ai décidé de devenir personnage de fiction quand j’ai réalisé que j’en étais déjà un. À cette différence que je ne m’écrivais pas. D’autres s’en occupaient. Personnage secondaire d’une fiction familiale et figurante passive de la fiction collective. J’ai choisi l’écriture pour me réapproprier mon corps, mes faits et gestes, et mon identité » (Chloé Delaume, S’écrire mode d’emploi, Publie.net, 2008).

[12] « Within the play frame a performer is not herself (because of the operation of illusion) but she is also not not herself (because of the operations of reality). Performer and audience alike operate in world of double consciousness » (Carlson Marvin, Performance : A Critical Introduction, New York et Londres, Routledge, 2004, p. 49).

[13] Nancy Huston, L’Espèce fabulatrice, Paris, Actes Sud, 2008, p. 24.

[14] « […] the use of performance to explore alternate selves or to reveal fantasies or psychic autobiography had by the mid 1970’s become a major approach to performance in the United States » (Carlson Marvin, Performance : A Critical Introduction, New York et Londres, Routledge, 2004, p. 126).

[15] Chloé Delaume, Dans ma maison sous terre, Paris, Seuil, 2009, p. 202.

[16] Entretien radiophonique avec Colette Fellous, « Vingt-quatre heures dans la vie de… », France Culture, dimanche 9 août 2009.

[17] Description de la performance « Messalina Dicit » sur le site d’Actoral.11. En ligne ici.

[18] Retranscription de la performance « Messalina Dicit » réalisée par Chloé Delaume et Gilbert Nouno, le 14 septembre 2011 à La Criée à Marseille lors du festival Actoral.11. En ligne ici, consulté le 25 mars 2016.

[19] Ibid.

[20] Entretien radiophonique avec Colette Fellous, « Vingt-quatre heures dans la vie de… », France Culture, dimanche 9 août 2009.

[21] V. Chloé Delaume, La Vanité des Somnambules, Paris, Leo Scheer, 2003 ; Chloé Delaume, Corpus Simsi, Paris, Leo Scheer, 2003 ; Chloé Delaume, Une femme avec personne dedans, Paris, Seuil, 2012 ; La règle du Je. Autofiction : un essai, Paris, PUF, 2015.

[22] Chloé Delaume, S’écrire mode d’emploi, Publie.net, 2008.

[23] Arnaud Maïsetti, « Chloé Delaume Dans ma maison sous terre : Poétique de l’autofiction », billet de blog, 28 février 2009, en ligne ici.

[24] Chloé Delaume, « Le soi est une fiction », entretien avec Barbara Havercroft, Revue critique de fixxion française contemporaine, 2012. En ligne ici.

[25] Chloé Delaume, S’ écrire mode d’emploi, Publie.net, 2008.

[26] Marcel Proust, Le Temps retrouvé, Paris, Gallimard [1927], 1990, p. 202.

[27] Olivia Rosenthal, Lionel Ruffel, « Introduction », Littérature, op. cit., p. 4.

[28] Ibid.

[29] Auteurs que citent David Ruffel dans « Une littérature contextuelle », Littérature, op. cit.

[30] Chloé Delaume, billet de blog, « Remarque et cie », anciennement en ligne ici, consulté le 13 juin 2010.

[31] Chloé Delaume, Dans ma maison sous terre, Paris, Seuil, 2009, p. 27.

[32] Ibid. p. 29.

[33] Ibid. p. 27.

[34] Olivia Rosenthal, Lionel Ruffel, « Introduction », Littérature, op. cit., p. 10.

Auteur

Anaïs Guilet est maîtresse de conférences en Lettres et en Sciences de l’information et de la communication à l’université Savoie-Mont Blanc. Elle fait partie de l’équipe G-SICA, consacrée à la  recherche sur l’image, la communication et les arts numériques, du laboratoire LLSETI. Spécialisée dans les humanités numériques, ses recherches portent sur les esthétiques numériques et transmédiatiques, ainsi que sur la place du livre dans la culture contemporaine. Son site Web : www.cyborglitteraire.com.

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Le journalisme narratif aux États-Unis : de l’imprimé aux nouveaux formats en ligne


Le journalisme narratif peut être défini – dans un premier temps en tout cas – comme une forme de journalisme qui utilise des techniques d’écriture généralement associées à la fiction pour raconter l’actualité. Cet article s’intéresse à la poétique des récits de journalisme narratif américain contemporains, particulièrement dans les journaux quotidiens, et à la façon dont cette poétique se prolonge et se renouvelle dans différents formats qui se développent en ligne, comme le récit multimédia, le podcast narratif et le « journalisme immersif ». La poétique de ces récits est appréhendée, d’une part, en termes de tension entre immersion et information et, d’autre part, en termes de tension entre médiation affichée ou effacée du/de la journaliste.

Narrative journalism can be defined – at least initially – as a form of journalism that uses writing techniques generally associated with fiction to tell the news. This article explores the poetics of contemporary American narrative journalism texts, particularly in daily newspapers, and how such poetics persist and evolve in emerging online formats, such as multimedia narratives, narrative podcasting, and “immersive journalism”. The poetics of these narratives is approached, on the one hand, in terms of a tension between immersion and information and, on the other hand, in terms of a tension between displaying and erasing the mediation of the journalist.


Texte intégral

Le journalisme narratif est généralement défini comme une forme de journalisme qui utilise des techniques d’écriture associées à la fiction pour raconter l’actualité. La plupart des définitions proposent même une liste des techniques d’écriture en question. Ainsi, une revue systématique de la littérature scientifique anglophone répertorie : « la voix, le point de vue, le personnage, le cadre, l’intrigue et/ou la chronologie pour raconter le réel au travers d’un filtre subjectif [1] ». Cette liste rejoint largement une compilation critique de définitions d’experts et de praticiens, pour la plupart américains, selon laquelle

Le récit, en journalisme narratif, utilise des techniques d’écriture littéraires pour rendre compte d’une histoire réelle où des personnages déploient leurs actions dans le temps et dans un cadre spatial. Cette histoire est mise en forme – par un narrateur qui possède une voix propre, personnelle – de manière à créer un récit organisé et capable de simuler une forme d’expérience pour ses lecteurs. La mise en récit est orientée par une volonté manifeste de capter et garder l’intérêt de ces lecteurs, avec pour but final de leur offrir une compréhension plus profonde du réel dans lequel ils vivent [2].

Si de telles (compilations de) définitions permettent de rendre plus concrète la notion d’un journalisme qui s’écrit et se lit « comme un roman [3] », elles ont également tendance à figer ou lisser une forme mouvante et fluide, que l’on retrouve d’ailleurs dans diverses régions du monde [4] et qui a connu et connaît encore aujourd’hui, dans chacune de ces régions, une évolution propre [5]. Pour éviter un tel lissage, on peut appréhender le journalisme narratif comme un modèle journalistique particulier, qui s’oppose au modèle dominant – dans le journalisme factuel en tout cas – de la pyramide inversée, mais qui est lui-même plus complexe que les listes de caractéristiques ne le laissent paraître, et que l’on peut mettre en œuvre de différentes façons et à des degrés divers.

Cet article présente une proposition de modélisation du journalisme narratif centrée sur les tensions essentielles qui définissent les grands possibles de sa poétique. Il illustre ensuite comment cette modélisation s’applique au journalisme narratif américain contemporain et les tendances que l’on peut observer quant à la poétique de celui-ci, particulièrement dans les journaux quotidiens. Enfin, l’article explore comment cette poétique se prolonge et se renouvelle dans trois formats journalistiques qui se développent actuellement en ligne : le récit multimédia, le podcast narratif et le journalisme dit « immersif. »

1. Un modèle défini par une double tension

Si l’on cherche à dépasser les définitions existantes pour cerner ce qui fait l’essence même du journalisme narratif, une première tension apparaît directement, entre une forme qui emprunte les codes de la fiction et un contenu fermement ancré dans le réel [6]. En termes narratologiques, le journalisme narratif peut être pensé comme une tentative de réconcilier, au sein d’un même texte, les deux prototypes de la narrativité formalisés par Raphaël Baroni [7] : le récit informatif, qui met en œuvre une fonction configurante, et le récit immersif, qui met en œuvre une fonction intrigante. Tel que défini par Baroni, le récit informatif s’inscrit dans une conception de l’intrigue en tant que configuration, au sens ricœurien du terme [8]. Il « vise à informer, à ordonner le passé, à établir les faits et à associer les événements à des cadres interprétatifs qui les rendent compréhensibles [9] ». Le récit immersif, au contraire, s’inscrit dans la conception de l’intrigue développée par Baroni [10] dans la double lignée des travaux de Jean-Michel Adam [11] et de Meir Sternberg [12]. L’intrigue y est développée

dans le but d’immerger le récepteur dans une expérience simulée et de nouer une tension orientée vers un dénouement éventuel. Il s’agit de construire une expérience « quasi-mimétique » fondée sur le suspense, la curiosité et la surprise, ce qui implique que la compréhension globale des événements est stratégiquement retardée ou définitivement empêchée [13].

Le journalisme narratif étant une forme de journalisme factuel, son but premier est d’informer. De nombreux praticiens et experts vont même plus loin, en soutenant qu’il permet une meilleure compréhension de l’actualité que le journalisme « classique [14] ». Cette idée se retrouve également largement dans la littérature scientifique, puisque la recherche sur son rôle sociétal considère le journalisme narratif comme « un outil puissant pour […] augmenter la compréhension qu’a le public de la société, dans toute sa complexité [15] ».

Cependant, si le journalisme narratif a pour but de nous informer et de configurer notre expérience du monde, il utilise pour ce faire la forme du récit immersif et intrigant. Les manuels de journalisme narratif [16] décrivent ainsi précisément la structure de l’intrigue telle que définie par Baroni [17] – soit la dynamique entre un nœud et la promesse de son dénouement, qui fait naître la tension narrative. L’intrigue fait également partie des techniques listées suite à la revue systématique de la littérature scientifique [18].

Les guides pratiques insistent en outre sur la dimension expérientielle du récit. Comme l’écrit James Stewart, « [le] récit montre aux lecteurs ce qui s’est passé, souvent au travers de détails saisissants. De toutes les formes d’écriture, c’est celle qui tente le plus directement de recréer la réalité pour le lecteur [19] ». Cette dimension expérientielle renvoie notamment à ce que Kobie van Krieken appelle, dans sa liste des techniques d’écriture, « point de vue », qui permet de développer des « descriptions des perceptions sensorielles, des émotions et des pensées des personnages [20] ».

Il apparaît donc que les deux types narratifs, le récit immersif et le récit informatif, sont tout aussi essentiels l’un que l’autre au journalisme narratif. De la tentative de les réconcilier au sein d’un même texte naît une forme de tension que chaque article de journalisme narratif résout à sa manière, en créant un équilibre qui lui est propre, entre les deux types narratifs [21]. Cette proposition, d’abord théorique, a été testée et validée sur un large corpus de productions journalistiques narratives américaines et francophones [22].

Ce test a permis de mettre en évidence une deuxième tension constitutive du journalisme narratif, liée à une autre caractéristique du modèle, largement reconnue par les professionnels [23] et discutée dans la littérature scientifique [24], mais qui se traduit de manières très diverses dans les textes : son caractère subjectif. Comme le soulignent van Krieken et José Sanders [25], le journalisme narratif raconte l’actualité au travers d’une voix et d’un filtre subjectif, qui peut être soit un personnage, soit le/la journaliste.

Toutefois, puisqu’il s’agit de récits du réel – et non de récits de fiction –, le journaliste-narrateur

est toujours le focalisateur principal, qu’il cherche à s’effacer ou qu’il se présente en tant que personnage, qu’il soit conscient de son rôle de filtre ou non. Il peut tenter d’adopter le point de vue d’une autre personne, qui devient alors focalisateur second, mais ce deuxième niveau de focalisation reste soumis à l’information et à la perspective, indépassables, du focalisateur principal [26].

Même si le journalisme narratif peut nous offrir un accès à la subjectivité des personnes qui font l’actualité, cette subjectivité recréée dépend toujours d’une subjectivité première et insurmontable : celle du/de la journaliste. L’analyse de l’ensemble du corpus [27] montre que cette subjectivité insurmontable peut être plus ou moins explicite dans le récit, selon que le/la journaliste s’exprime au je, au nous ou même à la troisième personne, pour faire part de ses démarches, ses doutes, ses convictions ou même ses émotions. Se dessine ainsi une deuxième tension essentielle au journalisme narratif, qui renvoie, en termes narratologiques, à la fois aux notions de voix [28], de focalisation et de point de vue [29], et même, plus récemment, de « forme de conscience constituante [30] ». Cependant, ces différentes catégories – et, surtout, les débats qu’elles suscitent –, risquent de nous éloigner de l’aspect proprement journalistique de la question qui nous occupe. Je propose donc de nous en tenir ici à une formulation en termes de tension entre affichage et effacement de la médiation subjective du/de la journaliste.

2. Dans le journalisme narratif écrit

Selon la modélisation proposée, le journalisme narratif peut être appréhendé en tant que modèle au travers de deux tensions fondamentales qui déterminent les grands possibles de sa poétique. La poétique propre à chaque texte de journalisme narratif peut dès lors se décrire en termes d’équilibre particulier entre récit informatif et immersif d’une part et entre médiation affichée ou effacée d’autre part. Pour la rendre plus concrète, cette modélisation peut être illustrée par deux exemples issus du corpus d’articles américains sur lequel elle a été testée et construite.

Le premier exemple est un article de Lane DeGregory, intitulé « Une jeune femme se débat, entre addiction à l’oxy et sevrage » (« A young woman struggles with oxy addiction and recovery ») et paru dans St. Petersburg Times le 16 décembre 2011. Si le titre semble plus informatif qu’intriguant ou immersif, le début du texte nous plonge directement dans un moment clé de l’histoire de cette jeune femme :

Lorsque sa mère vint la chercher ce matin-là pour l’emmener au tribunal spécialisé dans les affaires de drogue, Stacy Nicholson était encore défoncée.

[…]

Stacy et deux de ses cousins étaient enfermés depuis des mois dans cette maison délabrée, se droguant avec des pilules antidouleur écrasées. Des seringues usagées jonchaient une table de chevet. La mère de Stacy n’avait cessé de lui dire : Quelqu’un dans cette maison va mourir [31].

Dès la première phrase est ainsi posée la complication qui va nouer et tendre l’ensemble du récit. Les paragraphes suivants permettent de situer le personnage de Stacy et de mieux comprendre sa situation, tout en suivant son passage devant la juge. C’est également l’occasion de comprendre que son histoire s’inscrit dans un problème sociétal beaucoup plus large en Floride :

De toutes les prescriptions d’oxycodone délivrées aux États-Unis au cours du premier semestre de l’année dernière, 98% l’ont été en Floride. Selon le centre de médecine légale de l’État, en moyenne, sept Floridiens meurent chaque jour d’une overdose de médicaments sur ordonnance – soit un nombre de décès supérieur aux décès causés par les accidents de la route [32].

Après un début très immersif et intriguant, ces éléments apportent l’information nécessaire pour comprendre les enjeux de l’histoire de Stacy et en quoi cette histoire est importante pour l’ensemble de la société. La compréhension que permettent ces éléments informatifs permet, en retour, de renforcer la tension narrative. C’est particulièrement clair à la fin de cette première longue scène au tribunal : « En ce jour de février, dans le tribunal de la juge Farnell, Stacy s’est engagée dans ce qui, de l’avis de tous, était un combat pour sa vie. Elle pouvait soit s’en sortir soit devenir l’une des sept victimes floridiennes quotidiennes de l’abus d’antidouleurs [33]. »

L’article suit ensuite Stacy dans les différentes étapes de son parcours pour essayer de vaincre son addiction : en prison, dans un foyer de transition, à la recherche d’un travail, de retour en prison, etc. Ces scènes, racontées de manière immersive, sont entremêlées de passages plus informatifs, notamment concernant l’addiction. Ainsi, juste après la mort du cousin de Stacy, le texte explique qu’environ 50% de l’addiction serait d’origine génétique. La journaliste développe rapidement les différentes raisons qui poussent à consommer des drogues, avant de revenir à Stacy, qui pense que c’est un traumatisme d’enfance qui l’a poussée à commencer, et de détailler les grandes phases de sa vie et de son addiction.

Le récit s’achève lorsque Stacy quitte le foyer de transition pour s’installer chez sa mère. La protagoniste semble être sur la bonne voie pour en finir avec son problème d’addiction. Cependant, pour fêter son nouveau départ, elle achète une bouteille d’alcool, ce qui lui est interdit. Le texte se termine quelques lignes plus loin et une semaine plus tard, sur sa rupture avec son nouveau petit ami :

Si Stacy l’avait reçu n’importe quel autre jour, pendant la majeure partie de sa vie, un texto comme celui-ci aurait été une raison parfaite pour prendre une pilule. Mais pas ce jour-là.

Ce jour-là, elle se laissa ressentir la douleur [34].

Si la complication de départ peut sembler résolue, puisque Stacy a finalement pu sortir du foyer de transition dans lequel l’avait envoyée la juge au tout début du récit, les derniers paragraphes du texte soulignent à la fois un événement encourageant – Stacy qui se laisse ressentir la peine de sa rupture – et un événement plus inquiétant – l’achat de la bouteille d’alcool. La résolution apparaît donc temporaire, susceptible d’être confirmée ou infirmée par la suite, sans clairement diriger le lecteur vers l’une des deux options.

En ce qui concerne le rapport à la subjectivité, la journaliste efface presque complètement toute trace de sa présence dans le récit. Elle n’est présente qu’à la troisième personne, dans quelques phrases glissées dans la toute première scène du récit, au tribunal :

Environ 500 accusées ont comparu devant le tribunal lors des Journées des Femmes cette année. Les journalistes du St. Petersburg Times ont assisté à ces journées, semaine après semaine. Ils ont interviewé des douzaines de femmes. Ils ont suivi des toxicomanes alors qu’elles oscillaient entre prison et traitement, qu’elles logeaient dans des maisons abandonnées, qu’elles cherchaient un emploi et qu’elles titubaient vers une guérison ou une rechute.

Une femme a laissé les journalistes la suivre toute l’année [35].

Ces quelques phrases indiquent au lecteur comment la journaliste a eu accès aux détails de la vie de Stacy et ce qui lui permet de recréer son expérience de manière aussi intime tout au long du récit. Outre ce passage, la présence de la journaliste ne se fait sentir qu’à de rares occasions, quand elle prend ouvertement ses distances par rapport aux personnages dont elle raconte l’histoire. Ainsi, avant de raconter les deux rechutes de Stacy – auxquelles elle ne semble pas avoir directement assisté –, elle écrit exactement la même phrase : « Voici l’histoire qu’elle raconterait plus tard [36]. » Elle fait ainsi sentir que, même si elle raconte cette histoire en collant autant que possible au point de vue de Stacy, c’est bien elle qui exerce la fonction de narratrice et conserve la responsabilité du récit.

Le deuxième exemple est une column [37] de Jeff Klinkenberg, parue dans le St. Petersburg Times le 10 juin 2011 et intitulée « La pin-up et top-modèle Bunny Yeager s’est distinguée des deux côtés de l’appareil photo, en photographiant Bettie Page pour “Playboy” » (« Pinup model Bunny Yeager rocked both sides of the camera, photographing Bettie Page for ‘Playboy’ »). Cet article révèle le même type de dynamique entre récit immersif et récit informatif, mais un rapport à la subjectivité du journaliste ouvertement assumé, à l’opposé de l’effacement de Lane DeGregory dans l’article précédent. Le récit s’ouvre ainsi :

J’ai commencé à faire la cour à Bunny Yeager l’été dernier, quand j’ai formé son numéro sur mon téléphone et que je me suis senti comme un jeune geek demandant à Lady Gaga de sortir avec lui.

J’avais répété ce que j’allais dire : « Mlle Yeager, nous avons grandi dans le même quartier. Je me souviens des jours de gloire de Miami et j’ai toujours apprécié votre contribution à la culture de la Floride. Je me demandais, Mlle Yeager, si vous accepteriez que je vous rende visite chez vous pour écrire un article à votre sujet. » Mais quand elle a répondu, j’ai eu l’impression d’avoir à nouveau 13 ans [38].

Si la complication est d’une nature bien différente – un journaliste essayant d’obtenir un rendez-vous avec son idole de jeunesse –, la dynamique du récit est la même que dans le premier exemple : le texte s’ouvre sur la complication, les paragraphes suivants servent à présenter Bunny Yeager, et puis le récit se poursuit au travers des différentes tentatives du journaliste pour rencontrer son idole, ces épisodes étant entrecoupés d’informations sur la carrière de celle-ci. En revanche, ce deuxième exemple présente un rapport à la subjectivité très différent du premier puisque l’histoire concerne directement le journaliste. Celui-ci est (omni-)présent à la première personne du singulier et c’est au travers de son expérience que l’on approche l’inaccessible idole.

Les deux exemples présentés ici sont représentatifs de la façon dont les textes américains du corpus analysé se positionnent par rapport à la tension entre information et immersion ; l’immersion, au travers d’une intrigue qui s’ouvre dès les premières lignes et se prolonge jusqu’aux dernières, étant mise au service de l’information tandis que l’information est toujours présentée et formulée dans le contexte du récit immersif. Ces deux articles permettent également d’exemplifier deux positionnements très différents par rapport à la tension entre affichage et effacement de la médiation – le premier texte étant un exemple d’effacement, parti pris largement majoritaire sur l’ensemble des articles américains analysés, alors que le deuxième texte offre un exemple d’affichage qui constitue un choix nettement minoritaire dans les articles du corpus [39].

3. Et dans les formats qui se développent en ligne ?

Avec l’essor d’Internet et de l’information en ligne se développent de nouveaux formats journalistiques, dont certains s’inscrivent dans l’héritage, plus ou direct, du journalisme narratif écrit. Cet article en examine brièvement trois – le récit multimédia, le podcast narratif et le journalisme dit « immersif » – afin d’explorer comment ils prolongent et renouvellent la poétique de ce journalisme narratif écrit.

3.1. Les récits multimédia

Le récit journalistique imprimé a très vite exploré les nouvelles potentialités multimodales ouvertes par le passage en ligne [40]. Dès 1997, la série d’articles narratifs de Mark Bowden pour le Philadelphia Inquirer « La chute du faucon noir » (« Blackhawk Down ») – qui donnera ensuite lieu à un livre puis un film du même nom – est mise en ligne au fur et à mesure de sa publication dans le journal. La série retrace la bataille de Mogadiscio qui a opposé l’armée américaine à différentes milices somaliennes en 1993. La version en ligne comprend non seulement le texte publié dans les pages du quotidien, mais aussi de très nombreux compléments multimédia : photos, cartes, extraits audio ou vidéo, accessibles au travers d’hyperliens placés dans le texte et de rubriques spécifiques au sein du menu (Doc. 1). L’équipe web du journal a en effet demandé au journaliste de lui confier l’ensemble de son matériel afin de le mettre à disposition des internautes. Comme l’explique Bowden, cela a permis de renforcer la crédibilité du récit :

Les articles rédigés de manière dramatique et narrative, comme j’ai essayé de le faire pour « La chute du faucon noir », se passent généralement de l’énumération rigide de leurs sources. […] Les hyperliens ont résolu ce problème. […] Ces éléments audiovisuels ont non seulement ajouté au plaisir de lire l’histoire, mais l’ont ancrée plus fermement dans la réalité [41].

La dimension multimédia renforcerait ainsi le caractère informatif du récit tout en préservant son côté immersif. S’il est difficile de vérifier de tels propos, les chiffres révèlent en tout cas un réel engouement pour la version multimédia : le site web a atteint jusqu’à 46.000 vues par jour – nous sommes alors en 1997, l’accès à Internet est donc bien moins répandu qu’aujourd’hui –, obligeant le journal à changer de serveur pour faire face à l’afflux de visiteurs [42].

Doc. 1 – Capture d’écran d’une version archivée de « Blackhawk Down », https://web.archive.org/web/19981203102102/http://www.phillynews.com/packages/somalia/nov16/default16.asp

Malgré cet énorme succès, c’est la plupart du temps un article bien plus récent qui est cité en exemple lorsque l’on parle de longs récits multimédia : « Snow Fall : L’avalanche à Tunnel Creek » (« The Avalanche at Tunnel Creek »), publié en 2012 par le New York Times – et dont l’impact a été tel que le titre de l’article a été utilisé comme verbe (« to snowfall ») par des éditeurs américains voulant créer le même type de production [43]. L’article est même couronné d’un prix Pulitzer en 2013, le jury soulignant le caractère évocateur du récit, l’explication scientifique du phénomène et l’intégration habile de composants multimédia [44].

Contrairement à la version en ligne de « La chute du faucon noir », « Snow Fall » ne joue pas sur un réseau des pages interconnectées, mais intègre autant que possible les éléments multimédia sur la page même du récit écrit, en recourant à trois techniques : l’utilisation de brèves boucles vidéo pour introduire les différents chapitres et effectuer des transitions entre parties, la progression dans la page par défilement vertical (scrolling), et l’« effet de rideau », au travers duquel les divers éléments – texte, animation, image, etc. – apparaissent et disparaissent en fonction du défilement vertical sur la page [45] (Doc. 2).

Doc. 2 – Capture d’écran de « Snow Fall », https://www.nytimes.com/projects/2012/snow-fall/index.html

David Dowling et Travis Vogan considèrent dès lors que « Snow Fall » construit

un environnement immersif dans lequel […] « notre attention est contenue : elle est dirigée vers le texte devant nous, avec aussi peu de distraction que possible. » Bien que l’intégration d’éléments multimédia puisse, de manière paradoxale, disperser l’attention des lecteurs, elle le fait d’une manière qui encourage ces lecteurs à plonger plus profondément dans l’univers narratif et donc à « nous immerger dans ce que nous lisons [46]. »

Cependant, tous les lecteurs et commentateurs ne sont pas d’accord. D’autres soutiennent, à l’inverse, que le caractère multimédia de « Snow Fall » a pour effet de casser l’effet immersif du récit. Selon Roy Peter Clark, par exemple, la plupart des éléments visuels, tels qu’ils sont disposés par rapport au texte, brisent la tension narrative que celui-ci essaie de créer en divulguant trop tôt certaines informations. L’immersion narrative est aussi interrompue par des éléments multimédia qui sont anecdotiques par rapport au fil narratif et distraient les lecteurs de l’histoire. Ainsi, pour Clark, le problème de « Snow Fall » est une forme de dissonance entre la voix du récit écrit et l’univers multimédia – principalement visuel – créé autour de ce récit [47].

Si certains éléments multimédia, comme les cartes animées permettant de suivre les déplacements des différents personnages sur la montagne, semblent favoriser la compréhension des lecteurs, ce n’est plus l’apport du multimédia à l’information qui est mis en avant dans les discussions autour de « Snow Fall », mais son effet – positif pour certains, négatif pour d’autres – sur l’immersion dans le récit. Toutefois, Clark lie cette question à celle de la voix, qu’il définit à la suite de Don Fry comme « la somme de tous les choix posés par l’auteur qui créent l’illusion que celui-ci s’adresse directement de la page au lecteur [48] ». Selon Clark, dans un récit multimédia, la voix doit être en harmonie avec ce qu’il propose d’appeler la vision, soit la « qualité créée par la somme de tous les choix posés par le designer ou l’artiste, dont l’effet est une façon de voir unifiée, comme si nous regardions tous au travers d’une même lentille [49] ».

Depuis « Snow Fall », les récits multimédia en ligne ont encore évolué. Selon la fondation Nieman [50], un nouveau cap aurait été franchi en 2016, avec « Une nouvelle ère de murs » (« A New Age of Walls »), publié en ligne par le Washington Post. La série de trois épisodes propose d’examiner, « à partir de huit pays dispersés sur trois continents, […] les divisions entre pays et peuples, au travers d’un entrelacement de mots, de vidéos et de sons [51]. » « Une nouvelle ère de murs » pousse l’intégration des différents éléments multimédia plus loin que « Snow Fall », puisque textes, images, animations, vidéos et sons sont tous rassemblés dans un écran vertical unique, entièrement scrollable, au sein duquel l’activation de ces différents éléments se fait automatiquement, en fonction de la progression du lecteur dans le contenu (Doc. 3).

Doc. 3 – Capture d’écran de « A New Age of Walls », https://www.washingtonpost.com/graphics/world/border-barriers/global-illegal-immigration-prevention/

Selon Dowling, la production du Washington Post

souligne l’importance d’une linéarité accrue dans l’innovation en matière de design. Les designers ont pris au sérieux l’argument du critique littéraire Sven Birkerts selon lequel « si les lecteurs sont vraiment pris dans un suspense narratif, désireux de découvrir ce qui se passe ensuite ou liés émotionnellement aux personnages, ils préfèrent tourner les pages sous la direction de l’auteur plutôt que d’explorer librement un réseau textuel [52]. »

Avec « Une nouvelle ère de murs » semble donc se dessiner une façon de concilier multimédia et création d’une expérience immersive pour les récepteurs. Cependant, la dimension immersive et expérientielle du texte en lui-même (sans tenir compte des éléments multimédia) apparaît moins poussée que dans la plupart des articles de journalisme narratif écrit. L’immersion semble se faire avant tout dans l’univers multimédia de la production et moins dans l’expérience des personnages – révélant ainsi une relation étroite entre dispositif technique et poétique, qui mériterait d’être analysée plus en profondeur.

Comme le montrent les trois exemples évoqués ici, et les discussions autour de ceux-ci, la multimodalité offerte au récit journalistique par le passage en ligne ouvre de nombreux nouveaux possibles, en constante évolution, qui viennent indéniablement complexifier la recherche d’un équilibre entre fonction informative et fonction immersive du récit journalistique – confirmant par là même la persistance de cette tension narrative fondamentale au sein de différents types de récits multimédia journalistiques en ligne. Par ailleurs, même s’il ne parle pas explicitement de subjectivité, mais de « voix » et de « lentille », Clark esquisse dans sa discussion de « Snow Fall » un lien entre cette tension et la question de la médiation du journaliste, mais aussi de l’équipe de production multimédia, qu’il serait intéressant d’explorer plus avant.

3.2. Les podcasts narratifs

Avec son passage en ligne, le récit journalistique est également passé de l’écrit à l’audio grâce au développement des podcasts. S’il existe bien sûr de nombreux types de podcasts – qui ne sont ni forcément narratifs ni nécessairement journalistiques –, certains peuvent être considérés comme des « récits audio élaborés ou narratifs [53] ». C’est le cas, par exemple, de Serial, une série de trois saisons développée par l’équipe de l’émission de radio publique This American Life. Narré par Sarah Koenig, Serial raconte une histoire vraie, semaine après semaine, tout au long de chaque saison, grâce à un long et méticuleux travail d’enquête journalistique. La première saison – de loin la plus connue – porte sur le meurtre de Hae Min Lee, une jeune fille de 18 ans, à Baltimore, en 1999. Quinze ans plus tard, Koenig rouvre l’enquête sur ce meurtre, après avoir été contactée par une amie d’Adnan Syed, l’homme qui a été condamné pour les faits et se trouve encore en prison.

Serial a rapidement connu un énorme succès auprès du public, avec plus de 90 millions de téléchargements en un an et une communauté de fans très active, prolongeant la discussion et l’enquête en ligne [54], ainsi que la reconnaissance de la profession, avec notamment un Peabody Award [55]. Pour comprendre cet « effet Serial » [56], plusieurs auteurs ont souligné la façon dont Koenig crée un univers audio immersif et intrigant [57]. Serial est directement reconnaissable à la musique qui ouvre, ponctue et clôt les épisodes – plongeant directement l’auditeur dans l’univers diégétique. Koenig ne se contente pas de raconter son enquête, elle immerge les auditeurs dedans, en leur faisant entendre directement les différents personnages de l’histoire, leurs émotions et parfois même leurs interactions. En outre, la narratrice joue constamment sur la tension narrative, utilisant des techniques de teasing au début et à la fin de chaque épisode. Elle annonce ainsi, dans le premier épisode :

Cette conversation avec Rabia et Saad, c’est ce qui m’a lancée dans cette – « obsession » est peut-être un mot trop fort – disons « fascination » d’un an pour cette affaire. D’ici la fin de cette heure, vous allez entendre différentes personnes raconter différentes versions de ce qui s’est passé le jour où Hae Lee a été tuée. Mais commençons par la version la plus importante, celle que Rabia m’a racontée. C’est celle qui a été présentée au procès [58].

Durant le même épisode, elle relance la tension en expliquant :

Ainsi, trois ou quatre mois après avoir rencontré Rabia pour la première fois, j’étais devenue obnubilée par le fait de trouver Asia [un témoin]. […] Parce que toute l’affaire me semblait tourner autour de ses souvenirs de cet après-midi-là. Il faut que je sache si Adnan était vraiment dans la bibliothèque à 14h36.

Parce que s’il y était, il est innocent. C’est si désespérément simple. Et peut-être que je pourrais tout résoudre si je pouvais juste parler à Asia [59].

Comme le montrent ces deux extraits, la tension est intimement liée à l’explication, à la tentative de la journaliste de faire la lumière sur l’affaire. Immersion et information vont donc de pair, comme dans le journalisme narratif écrit.

Cependant, ce qui est le plus souvent souligné dans les discussions autour de Serial, ce n’est pas cette dialectique entre fonction intrigante et configurante, mais la « singulière présence [60] » de Koenig dans son podcast. Koenig y détaille les informations et documents à sa disposition – mettant même de nombreux documents à disposition des auditeurs sur le site web de Serial –, discute leurs qualités techniques, leur fiabilité, les questions qu’ils soulèvent. Elle fait part de ses interrogations sur l’enquête mais aussi sur son rôle dans l’enquête. Elle va jusqu’à expliciter ses réactions les plus irrationnelles, comme lorsqu’elle raconte sa première rencontre avec Syed en prison :

Lorsque j’ai rencontré Adnan en personne pour la première fois, j’ai été frappée par deux choses. Il était bien plus grand que je ne l’imaginais […]. Et la deuxième chose que vous ne pouvez pas manquer à propos d’Adnan, c’est qu’il a d’énormes yeux marron, comme une vache laitière. C’est ce qui a déclenché mes questionnements les plus ridicules. Est-ce que quelqu’un avec des yeux pareils pourrait vraiment étrangler sa petite amie ? C’est idiot, je sais [61].

La parole prononcée ne pouvant effacer son caractère subjectif comme la phrase écrite, Koenig décide d’assumer pleinement l’affichage de sa subjectivité en adoptant un positionnement à la fois extrêmement honnête et hautement réflexif. Si ce parti pris a pu être critiqué [62], il a aussi fait des émules, participant à une vague de podcasts que Dowling et Kyle Miller qualifient de « non-fiction captivante basée sur un journalisme transparent et un méta-récit réflexif [63] ». Ces podcasts explorent ainsi de nouvelles voies par rapport à la tension entre effacement et affichage de la médiation du/de la journaliste, tout en prolongeant la tension entre immersion et information – révélant à quel point les deux tensions constitutives du journalisme narratif écrit se retrouvent également dans les récits journalistiques audio.

3.3. Le « journalisme immersif »

Avec la démocratisation croissante de technologies comme la vidéo 360° et la réalité virtuelle, des formats journalistiques particulièrement innovants ont commencé à apparaître depuis une dizaine d’années, souvent rassemblés sous l’étiquette de « journalisme immersif », proposée par Nonny de la Peña et ses collègues. Le terme désigne « la production d’information sous une forme permettant aux récepteurs d’acquérir une expérience directe des événements ou des situations décrits dans les nouvelles [64] ».

Le Washington Post a récemment réalisé une production de ce type à partir d’un article de journalisme narratif publié précédemment par le journal : « Douze secondes de tirs » (« 12 Seconds of Gunfire ») est une « expérience en réalité virtuelle [65] » adaptée d’un article portant le même titre, racontant les conséquences d’une fusillade dans une école primaire de Caroline du Sud. Le récit en réalité virtuelle animée se concentre sur le vécu d’Ava, 6 ans, suite au décès de son meilleur ami (Doc. 4). Comme l’explique un responsable du journal, le but était de créer un récit « dans lequel le fait d’être immergé rend l’histoire plus riche et plus captivante qu’elle ne le serait dans tout autre format [66]. »

Doc. 4 – Capture d’écran de « 12 Seconds of Gunfire », https://www.youtube.com/watch?v=L6ZlUP4o6Yc

La filiation entre ces nouveaux formats et le journalisme narratif apparaît également au travers des termes utilisés pour désigner ces productions : journalisme immersif et expérience en réalité virtuelle – qui renvoient à la volonté de réconcilier information et immersion propre au journalisme narratif. Une analyse des discours d’escorte du journalisme en réalité virtuelle et en vidéo 360° souligne quant à elle que « [l]e journalisme immersif promet, grâce à un ressenti émotionnel accru, une meilleure transmission de l’information et, ce faisant, une meilleure compréhension du récepteur, une meilleure intellection des sujets d’actualité [67]. » Les journalistes qui promeuvent le journalisme immersif

espèrent faire ressentir [au destinataire] les conditions de perception de la personne filmée pour lui donner accès à son vécu. Le reportage immersif proposé au spectateur est présenté par ses promoteurs comme une expérience permettant de percevoir et de s’approprier l’actualité « à la première personne » [68].

Comme l’indique l’expression « à la première personne », la question de la subjectivité se trouve également au cœur de ces nouveaux formats. Analysant un corpus de productions journalistiques en vidéo 360°, Sarah Jones observe que certaines se limitent à fournir une vue à 360° d’un événement ou d’une situation, sans construction narrative. Parmi les productions plus longues et construites, elle distingue les « récits guidés par le reporter » et les « récits guidés par un personnage [69] ». Étudiant en détail la construction d’un reportage en 360°, Angelina Toursel et Philippe Useille notent quant à eux une relation complexe entre la transparence apparente – « le destinataire semble faire l’expérience du monde “réel” sans médiation » – et « la distance de la médiation créée par l’instance narrative [70] ». On retrouve donc ici la tension entre affichage et effacement de la médiation du/de la journaliste qui traverse également le journalisme narratif écrit, dans une articulation nouvelle avec la tension entre information et immersion. Cette articulation nouvelle découle du dispositif technique immersif, complexifiant la poétique de ces récits sans pour autant remettre en question leur filiation avec le journalisme narratif.

J’ai proposé, dans cet article, de concevoir le journalisme narratif comme un modèle pouvant être adapté de différentes façons et à des degrés divers, et se définissant par les deux tensions fondamentales qui le traversent : une tension entre la création d’une intrigue immersive et la volonté de configurer le réel pour informer les lecteurs, et une tension entre l’affichage ou l’effacement de la médiation subjective des journalistes dans leurs récits. J’ai ensuite montré comment ce modèle permettait de souligner que la poétique du journalisme narratif américain, particulièrement dans les journaux quotidiens, mêle inextricablement immersion et information tout en privilégiant des formes d’effacement des journalistes dans leurs textes. J’ai enfin exploré, au travers de quelques exemples, comment la modélisation proposée peut être appliquée à trois formats journalistiques actuellement en développement aux États-Unis : le récit multimédia, le podcast narratif et le journalisme immersif.

La modélisation proposée ne prétend évidemment pas faire le tour des particularités et questions que soulèvent ces formats. Elle invite à les penser dans une perspective historique plus large destinée à mettre en évidence à la fois la persistance et le renouvellement des tensions propres au journalisme narratif écrit dans ces formats. Le présent article s’est concentré sur la sphère journalistique américaine, mais une telle perspective historique doit tenir compte du contexte journalistique et culturel particulier dans lequel se développent ces formats. L’article appelle donc à explorer les éventuelles particularités des nouveaux formats narratifs dans différentes régions du monde, comme cela a été fait – et est encore en train de se faire – pour le journalisme narratif écrit.

Par ailleurs, le rapide parcours effectué pour explorer les trois formats journalistiques en développement montre bien que les deux grandes tensions discutées dans cet article ne peuvent se penser indépendamment de la forme du récit – et donc du support et du dispositif technique dans lequel le récit s’inscrit. Poétique, support et technique ne peuvent s’appréhender séparément. Cela étant, les deux tensions analysées semblent malgré tout transcender les différentes formes, supports et dispositifs techniques pour se retrouver au cœur de toute tentative de raconter, à proprement parler, l’actualité – par opposition aux tentatives de la résumer, la hiérarchiser ou même la rapporter objectivement. Il me semble en tout cas qu’il s’agit là d’une hypothèse féconde à poser à ce stade, en espérant que d’autres travaux de recherche l’explorent plus avant.

Enfin, si cet article s’est centré sur la question de la poétique de différentes formes journalistiques narratives, cette question ne prend pleinement sens que lorsqu’elle est articulée aux pratiques des professionnels de l’information – et à leurs implications éthiques, identitaires ou encore économiques – d’une part, et aux pratiques de réception des publics d’autre part.

Notes

[1] « voice, point of view, character, setting, plot, and/or chronology to report on reality through a subjective filter » (Kobie van Krieken et José Sanders, « What is narrative journalism? A systematic review and an empirical agenda », Journalism, 9 juillet 2019, en ligne : https://doi.org/10.1177/1464884919862056, je traduis).

[2] Marie Vanoost, « Journalisme narratif : proposition de définition, entre narratologie et éthique », Les Cahiers du journalisme, no 25, 2013, p. 152‑53.

[3] « like a novel » (Wolfe, Tom (dir.), The New Journalism, New York, Harper & Row, 1975, p. 21, je traduis).

[4] V. notamment John Bak et Bill Reynolds (dir.), Literary Journalism Across the Globe: Journalistic Traditions and Transnational Influences, Amherst, University of Massachusetts Press, 2011 ; Richard Keeble et John Tulloch (dir.), Global Literary Journalism: Exploring the Journalistic Imagination, New York, Peter Lang, 2012 ; Richard Keeble et John Tulloch (dir.), Global Literary Journalism: Exploring the Journalistic Imagination (Volume 2), New York, Peter Lang, 2014.

[5] Concernant l’histoire de cette forme aux États-Unis, puisque c’est de journalisme narratif américain dont il est question dans cet article, v. notamment Thomas Connery (dir.), A Sourcebook of American Literary Journalism: Representative Writers in an Emerging Genre, New York, Greenwood Press, 1992 ; John Hartsock, A History of American Literary Journalism: The Emergence of a Modern Narrative Form, Amherst, University of Massachusetts Press, 2000 ; Thomas Schmidt, Rewriting the Newspaper: The Storytelling Movement in American Print Journalism, Columbia, University of Missouri Press, 2019 ; Norman Sims, True Stories: A Century of Literary Journalism, Evanston, Northwestern University Press, 2007.

[6] V. Marie Vanoost, « Defining narrative journalism through the notion of plot », Diegesis, vol. 2, no 2, 2013, p. 77‑97.

[7] Raphaël Baroni, L’œuvre du temps : Poétique de la discordance narrative, Paris, Seuil, 2009 ; « Face à l’horreur du Bataclan : récit informatif, récit immersif et récit immergé », Questions de communication, vol. 34, 2018, p. 107-132.

[8] Paul Ricœur, Temps et récit, tome 1 : L’intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1991, p. 125-135.

[9] Raphaël Baroni, « Face à l’horreur du Bataclan : récit informatif, récit immersif et récit immergé », art. cit., p. 114.

[10] Raphaël Baroni, La tension narrative : Suspense, curiosité et surprise, Paris, Seuil, 2007.

[11] Jean-Michel Adam, Les textes : types et prototypes, Paris, Nathan, 1992.

[12] Meir Sternberg, Expositional modes and temporal ordering in fiction, Bloomington Indiana University Press, 1993.

[13] Raphaël Baroni, « Face à l’horreur du Bataclan : récit informatif, récit immersif et récit immergé », art. cit., p. 114.

[14] Marie Vanoost, « Comment et pourquoi raconter le monde aujourd’hui ? », Sur le journalisme, vol. 8, no 1, 2019, p. 133‑34.

[15] « a powerful means to […] increase the audience’s understanding of society in all its complexities » (Kobie van Krieken et José Sanders, art. cit., je traduis).

[16] Jon Franklin, Writing for Story: Craft Secrets of Dramatic Nonfiction by a Two-Time Pulitzer Prize Winner, New York, Plume, 2002 ; Jack Hart, Storycraft: The Complete Guide to Writing Narrative Nonfiction, Chicago, University of Chicago Press, 2011 ; Alain Lallemand, Journalisme narratif en pratique, Bruxelles, De Boeck, 2011.

[17] Raphaël Baroni, La tension narrative, éd. cit.

[18] Kobie van Krieken et José Sanders, art. cit.

[19] « [t]he narrative shows readers what happened, often in vivid details. Of all of the forms of writing, it is the one that strives to re-create reality for the reader » (James Stewart, Follow the Story: How to Write Successful Nonfiction, New York, Simon et Schuster, 1998, p. 74, je traduis).

[20] « descriptions of the sensory perceptions, emotions, and thoughts of characters » (Kobie van Krieken, « Literary, Long‐Form, or Narrative Journalism », dans The International Encyclopedia of Journalism Studies, Tim Vos et Folker Hanusch (dir.), Hoboken, Wiley-Blackwell, 2019, p. 3, je traduis).

[21] Marie Vanoost, « Defining narrative journalism through the notion of plot », art. cit.

[22] Ce corpus était composé de 32 textes américains et 32 textes francophones, sélectionnés sur les conseils d’experts dans les deux régions comme particulièrement représentatifs de ce que constitue le journalisme narratif. V. Marie Vanoost, « Le journalisme narratif aux États-Unis et en Europe francophone : Modélisation et enjeux éthiques », Thèse de doctorat, Université catholique de Louvain, 2014.

[23] Marie Vanoost, « Comment et pourquoi raconter le monde aujourd’hui ? », art. cit.

[24] Kobie van Krieken et José Sanders, art. cit.

[25] Ibid.

[26] Marie Vanoost, « Éthique et expression de l’expérience subjective en journalisme narratif », Sur le journalisme, vol. 2, no 2, 2013, p. 168.

[27] Marie Vanoost, « Le journalisme narratif aux États-Unis et en Europe francophone : Modélisation et enjeux éthiques », op. cit.

[28] V. notamment Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 225-267.

[29] V. notamment Gérard Genette, op. cit., p. 206-224 ; Mieke Bal, « Narration et focalisation : Pour une théorie des instances du récit », Poétique, no 29, 1977, p. 107‑127 ; Alain Rabatel, La construction textuelle du point de vue, Lonay, Delachaux et Niestlé, 1998 ; Raphaël Baroni. « Les fonctions de la focalisation et du point de vue dans la dynamique de l’intrigue », Cahiers de narratologie, no 32, 2017, en ligne : https://doi.org/10.4000/narratologie.7851.

[30] « forms of constituting consciousness » (Monika Fludernik, Towards a ‘Natural’ Narratology, Londres, Routledge, 1996, p. 37, je traduis).

[31] « When her mom came to pick her up for drug court that morning, Stacy Nicholson was still high.

[…]

Stacy and two of her cousins had been holed up for months in this rundown house, shooting crushed-up pain pills. Used syringes littered an end table. Stacy’s mom had kept telling her: Someone in this house is going to die » (je traduis).

[32] « Of all the oxycodone prescribed in America in the first half of last year, 98 percent was dispensed in Florida. According to the state medical examiner’s office, an average of seven Floridians die from prescription drug overdoses every day — more than from car accidents » (je traduis).

[33] « In Judge Farnell’s court in February, Stacy entered what everyone agreed was a fight for her life. She could get better, or she could become one of Florida’s seven a day » (je traduis).

[34] « On any other day, for most of Stacy’s life, a text like that would have been the perfect reason to reach for a pill. But not that day.

On that day, she let herself feel the pain » (je traduis).

[35] « About 500 defendants came to court on Ladies’ Days this year. St. Petersburg Times journalists attended week after week. They interviewed dozens of women. They followed addicts as they bounced between jail and treatment, stayed in abandoned houses, looked for jobs and stumbled toward recovery or relapse.

One woman let the journalists follow her all year » (je traduis).

[36] « This is the story she would tell later » (je traduis).

[37] Un genre américain qui se rapproche de la chronique dans le monde francophone.

[38] « My courtship of Bunny Yeager began last summer when I punched her number into my phone and felt like a nerdy kid asking Gaga out on a date.

I had rehearsed what I was going to say: “Miss Yeager, we grew up in the same neighborhood. I remember the glory days of Miami and have always appreciated your contributions to Florida culture. I wonder, Miss Yeager, how you might feel about the possibility of me visiting you at home and writing a story.” But when she answered I felt 13 again » (je traduis).

[39] Il faut noter ici que si ce choix est minoritaire parmi les textes du corpus, principalement constitué d’articles de journaux quotidiens, il se retrouve plus fréquemment dans des articles narratifs publiés dans des magazines – notamment en raison de consignes éditoriales différentes.

[40] V. Susan Jacobson, Jacqueline Marino, et Robert Gutsche Jr., « The digital animation of literary journalism », Journalism, vol. 17, no 4, 2016, p. 527–546.

[41] « Stories written in a dramatic, narrative fashion, as I tried to write “Black Hawk Down,” typically dispense with the wooden recitation of sources. […] Hyperlinks solved that problem. […] These audio-visual features not only added to the fun of reading the story, but grounded it more firmly in reality » (Mark Bowden, « Narrative Journalism Goes Multimedia », Nieman Reports, 2000, en ligne : https://niemanreports.org/articles/narrative-journalism-goes-multimedia/, je traduis).

[42] Ibid.

[43] David Dowling et Travis Vogan, « Can We “Snowfall” This? Digital longform and the race for the tablet market », Digital Journalism, vol. 3, no 2, 2015, p. 209‑224.

[44] https://www.pulitzer.org/winners/john-branch

[45] Jeremy Rue, cité par David Dowling et Travis Vogan, art cit., p. 213.

[46] « an immersive environment in which […] “our attentional focus is contained: it is directed toward the text in front of us, with minimal distraction.” Although the embedded multimedia elements paradoxically may disperse readers’ attention, they do so in ways that encourage them to dive deeper into the narrative world and thus “to immerse ourselves in whatever we are reading” » (David Dowling et Travis Vogan, art cit., p. 211, je traduis).

[47] Roy Peter Clark, « Snow-blind: The challenge of voice and vision in multi-media storytelling », Poynter, 27 août 2014, en ligne : https://www.poynter.org/reporting-editing/2014/snow-blind-the-challenge-of-voice-and-vision-in-multi-media-storytelling/.

[48] « the sum of all the choices made by the writer that create the illusion that the writer is speaking off the page directly to the reader » (ibid., je traduis).

[49] « quality created by the sum of all the choices made by the designer or artist, the effect of which is a unified way of seeing, as if we were all looking through the same lens » (ibid., je traduis).

[50] https://niemanstoryboard.org/stories/the-washington-post-crosses-a-storytelling-frontier-with-a-new-age-of-walls/

[51] « From eight countries across three continents, this series examines the divisions between countries and peoples through interwoven words, video and sound » (https://www.washingtonpost.com/graphics/world/border-barriers/global-illegal-immigration-prevention/, je traduis).

[52] « highlights the importance of increased linearity in design innovation. Designers have taken seriously the point made by literary critic Sven Birkerts that “if readers are really caught in narrative suspense, eager to find what happens next or emotionally bonded to the characters, they would rather turn pages under the guidance of the author than freely explore a textual network.” » (David Dowling, « Toward a New Aesthetic of Digital Literary Journalism: Charting the Fierce Evolution of the “Supreme Nonfiction” », Literary Journalism Studies, vol. 9, no 1, 2017, p. 110, je traduis).

[53] « the crafted or narrative audio storytelling » (Siobhán McHugh, « How podcasting is changing the audio storytelling genre », Radio Journal: International Studies in Broadcast & Audio Media, vol. 14, no 1, 2016, en ligne : https://ro.uow.edu.au/cgi/viewcontent.cgi?article=3366&context=lhapapers, p. 5, je traduis).

[54] Ibid.

[55] Jennifer O’Meara, « “Like Movies for Radio”: Media Convergence and the Serial Podcast Sensation », Frames Cinema Journal, vol. 8, 2015, en ligne : http://framescinemajournal.com/article/like-movies-for-radio-media-convergence-and-the-serial-podcast-sensation/.

[56] Siobhán McHugh, op. cit.

[57] Jilian DeMair, « Sounds Authentic: The Acoustic Construction of Serial’s Storyworld », dans The Serial Podcast and Storytelling in the Digital Age, Ellen McCracken (dir.), New York et Londres, Taylor et Francis, 2017, p. 24‑36 ; David Dowling et Kyle Miller, « Immersive Audio Storytelling: Podcasting and Serial Documentary in the Digital Publishing Industry », Journal of Radio & Audio Media, vol. 26, no 1, 2019, p. 167‑184.

[58] « This conversation with Rabia and Saad, this is what launched me on this year long ‒ “obsession” is maybe too strong a word ‒ let’s say fascination with this case. By the end of this hour, you’re going to hear different people tell different versions of what happened the day Hae Lee was killed. But let’s start with the most important version of the story, the one Rabia told me first. And that’s the one that was presented at trial » (je traduis).

[59] « So three, four months after I first sat down with Rabia, I had become fixated on finding Asia. […] Because the whole case seemed to me to be teetering on her memories of that afternoon. I have to know if Adnan really was in the library at 2:36 PM.

Because if he was, library equals innocent. It’s so maddeningly simple. And maybe I can crack it if I could just talk to Asia » (je traduis).

[60] « distinctive presence » (Jennifer O’Meara, op. cit., je traduis).

[61] « When I first met Adnan in person, I was struck by two things. He was way bigger than I expected […]. And the second thing, which you can’t miss about Adnan, is that he has giant brown eyes like a dairy cow. That’s what prompted my most idiotic lines of inquiry. Could someone who looks like that really strangle his girlfriend? Idiotic, I know » (je traduis).

[62] Mia Lindgren, « Personal narrative journalism and podcasting », The Radio Journal – International Studies in Broadcast & Audio Media, vol. 14, no 1, 2016, p. 23‑41.

[63] « absorbing nonfiction through transparent journalism featuring self-reflexive metanarrative » (David Dowling et Kyle Miller, art. cit., je traduis).

[64] « the production of news in a form in which people can gain first-person experiences of the events or situation described in news stories » (Nonny de la Peña et al., « Immersive Journalism: Immersive Virtual Reality for the First-Person Experience of News », Presence: Teleoperators and Virtual Environments, vol. 19, no 4, 2010, p. 291, je traduis).

[65] « virtual reality experience » (https://www.youtube.com/watch?v=23Qp7PojJd4, je traduis).

[66] « where the act of being immersed in it makes the story richer and more compelling than it would be any other way » (Tom Jones, « The Washington Post’s latest: an animated film about an elementary school shooting », Poynter, 29 avril 2019, en ligne : https://www.poynter.org/tech-tools/2019/the-washington-posts-latest-an-animated-film-about-an-elementary-school-shooting/, je traduis).

[67] Céline Ferjoux et Émilie Ropert Dupont, « Journalisme immersif et empathie : l’émotion comme connaissance immédiate du réel », Communiquer. Revue de communication sociale et publique, no 28, 2020, en ligne : https://doi.org/10.4000/communiquer.5477.

[68] Angelina Toursel et Philippe Useille, « Le reportage immersif : une expérience paradoxale du réel et de la vérité ? », Recherches en Communication, vol. 51, 2020, p. 108.

[69] « Reporter-led narratives » et « character-led narratives » (Sarah Jones, « Disrupting the narrative: immersive journalism in virtual reality », Journal of Media Practice, vol. 18, no 2‑3, 2017, p. 179.)

[70] Toursel et Useille, art. cit., p. 111.

Bibliographie

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Auteur

Marie Vanoost est chargée de cours invitée à l’UCLouvain, l’UNamur et SciencesPo Rennes. Ses recherches actuelles portent sur la réception de l’information, et en particulier du journalisme narratif, ainsi que sur le développement de formes journalistiques innovantes. Sa recherche doctorale était consacrée à la proposition d’une modélisation du journalisme narratif, ainsi qu’à l’analyse des enjeux éthiques propres à ce type de journalisme, tant en Europe francophone qu’aux États-Unis.

Elle a contribué aux ouvrages Le transmédia, ses contours et ses enjeux (Presses universitaires de Namur, 2020)  Les Mooks : espaces de renouveau du journalisme littéraire (L’Harmattan, 2017) et En immersion : pratiques intensives du terrain en journalisme, littérature et sciences sociales (Presses universitaires de Rennes, 2017)Elle a également publié ses travaux dans les revues Poetic Today, Literary Journalism Studies, DIEGESIS, Communication, Recherches en Communication, Sur le journalisme, Cahiers de narratologie et Cahiers du journalisme.

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