José Pivin : au cœur ou aux limites du documentaire ?


Cet article présente les trois grandes créations camerounaises de José Pivin : Un arbre acajou (1975), Opéra du Cameroun (1976) et Le Transcamerounais (1977). Ces œuvres sont d’un apport considérable à la réflexion documentaire. José Pivin est en effet l’un des rares metteurs en ondes des années 60-70 à se tourner vers l’Afrique, ce qui suffirait en soi pour que l’on consacre une étude à ses pièces africaines. D’autre part ces trois créations se présentent comme l’aboutissement de sa carrière, à la fois au plan biographique – José Pivin meurt en 1977 – et au plan artistique : en elles se concentrent les différentes facettes de son travail radiophonique, récompensé par le prix de l’Académie Charles Cros pour Opéra du Cameroun. Enfin et surtout, José Pivin n’aura cessé d’interroger la forme documentaire, pour lui apporter dans ces trois œuvres une réponse radicale et singulière.

This article presents José Pivin’s three major Cameroonian works: Un arbre acajou (1975), Opéra du Cameroun (1976) and Le Transcamerounais (1977). These works have made a considerable contribution to documentary reflection. José Pivin was one of the few directors of the 1960s and 1970s to turn to Africa, which in itself would be sufficient reason to devote a study to his African plays. Furthermore, these three creations are the culmination of his career, both biographically – José Pivin died in 1977 – and artistically: they concentrate the different facets of his radio work, which was awarded the Académie Charles Cros prize for Opéra du Cameroun. Last but not least, José Pivin never ceased to question the documentary form, and in these three works he offers a radical and singular response.


Texte intégral

José Pivin fait partie de cette liste des grands créateurs radiophoniques dont la réputation est inversement proportionnelle à l’information disponible sur leurs parcours [1] ou aux études consacrées à leurs œuvres. Pourtant, au fil des recherches dans les archives de l’INA, leurs noms reviennent, associés aux projets originaux, aux écritures expérimentales, aux entreprises sonores aventureuses. Et leurs apparitions successives aux génériques des émissions finissent par dessiner le portrait en creux d’auteurs énigmatiques et passionnés, qui ne nous sont saisissables qu’à travers la tentative fragile de reconstituer leur quête, dont leur répertoire inattendu indique la trajectoire en pointillés.

Une telle tentative excèderait les limites d’un numéro consacré au « beau documentaire », mais j’ai saisi cette occasion pour proposer une première approche de l’œuvre de José Pivin, qui essaie d’en cerner la spécificité, tant au regard des thèmes abordés que des formes déployées, en m’intéressant, dans son répertoire documentaire, à son corpus africain, et plus particulièrement aux trois grandes créations camerounaises : Un arbre acajou (1975), Opéra du Cameroun (1976) et Le Transcamerounais (1977). Trois raisons à ce choix : José Pivin est d’une part l’un des très rares metteurs en ondes des années 60-70 à se tourner vers l’Afrique, ce qui suffirait en soi pour que l’on consacre une étude à ses pièces africaines. D’autre part ces trois créations se présentent comme l’aboutissement de sa carrière, à la fois au plan biographique – José Pivin meurt en 1977 – et au plan artistique : en elles se condensent, se décantent et s’équilibrent les différentes facettes de son travail radiophonique, récompensé en 1976 par le prix de l’Académie Charles Cros pour Opéra du Cameroun, cette œuvre et Le Transcamerounais ayant en outre été sélectionnées pour le prix Italia dans la catégorie Documentaire. Enfin et surtout, José Pivin n’aura cessé, au cours de sa carrière radiophonique, d’interroger la forme documentaire, pour lui apporter dans ces trois œuvres une réponse radicale et singulière.

1. Une veine documentaire tôt nourrie par l’expérience algérienne

Commençons par préciser le contexte et le parcours – historique, biographique, radiophonique et culturel – au sein desquels ces pièces ont vu le jour. Ils expliquent pour quels motifs circonstanciels et personnels José Pivin est d’emblée confronté à la question documentaire. Dès 1940, à vingt-sept ans, il est envoyé pour raisons professionnelles à Alger, et c’est en 1943 qu’il entre à l’Antenne Radio-Alger de Radio France comme metteur en ondes. Cette période algérienne va durer longtemps, de 1940 à 1958, avec une brève interruption après la guerre, et sera décisive à plus d’un titre. Sur place en effet José Pivin rencontre la culture algérienne non européenne, et dès lors s’efforce de faire connaître, aux Pieds-noirs en premier lieu, sinon à l’ensemble des auditeurs ayant accès à Radio-Alger, la noblesse et la richesse des civilisations antérieures à la colonisation. Dans cette perspective, et parce qu’il est d’abord, et restera toujours, un homme de lettres, il crée en 1950, avec Jean Sénac, Emmanuel Roblès et Jean Grenier, la revue littéraire Soleil [2]. Huit numéros paraîtront, publiant les textes d’auteurs algériens comme Mohamed Dib, Mouloud Feraoun, Kateb Yacine, Ahmed Sefrioui, mais aussi ceux de Senghor ou de Sénac et de Pivin eux-mêmes. José Pivin retrouvera ces auteurs à son retour en France, en y créant sa première émission, Tous les plaisirs du jour sont dans la matinée, qu’il réalisera de 1959 à 1963. Nous y reviendrons.

José Pivin s’éprend également du Sahara et de la Kabylie où il séjourne chaque année pour partager la vie des Kabyles et des Touaregs. Cela le conduit à produire en 1955, chez Chant du monde, deux disques 33 tours des chants des Touaregs Ajjer du Sahara [3], dont la BnF conserve un exemplaire et qu’on peut écouter sur Gallica. Consacrés entièrement à la musique des Kel-Ajjer, une confédération de tribus touareg, ces disques font entendre, déjà, l’arrivée au campement des hommes venus du désert, la soirée et la fête qui les attend, et enregistrent des morceaux de tindé et d’imzad, instruments dont seules les femmes peuvent jouer ; une berceuse ; un chant de piste, et un de Sebeïba, la grande fête traditionnelle touareg ; un chant de forgerons : autant de motifs qui scanderont les pièces africaines. Parallèlement le numéro 3 de la revue Soleil avait permis de découvrir la poésie des Touaregs Azguer. Ces enregistrements sont suivis de la réalisation en 1956 d’un film documentaire sur le Sahara, Le Tassili des Ajjers, diffusé à Alger et à Paris. Mais il semble que le film suscite peu de réactions, et que Pivin renonce alors au médium cinématographique.

C’est en Algérie aussi que Pivin commence son activité d’écriture, en composant une série de contes pour enfants dans le cadre de L’Émission Enfantine de Polène [4] qui voit le jour en 1947 et dont il assurera la réalisation jusqu’en 1955.

José Pivin retourne en France en 1958, lorsque tout espoir d’une solution pacifique au conflit entre la France et l’Algérie est perdu, mais ses deux gestes fondamentaux en tant que créateur radiophonique sont déjà posés : le geste d’écriture d’une part ; le geste documentaire et politique de l’autre. En tant que responsable des émissions dramatiques de l’ORTF d’Alger, il a produit et réalisé une série d’émissions sur les peuples et la culture algérienne ; il est durant cette période activement engagé dans la découverte, le partage, la promotion de la littérature et de la culture arabes, et pour cela, déjà inscrit dans une démarche de collecte et d’enregistrement. De ces deux gestes découlera la singularité de son œuvre africaine.

2. La production radiophonique française de José Pivin

C’est à ce moment, au retour en France de José Pivin, que commencent les archives de l’INA dont je tire les éléments à partir desquels j’ai établi mon étude, à défaut d’autres sources d’information sur son travail. Les premières émissions conservées datent de 1959, à l’exception, essentielle, d’une série d’enregistrements dont la datation est inconnue, qui constitue une collection de sons purs, livrés bruts, sans opération de montage et sans autre cadre d’écoute que les titres sous lesquels ils ont été référencés, dont voici quelques exemples : « Grande gare italienne », « Poules, « Bruits d’auberge de France », « Cigale, mouche, tracteur », « Vent », « Pluie », « Chiens méchants ». Dans ce corpus de documents sonores se trouvent aussi des matériaux liés à la culture du continent africain : « Chants de Kabylie », « Tindé », « Tam tam et flûte », etc. Ce précieux répertoire de matières sonores nourrira nombre d’émissions françaises de José Pivin.

En France, Pivin poursuit le travail commencé à Alger. D’un côté court la veine documentaire, très fournie, avec trois types d’émissions. Un premier ensemble contient Tous les plaisirs du jour sont dans la matinée (qu’il anime de 1959 à 1963), émission relayée de 1963 à 1968 par Au cours de ces instants. Il y fait entendre sur les ondes tout ce que l’époque compte d’écrivains engagés dans le combat artistique et/ou politique contemporain. Le documentaire prend ici la forme, bien identifiée, des entretiens avec les auteurs, questionnés sur leurs origines et les événements marquants de leur vie, et dont les propos sont entrecoupés de lectures d’extraits de leurs œuvres. À cet égard, l’une des émissions les plus marquantes est celle qu’il consacre à Jean Rouch, en juin 1961. À cette date, Rouch a déjà produit plusieurs de ses longs métrages documentaires, dont Moi un noir en 1958, qui reçoit le Prix Louis Delluc, et son corpus de courts métrages sur la culture songhaï, ainsi que Les Maîtres fous en 1954. « Ces moments que nous allons passer avec Jean Rouch nous feront découvrir d’autres limites que les nôtres. […] Nous entrerons ainsi dans un monde nouveau où pourtant nous ne nous sentirons pas étrangers [5] » : Pivin est à l’évidence marqué par la démarche de Rouch, par rapport à laquelle il va se positionner dans ses propres réalisations. Au cours de ces instants reprend les mêmes principes. Les auteurs maghrébins, sub-sahariens, néo-calédoniens, martiniquais sont nombreux à se succéder au micro de José Pivin (Driss Chraïbi, Mohammed Dib, Jean Mariotti, Albert Cossery, Aimé Césaire, Malek Ouary, les époux Schwarz-Bart…), mais aussi les auteurs québécois, les dramaturges, les penseurs et les poètes de son temps.

Un deuxième ensemble regroupe des émissions à caractère d’enquête : une enquête de type historique dans Analyse spectrale de l’Occident (1959-1962), où est interrogée l’histoire sociale, philosophique et économique de l’Europe à partir de textes littéraires mis en voix ; et une enquête sur les réalités et les grandes problématiques contemporaines dans Recherche de notre temps (1963-1964). Il s’agit là encore de s’entretenir avec des personnalités représentatives de la société civile : philosophes, médecins, ingénieurs, chefs d’entreprise, directeurs d’institutions, étudiants, professeurs, délégués du personnel, membres du clergé etc., sur des thèmes aussi divers et vastes que la souffrance, la délinquance, la religion, le sentiment du temps, la vieillesse, la famille, l’homme et l’objet, le bonheur…

Un dernier apport de Pivin à cette veine documentaire est sa participation à l’ample et remarquable émission de recherche historique et archivistique sur le théâtre, animée initialement par Jouvet puis par Léon Chancerel, Prestige du théâtre. José Pivin y succède en 1963 à René Guinard et Alain Trutat en tant que réalisateur.

Cet ensemble d’émissions documentaires ne se signale ni par un format novateur, ni par une mise en ondes qui se démarque des pratiques de l’époque. En revanche, il frappe par l’attention que José Pivin y porte à situer méthodiquement son auditeur dans la perspective précise d’une construction intellectuelle et culturelle européenne dont le réalisateur s’attache à poser les grands jalons idéologiques et techniques, ainsi que par son souci à faire dialoguer cet Occident avec des porte-paroles d’autres sociétés et d’autres systèmes de pensée. Ce faisant, il prépare la voie au décentrement que mettront en œuvre ses créations camerounaises.

De l’autre côté de la veine documentaire se constitue la production écrite, dramatique et poétique, qui emprunte principalement deux axes. Le premier est celui des pièces unitaires : c’est d’une part la reprise des contes pour enfants composés en Algérie, avec l’émission Fermez vos cahiers qui démarre en 1964 et propose des univers inspirés tant de la tradition des contes européens que de traditions africaines, comme en témoignent les contes du « Chacal de la forêt de Baïnem », de « La Djinnia du djebe Ouahch Ouahch », ou de « La petite sirène du Saraha » ; c’est d’autre part la production des vignettes d’Aquarium (1971-1977) où l’écriture de Pivin se libère de toute trame narrative et de toute contrainte de sens, donne libre cours à la fantaisie, et fait la part belle à l’expérimentation vocale, sonore, rythmique, servie par la voix de grands interprètes dont le grain met le son au premier plan.

Le second axe concerne la production des feuilletons. En 1963 naît Le merveilleux voyage de Suzanne Michel qui donnera lieu à huit épisodes, puis Jean Loup la pipe (1971), le retentissant À la poursuite des Maillots Noirs (1973), suivi du Chevalier à la charrette (1975). Dans l’intervalle, entre 1964 et 1969, Georges Godebert réalise dans son émission engagée Théâtre Noir la mise en ondes d’œuvres littéraires d’auteurs africains, interprétées par les comédiens de la Compagnie des Griots (troupe étudiante qui se constitue en 1956 et se fédère bientôt autour de Roger Blin et de Toto Bissainthe, puis de Jean-Marie Serreau), entièrement constituée de comédiens des territoires ultramarins, africains, caribéens, réunionnais. Or Godebert met déjà en place ce que Pivin va radicaliser, en faisant alterner les séquences parlées des dialogues entre les personnages, sans aucun fond sonore ou très rarement, avec des séquences musicales constituées d’authentiques documents prélevés dans la réalité africaine dont ils font entendre les voix, les rythmes, les instruments, les bruits de la nature, ou des moments privilégiés de fête et de rassemblement.

Pivin va ainsi concevoir ces objets hybrides que sont ses grands feuilletons radiophoniques, notamment À la poursuite des Maillots Noirs et Le Chevalier à la charrette, dans lesquels il systématise, à contre-courant des productions de l’époque, le principe de la juxtaposition des séquences parlées et des séquences bruitées : rejetant le mixage, il insère, entre les plages de texte qui restent majoritaires, les enregistrements de sons pour eux-mêmes dont l’isolement, souligné par les silences qui les introduisent et les concluent, intensifie et dilate l’expressivité.

Ces séquences qui s’autonomisent de la narration, que Pivin qualifie d’enluminures sonores [6], créent une profondeur de champ qui ne repose pas sur la superposition des strates sonores, mais à l’inverse sur le parti pris de ne faire écouter qu’une seule chose à la fois, de dissocier les écoutes. Elle se renforce du contraste avec le plan textuel, sa linéarité, sa logique causale, ses rails cognitifs. L’alternance de ces séquences en studio et hors studio, par la gymnastique qu’elle impose à l’esprit de l’auditeur, fait prendre conscience de la différence de ces modes d’écoute, constituant une sorte d’application en direct de la théorisation des écoutes schaefferiennes.

Le procédé finit par faire basculer la production, et le genre de l’émission : on a l’impression que la narration devient, à la fin des Maillots Noirs, pur prétexte à diffuser ces « objets sonores » autour desquels la trame se fait de plus en plus lâche, et qui déséquilibrent le feuilleton au profit du documentaire. Mais peut-être serait-il plus juste de dire que la visée des Maillots Noirs était d’emblée documentaire. Le feuilleton en effet se fonde sur le premier voyage de José Pivin au Mali et au Bénin, dont il rapporte une impressionnante collecte de vignettes sonores, répertoriées à l’INA : « Gao : Landrover sur tôle ondulée », « Ansongo : bruit de poissons et de vagues », « Mali : entre Gohsi et Gourma-Rharous », « Ambiance : Circulation sur la route de Porto Novo et marché de Sakété au Bénin », « Porto Novo n°2 : enfants et revenant », « Bourdonnements de roussettes, tam tam, marché de Cotonou », « Abomey : Tapisseries et feux de brousse »…

Pivin ne se lasse pas d’écouter et de capturer ses écoutes, afin de les transmettre, du même geste qui le poussait avant à diffuser les éléments de la culture algérienne dans laquelle il se frayait un chemin selon ses moyens. Le saisissement de l’oreille par ces sons « nouveaux » vis-à-vis desquels elle ne se sent pourtant pas « étrangère », et leur ressaisie grâce à l’enregistrement puis aux diffusions radiophoniques, semblent avoir été pour Pivin l’outil même de l’entrée sensorielle, moins affectée idéologiquement, dans les autres cultures. À la fois une manière de passer le barrage de la langue et des préjugés, d’entrer de plain-pied dans la réalité de l’Autre ; et une manière d’apporter cette expérience et cette plénitude sensibles jusqu’à ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas voyager : il n’est pas fortuit que le feuilleton des Maillots Noirs mette en scène monsieur et madame Terril, devenus marchands de bois tropicaux par amour des parfums que dégagent ces arbres (dont l’acajou), mais qui « n’avaient pas foulé l’Afrique, car ils n’osaient pas, même les noms leur faisaient peur [7] ». L’intrigue permet de parcourir le territoire africain, tandis que Pivin déroule un récit quelque peu décousu qui puise largement à la réalité biographique puisque Sandar, le fils adopté par les Terril, est interprété dans l’épisode 1 par Sony Labou Tansi, « adopté » amicalement et familialement par José et Suzanne Pivin en 1973 : c’est le témoignage de Labou Tansi, long et très frappant, sur son arrivée en France, qu’on entend dans cet épisode liminaire.

De là découle la composition rythmique et chromatique très particulière des feuilletons de Pivin, où le geste d’insertion documentaire dans le tissu narratif, loin de chercher à se fondre, s’exhibe au contraire, rompant brutalement – politiquement, au sens que Rancière a conféré à ce mot – le rythme et la texture de l’échange verbal en studio pour imposer sa matérialité sonore, sa spatialité et sa temporalité propres. L’hétérogénéité des deux régimes est soulignée, revendiquée, dans un geste qui renverse la hiérarchie des genres. Ce qui était illustration devient la substance même du langage radiophonique, et la fiction bascule dans l’anecdotique. Ces ruptures répétées produisent à l’écoute un inconfort, assumé par Pivin qui s’amuse avec désinvolture, irrévérence, de l’incongruité qui troue la fiction : ainsi des séquences documentaires où on l’entend lui-même interroger ses interlocuteurs africains pour se faire expliquer les traditions et les agissements des tribus ou villages qu’il traverse.

À ce stade la production de Pivin met en place une esthétique du contraste et du déséquilibre, dont la radicalité vient problématiser le positionnement de l’auditeur : pas seulement sa position devant le son, mais aussi sa position idéologique, son échelle de valeurs et sa situation dans le monde. Pour reprendre la pensée de Rancière [8], les images sonores de Pivin agissent effectivement comme des « opérateurs de transformation », des « passages » d’une « scène » politique – c’est-à-dire de saisie sensible et intellectuelle, de structuration du monde – à une autre.

3. Les œuvres camerounaises ou le chant du document

Les trois grandes œuvres camerounaises se présentent comme l’aboutissement de cette démarche et d’une réflexion sur la nature du son et sa fonction. Avec Un arbre acajou, Opéra du Cameroun et le Transcamerounais, Pivin invente un objet radiophonique qui ne ressemble à aucun autre dans ces années-là, et dont on peut se demander s’il est au cœur ou aux limites du documentaire tant il en ébranle le cadre et en rejette les conventions – tout en travaillant à lui redonner sa pleine acception. De cet objet on ne saurait tirer aucune règle, car c’est d’abord un objet qui prend sa forme de son sujet même : en l’occurrence cette partie du continent africain. C’est pourquoi les aspects que j’en relèverai ne sont pas élargissables à un discours général sur le documentaire chez Pivin, mais concernent précisément ces trois pièces.

Le premier geste qui les caractérise est que le texte y tend vers sa disparition. Proportionnellement il occupe une place très réduite, qui va diminuant depuis Un arbre acajou jusqu’au Transcamerounais. Du documentaire, Pivin retire en premier lieu deux éléments principaux de ses objectifs informatif et didactique déclarés : les questions et les commentaires. Jamais Pivin ne se met en position d’expliquer à l’auditeur ce qui est livré à son écoute, refusant toute position de surplomb comme toute approche qui ne passerait pas d’abord par la saisie sensible, intuitive, phénoménologique (que produit ce son sur celui qui le perçoit et s’y adonne ?) du matériau sonore. C’est bien le contraire de l’approche guidée qui est en jeu : c’est dans la mesure où l’auditeur ignore ce qu’il écoute qu’il écoute, qu’il peut écouter, qu’il agrandit ses pavillons comme on écarquille les yeux pour mieux voir dans l’obscurité.

À la place des questions, Pivin travaille les bruits questionnants, dans un subtil dosage entre des motifs que l’auditeur peut identifier, qui lui servent de repères ou de porte d’entrée dans cet univers étranger, et des sons inouïs, non reconnaissables, qui irradient de l’impossibilité où est l’auditeur de les réduire à un schéma de compréhension : alors le son se déploie dans sa logique propre et recouvre les caractères concrets, physiques, dont les habitudes auditives le privent. Voici l’auditeur obligé de remonter à la source du son, se demandant quelle forme, quelle matière, quels usages peuvent donc produire une telle sonorité. Ainsi, par exemple, du soufflet du forgeron d’Opéra du Cameroun, ou de la scie d’Un arbre acajou. Le retrait de toute parole médiatrice a pour immédiat effet le transport et l’inclusion de l’auditeur dans une scène où il est contraint d’entrer, qu’il est contraint d’incorporer pour la comprendre : à cet égard, la séquence du conteur muet qui fait rire aux larmes les enfants, hommes et femmes de la communauté dans Opéra du Cameroun est exemplaire, autant que les événements qui jalonnent le voyage en train du Transcamerounais.

Dans ces documentaires de Pivin, il n’est pas question d’être guidé mais de se perdre. À cet effet l’auteur conjugue plusieurs procédés. J’en relèverai trois principaux. En premier lieu, l’absence de tout fil narratif, qui va à l’encontre des lois du genre, travaille avec l’ouverture maximale du cadre spatial. À aucun moment Pivin ne borne le regard en insérant ce qui ferait office de didascalies précisant les différents lieux parcourus. Et les très laconiques phrases qui ouvrent Un arbre acajou [9] et Le Transcamerounais [10] produisent même un effet de leurre : elles donnent l’illusion rassurante, au seuil de l’émission, que cette voix narratrice continuera sur sa lancée et accompagnera l’auditeur dans le périple. Il n’en est rien, et l’illusion est d’autant plus amère que ces précisions sont données pour mieux l’égarer : dès la fin de la dernière phrase, l’univers sonore se referme sur lui et le plonge dans l’inconnu qu’il a à charge d’apprivoiser, seul. Qu’importe qu’il soit dans la forêt tropicale d’Edea ou au Nord du Dahomey : il n’y voit plus rien et ne devra plus se fier qu’à son ouïe.

Ainsi le voyage advient-il vraiment, dans la mesure où le son ne vient plus désigner un objet ou un territoire mais devient le lieu même. Pivin ne travaille pas un son indiciel mais simultanément l’objet sonore et le fait sonore, pour reprendre la terminologie de R. Murray Schafer, qu’il parvient à rendre dans leur dimension réelle, c’est-à-dire toujours plus large, plus riche, plus complexe que ce que l’auditeur n’en peut saisir ou percevoir. À rebours du documentaire qui cherche à circonscrire sa question, Pivin opte résolument pour un son dont il met en scène la capacité à échapper à une écoute qui refuserait de prendre le temps nécessaire – c’est-à-dire toujours recommencé.

De ce point de vue, la prise de son joue un rôle essentiel, qui fait bouger l’audition du très proche au très lointain et ne cesse de se désaxer, créant littéralement un équivalent sonore à l’immensité, à la profondeur, à la mobilité de l’espace africain. Se substituant à l’histoire qui n’est plus racontée, le son devient narration, pleinement, à travers ses miroitements et ses énigmes.

Cette disparition du texte et de la linéarité d’une enquête se répercute sur le traitement de la temporalité. Un second procédé caractéristique des documentaires africains de Pivin est l’immersion de l’auditeur dans une temporalité longue. Au « pour écouter, il faut ignorer ce qu’on écoute » fait ici pendant un autre parti pris : « pour écouter, il faut écouter longtemps ». Dilater le temps, c’est dilater le son – et inversement. C’est aussi l’ouvrir à la multiplicité des événements, passés et présents, qui le constituent. Rien n’est plus efficace que les quarante minutes que dure l’abattage de l’arbre acajou. Derrière l’invraisemblable bruit de la scie qui s’efforce à grands ahans, ce sont les cent cinquante ans de l’arbre, sa poussée lente, son architecture fantastique, ses ramifications souterraines et les liens qu’il a établis avec les hommes, les animaux et son milieu – mais ce sont aussi la patiente et périlleuse constitution du savoir-faire des hommes, leur lent apprentissage d’eux-mêmes et du monde qui les entoure, leurs rites, leurs alliances et leurs rivalités, qui se font entendre : rien de moins donc que la légende, ce qui est à lire dans le tronc d’un arbre, ou dans le son de ce tronc qu’on abat, ou dans le son des gestes de ceux qui l’abattent. Le temps d’écoute fait entrer dans la caverne du son, et lui redonne simultanément son histoire, son épaisseur, sa phénoménologie et son étrangeté irréductible.

À la question : « comment faire écouter un train pendant cinquante minutes ? », Pivin répond : en traitant les différentes facettes du son du train comme l’interviewer recueille la parole des gens dans la rue. Pivin et son preneur de son font ainsi entendre le paysage qui défile derrière les vitres, les banquettes où les voyageurs mangent et s’interpellent, les essieux, le ronflement du Diesel, le grincement des wagons, leur enfilade, les conversations à deux ou les voix se répondant à la cantonade, les échanges entre gens de la gare et voyageurs, les coups de sifflet, les klaxons de la motrice, le bruit de l’air entrant par les fenêtres, les boissons et les nourritures consommées à bord, les vendeurs de bananes, les altercations, les passe-temps, les explications du machiniste, ou encore l’ennui des heures du voyage ou la bigarrure sonore des places de marché… Et à l’intérieur de cette libre écoute déambulatoire, l’auditeur est lui-même libre de circuler, car le micro de Pivin est bien élevé, il ne pointe pas vers son interlocuteur, il n’est pas plus démonstratif que la voix narratrice absente. Il déploie. Les codes du documentaire valsent. Le travail de la forme se fait depuis l’intérieur du son.

Le troisième procédé majeur de cette production africaine est le traitement de la parole. Celle-ci intervient essentiellement de trois façons : par la voix de Pivin d’abord, qui, on l’a dit, ouvre la porte sur le monde à écouter en quelques phrases liminaires nommant un lieu, une année, et un désir (Le Transcamerounais) ou un objet (Un arbre acajou). Cette voix intervient pour assumer une éthique et une poétique du documentaire, elle les assume simultanément par sa présence comptée et par son retrait définitif aussitôt après l’annonce.

Par les voix, ensuite : si ces trois pièces sont dépourvues de récit, elles fourmillent de voix. Et il semble que dans cette notion de voix vienne se cristalliser le geste documentaire de Pivin. Car il n’écoute pas le monde selon une catégorisation qui distinguerait entre voix humaines, bruits de la nature, bruits mécaniques ; ni selon une hiérarchie qui classerait entre discours individuel/rumeur collective ; bruits proches/bruits lointains ; bruits identifiables/bruits innommables ; sons harmonieux/sons discordants, etc. Il l’écoute au contraire comme si tout son était voix.

Ce postulat n’a rien d’une vague posture. Il implique une politique (au sens large et fondamental du terme : organiser une co-présence dans la cité et entre cités), une esthétique, une dramaturgie. Qui dit voix, dit (au moins) présence (donc dialogue possible) ; altérité ; expressivité ; organicité. Qui dit voix dit aussi possibilité d’un chant, donc d’une forme de lyrisme. Qui dit voix dit encore harmonie possible. Mais que serait donc l’expressivité d’un train, d’un tronc ? L’organicité d’une mare ? Le chant d’une forêt ? La présence (le dialogue avec) du vent ? L’harmonie entre la scie et le tronc ? Quelle serait la voix d’un groupe, d’un village, d’une génération ? D’une immensité spatiale ? Écoutons Pivin : « Je suis un sonneur sans spécialité, cherchant à faire sonner mots et objets, pour les rendre capables de présence de vie, et capables de communiquer leurs inimaginables envies [11]. »

L’extrême sensibilité de Pivin aux qualités du sonore, sa capacité instinctive à saisir la rythmique de chaque lieu comme de chaque situation humaine, le conduit à doter la texture de ses documentaires d’un caractère essentiellement musical. La variété des langues et des usages de l’appareil phonatoire, l’infinie ponctuation des accents et des inflexions, la choralité des groupements humains, les gammes singulières de l’expression animale (éléphants, grenouilles, hippopotames, oiseaux…), la rythmicité et le son « juste » des techniques humaines (du bûcheron au musicien, du pilon à la pagaie), l’acoustique d’une topographie, enfin les répertoires et pratiques musicales elles-mêmes (vocales et instrumentales) dont la présence est structurante dans les trois pièces africaines : tous ces éléments sont unis par la pensée musicale de Pivin. C’est elle qui rassemble à la fois les motifs composites et les séquences autonomes de ces œuvres radiophoniques qu’une appréhension rapide pourrait juger décousues, dépourvues de structure. Elles nous semblent au contraire relever d’un même principe d’écriture et d’une même vision qui font ressortir le chant du monde et de la présence humaine par-delà leur infinie diversité. En ce sens, le motif unifiant du rire qui retentit partout et parfois comme son premier (ainsi de l’ouverture d’Opéra du Cameroun !), et qu’on suit comme un fil rouge dans ces trois œuvres, en dit long sur le regard que Pivin pose sur l’homme et la manière dont il se positionne dans ses voyages en terre « nouvelle mais non pas étrangère ». Mais l’ « opéra » du Cameroun n’est pas une métaphore, et le chant n’est pas seulement celui des hommes, loin s’en faut.

Un principe de composition, il en faut pourtant un autre qui soit plus apparent peut-être, sous peine d’égarer l’auditeur qui n’ose pas s’aventurer. Nous formulons l’hypothèse qu’il est pris en charge par la voix des comédiens qui proposent ce faisant un troisième type de traitement de la parole. À cette voix des acteurs, Pivin propose un régime d’insertion particulier. Il ne met en effet jamais les acteurs en position de lecture ou de jeu conventionnels (c’est-à-dire d’interprétation d’un texte existant préalablement dont les acteurs endossent l’énonciation comme si la parole émanait directement d’eux), mais en position de décalage assumé, à la fois du point de vue de leur interprétation et du point de vue des paroles prononcées. En fait, Pivin maintient dans les documentaires le même hiatus entre les paroles prononcées et les objets sonores qu’il l’avait fait dans ses feuilletons. Les voix des comédiens se tiennent dans une sorte d’indétermination assez virtuose entre vraie et fausse confidence, vraie et fausse conversation improvisée, vraie et fausse sortie poétique, bribes de récits volées ou à la commande, rires spontanés ou orchestrés, etc. De sorte que ce qu’ils disent est toujours maintenu à distance des objets sonores, comme les voix des acteurs de Rohmer le sont de leurs personnages. Pas d’identification, pas d’adhérence, pas de fiction. Rien qui viendrait orienter l’écoute. Dans Un arbre acajou, les phrases elliptiques égrenées au long de l’agonie de l’arbre [12] retentissent comme des contrepoints à la fois lointains (un langage étranger à l’arbre) et profondément reliés à ce qui se joue dans cet abattage, elles maintiennent un écartèlement entre les deux scènes qui réactive l’attention au bruit dominant et répétitif des coups sur le tronc. Les objets sonores ne sont jamais enrobés par une parole extérieure. Tout au plus cette parole vient-elle retentir à distance respectueuse, ouvrant l’espace d’un possible dialogue que l’auditeur est libre d’investir ou non. La pensée de Pivin s’inscrit comme un écho, elle ouvre un espace de résonance.

La seule exception à ce traitement apparaît exactement au centre d’Opéra du Cameroun, sous la forme d’un long texte dit par François Marthouret décrivant les effets atroces de la famine sur les hommes. Cette fois le décalage n’émane plus de l’interprétation du comédien, mais du montage qui fait se succéder ce récit de la famine avec la longue et splendide séquence de la fête et des tourbillons dansés de Rey Bouba. Ce trou noir au cœur des tableaux africains provoque un double effet de rupture qui scelle la cohérence du geste documentaire de Pivin. D’une part il coupe court, très fermement, au ton et au langage habituellement employés pour parler des famines en Afrique : le discours occidental, oscillant entre apitoiement et alignement de chiffres, est ici remplacé par le langage concret et imagé de la culture africaine, qui substitue aux clichés médiatiques les visions simples et inoubliables d’un fléau vécu de l’intérieur [13]. Jamais Pivin ne faillira à tenir cette ligne idéologique et poétique, refusant tant le jugement extérieur que la mise en avant de ses impressions personnelles. D’autre part, il court-circuite l’impression d’une Afrique idéale, idyllique, qui pourrait naître de la succession de ces tableaux sonores.

Force est donc d’admettre ce constat joyeux : au terme de son voyage au Cameroun, l’auditeur de Pivin ne sait rien, n’a rien compris, ne s’est rien fait expliquer. Il n’a pas été documenté. Tout au plus a-t-il tendu l’oreille, deviné, entraperçu, été embarqué, s’est-il abandonné. Il a été dé-routé. Pivin n’a pas du tout rendu l’Afrique proche ou compréhensible. Il l’a déprise des discours portés sur elle, des représentations nécessairement erronées qui la remplacent dans l’esprit des Européens. Il l’a rendue sensiblement présente, dans la plénitude de son altérité.

Notes

[1] À titre d’exemple, il n’existe pas de notice Wikipédia sur Georges Godebert, sur René Jentet, sur Kaye Mortley, sur Andrew Orr…

[2] La revue paraît tous les deux mois à Alger, le premier numéro date de janvier 1950, le dernier numéro, un numéro double 7-8, sort en février 1952. La revue est accessible sous la côte 8-JO-17124 à la BnF.

[3] José Pivin, Sahara : chants des Touaregs Ajjer, éd. Le Chant du Monde LDY 4160, 1955 ; et Au cœur du Sahara avec les Touaregs Ajjer, éd. Le Chant du Monde, LD-M-8239, 25 cm /33 t., cités in Études Touarègues, sous la direction de Salem Chaker, coll. « Travaux et documents » de l’I.R.E.M.A.M. (Institut de recherche et d’études sur le monde arabe et musulman), n°5, Aix-en-Provence, CNRS Universités d’Aix-Marseille, et ACCT Paris, 1988 (en ligne : https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers18-05/27334.pdf ).

[4] Polène est en réalité le surnom de la femme de José Pivin, Odile Meyer, qui produit et anime l’émission. Ces informations proviennent du précieux blog d’André Limoges : http://andrelimoges.unblog.fr/2010/02/21/lemission-enfantine-de-radio-alger/

[5] Tous les plaisirs du jour sont dans la matinée, « Jean Rouch », RTF, production de José Pivin, diffusion le 29 juillet 1961, n° de notice INA : PHD89004597.

[6] Radio archives, « Cycle José Pivin, 1 : José Pivin réalisateur et auteur », France Culture, production Claire Chancel, diffusion le 11 septembre 1992, n° de notice INA : 00755118.

[7] À la poursuite des Maillots Noirs, premier épisode, France Culture, production José Pivin, diffusion le 1er octobre 1973, n° de notice INA : PHD99221577.

[8] Voir notamment Jacques Rancière, Le Travail des images. Conversations avec Andrea Soto Calderón, Dijon, Les Presses du réel, 2019.

[9] « C’était au début de mars en 1973, dans le Nord du Dahomey, avant les monts de l’Atacora. La région est forestière, plus particulièrement le long des marigots, ce jour-là à sec. Non loin du village de Pénisoulou, se dressait un arbre, âgé de 150 ans, 3m50 de diamètre aux contreforts » (Un arbre acajou, France Culture, production José Pivin, diffusion le 31 décembre 1975, n° de notice INA : PHD99225326.)

[10] « Avril 1976, Cameroun, dans la forêt tropicale, Edéa, l’après-midi, chaud et humide. Lumière grise. Le train vient de Douala sur la lagune devant la mer. Le train, voie étroite, quelques vieux wagons bondés, une matrice Diesel. Je voulais être secoué au même rythme que chacun. Se laisser conduire en même temps que tous dans la forêt, parler des pluies, s’offrir une banane ou une mangue, achetées à l’arrêt des villages. Franchir des ravins sur des viaduc, à 10 à l’heure, et, en se penchant, déborder sur le vide et les feuillages. Puis, la nuit arrivée, Yaoundé, la capitale. Changer de train. Et traverser les fraîcheurs du plateau de l’Adamaoua. Dormir. Respirer au milieu de souffles semblables, ballotés par les mêmes chaos, épaules serrées. Se réveiller sans se rappeler où l’on va, devant les épineux jaunâtres, sur un sol rouge. Boire le café d’une bouteille Thermos que promène un employé, et arriver le matin, à Ngaoundéré, au soleil qui domine les savanes brûlées du Nord » (Le Transcamerounais, France Culture, production José Pivin, diffusion le 18 août 1996, n° de notice INA : 00160676.)

[11] José Pivin : écoutes, hommage, ACR, France Culture, diffusion le 2 avril 1978, n° de notice INA : PHD99228976.

[12] « Pourquoi vouloir une fin ? Tableau fini, accord final. » // « La nuit étoilée sur les yeux, il n’avait pas peur de mourir. » // « Quand ma peau ne frissonnera plus au clair de lune, je serai bien morte. » // « Esclave de l’éternité. Et tout à coup la liberté ‒ se détache l’individu. » // « Comme un être que la terre ne retient plus, ne supporte plus. Oh, fin de mariage. » (Un arbre acajou, émission citée.)

[13] « […] Le trou du cul devient large comme un sac et on s’aperçoit que l’homme a une queue par derrière, comme un animal, un crapaud. […] Dans un village on a découvert des vivres chez un homme, un autre l’a tué. La famine a ensuite attaqué une jeune femme et la femme s’est avilie, elle a mangé des coques d’arachide et des saletés. La famine est allée trouver un homme qui s’est jeté dans une mare profonde pour se noyer. La famine s’est rendue à Pongola, et le boucher a mangé sa vache sans la tuer.  La famine a rendu les gens comme les ânes qui mangent de la crotte. Je l’ai vu, ils mangent la merde des enfants. […] » (Opéra du Cameroun, France Culture, production José Pivin, diffusion le 3 août 1976, n° de notice INA : PHD99225700.)

Auteur

Marion Chénetier-Alev est maître de conférences en études théâtrales à l’École Normale Supérieure d’Ulm, membre de l’UMR 7172 THALIM (CNRS). Ses recherches portent notamment sur les liens entre théâtre et radio, sur l’histoire sonore du théâtre, et sur l’histoire de la création radiophonique. Elle a publié avec Hélène Bouvier, L’Écho du théâtre : dynamiques et construction de la mémoire phonique, XXe-XXIe siècles (Revue Sciences/Lettres, n°5, 2017) ; « Les archives radiophoniques du théâtre : du théâtre pour les aveugles à un théâtre de sourds » (Revue Sciences/Lettres, n°6, 2019).

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