De la poésie sonore à la fiction audio

Le présent colloque tombe à point nommé. La fiction radio manque cruellement aujourd’hui d’espaces pour réfléchir à sa pratique. Il y a peu nous avions encore la revue Syntone qui nous servait de chambre d’écho, c’était un peu nos Cahiers du Cinéma à nous. Nous n’avons plus la revue Syntone, et nous nous sentons bien seuls. Des moments réflexifs comme celui-ci sont d’autant plus précieux qu’ils contribuent à faire émerger une prise de conscience de notre propre pratique, à faire naître une culture.

Je vais essayer, dans cette intervention, de décrire brièvement mon parcours artistique, de montrer comment je suis passé de la poésie sonore à la fiction radio [1], pourquoi ce passage a été tout naturel pour moi, alors que – comme me le rappelait Pierre-Marie Héron en préambule – c’est un trajet finalement assez peu commun ; je souhaiterais ensuite mettre en lumière les concepts qui sous-tendent la notion même de poésie sonore, et qui continuent à éclairer ma pratique de la fiction audio ; enfin, en vous ouvrant ma modeste boîte à outils conceptuels, j’ai l’espoir que l’un ou l’autre de ces outils puisse vous servir également dans votre approche de la radio et nous aide à dessiner ensemble un horizon de la fiction audio.

J’aimerais commencer en annonçant mon présupposé de départ (sans doute très largement partagé dans ce colloque) : la fiction radio est un art ; c’est ma conviction ; la fiction radio est un art à part entière, au même titre que le cinéma ou la littérature par exemple, et en tant que tel n’a pas à rougir devant ces grands modèles. L’intitulé même de ce colloque, évoquant un « désir de belle radio », semble à la fois placer avec enthousiasme la radio au rang des Beaux-Arts, et suspendre dans le même temps son geste à la condition d’un désir encore à réaliser.

J’affirmais à l’instant que la fiction radio est un art à part entière. Pourtant, à la différence de ses grands aînés, on ne peut pas dire que se rencontre couramment dans la jeunesse de vocation à la fiction radio. Je ne pense pas que beaucoup d’adolescents se soient réveillés un matin en se disant : « Plus tard je ferai de la fiction radio », alors que c’est le cas pour l’écriture, la musique, le cinéma, etc. On peut donc se demander pourquoi ce n’est pas le cas, et si cet état de fait ne jette pas quelque ombre sur la prétention de la fiction radio à être un art à part entière.

Je ne déroge pas à la règle moi-même. Dans ma jeunesse, je ne me suis pas non plus rêvé réalisateur de fictions radio [2]. Ma vocation, c’était plutôt la poésie. J’étais biberonné à Lautréamont, Henri Michaux, Antonin Artaud (dont l’émission longtemps censurée Pour en finir avec le jugement de dieu faisait déjà partie de mon panthéon). Mais à l’époque tout ce qu’on me proposait comme poésie contemporaine dans les rangées des bibliothèques publiques, c’était une sorte de « poésie blanche », très abstraite, qui ne semblait pas pouvoir parler du monde dans lequel je vivais – le monde du parking de l’hypermarché, des lotissements résidentiels Bouygues ou du journal de 13 heures de Jean-Pierre Pernault. Mon désir poétique se fracassait contre ces réalités, et s’y fracassait d’autant plus que le langage – les vieux mots du dictionnaire français, fatigués par des siècles d’usage [3] – ne me semblait pas adapté pour décrire dans toute sa crudité cette réalité contemporaine, et la transcender.

À partir de ce moment-là j’ai pensé que je devais renoncer à la poésie, et que le salut viendrait de ce que je pensais être son antithèse : le cinéma. Paradoxalement c’est en commençant mes études de cinéma, aux Beaux-arts de Genève, que je découvre la poésie sonore [4]. C’est un choc : on m’avait caché cette forme de poésie jusqu’à ce jour ! J’assiste donc à des lectures-performances de poètes qui « sortent le poème de la page », le mettent « debout » sur scène, le font passer à travers leur corps, leur voix, comme Christian Prigent ou Christophe Tarkos. Je commence moi-même à pratiquer la poésie sonore, sur scène, avec ma propre voix, avec des textes qui sonnent, en m’accompagnant parfois de sons, déjà. En même temps dans mes études de cinéma je découvre comment fonctionnent les logiciels audio, je prends l’essentiel de mon plaisir à post-synchroniser mes petits films d’étudiant – c’est-à-dire à refaire tous les sons un à un, à la façon d’un Tati ou d’un Fellini. Mais je m’avère être un bien piètre cinéaste ; en séance de visionnage, mes rushes me semblent toujours fades, décevants, jamais à la hauteur de mes images mentales.

La rencontre avec la radio se produit quand j’arrive à Bruxelles, dans le cadre de mes études de cinéma – la radio est alors le seul endroit à Bruxelles à accueillir ma passion pour la poésie sonore. Mais pas n’importe quelle radio : l’atelier de création sonore radiophonique (acsr). C’est un endroit unique en son genre, qui me permet très tôt de proposer des dispositifs radiophoniques pour des formes poétiques [5]. Quand j’y arrive dans les années 2000, l’acsr bouillonne de réflexions sur la radio – « la radio est un art » est notre mantra. Mais autant, dans nos discussions, cette certitude est assez facile à défendre quand il s’agit du documentaire radiophonique, avec des grandes figures comme Yann Paranthoën ; ou quand il s’agit de la création radiophonique de type Hörspiel, avec des noms comme René Farabet, Luc Ferrari ou encore l’ACR de France Culture ; autant cette affirmation devient beaucoup plus difficile à tenir quand il s’agit de fiction radiophonique. En tout cas, dans notre expérience à ce moment-là, nous n’avons jamais vécu de choc esthétique en écoutant une fiction radio, il n’y a aucune grande figure que nous admirons et dont nous voulions nous inspirer. Il faut rappeler qu’à l’époque on parle encore de « dramatiques radio » sur les ondes publiques, que ce qu’on y entend sent souvent le renfermé, le studio. La fiction radio d’alors ne nous semble pas animée d’une volonté propre, elle semble se contenter de son rôle de faire-valoir servile d’un texte et d’un auteur. Ce n’était pas ce dont nous rêvions. Et cet état de fait nous embêtait beaucoup, parce que nous nous disions que théoriquement il n’y avait aucune raison pour que la fiction radio ne soit pas un art majeur.

Jusqu’à ce que l’on découvre – c’est le déclic qu’on attendait – cette fiction radio qui s’appelle Le Bocal, de Mariannick Bellot et Christophe Rault, sur Arte Radio. Ce n’est sans doute pas pour rien si le changement vient d’une webradio (c’est complètement nouveau à l’époque), si la révélation vient du numérique. On est en 2006 pour la première saison, puis en 2008 pour la deuxième (la plus aboutie selon moi). Et là soudain on se dit : c’est une fiction audio purement radiophonique, qui intègre le son comme une dimension intrinsèque de son écriture ; c’est absolument irréductible à la littérature, au théâtre ou au cinéma ; c’est purement radiophonique… C’est ce qu’on attendait. Ce modèle nous a libérés, nous a permis de nous dire : voilà, c’est possible.

À partir de ce moment-là, je commence moi-même à réaliser des fictions radio. Dans une « première période » si j’ose dire, que je qualifierais d’expérimentale [6], je réalise encore des fictions radio « en poète » ; c’est-à-dire qu’à chaque fois je trouve une idée sonore qui me semble valoir la peine d’être réalisée, mais à chaque fois je me dis aussi que c’est la dernière fois, que c’est un one shot. Je ne suis pas encore entièrement convaincu que la fiction radio est un langage à part entière. Dans Kirkjubæjarklaustur par exemple, l’idée était de faire une fiction radio « normale » en quelque sorte, mais où tous les sons – narration, dialogues, musique, bruitage, sound design, paysage sonore – sont faits « à la bouche ». La seule source sonore, c’est la bouche des trois interprètes que nous sommes. À partir de cette source unique, on recrée tout un monde. C’est une sorte de geste d’arte povera radiophonique, si l’on veut, d’affirmation de l’artificialité radicale de la radio et en même temps de sa simplicité et sa puissance universelle. À partir de rien, à partir de la flammèche vacillante d’une voix, on peut recréer le monde. Pas besoin d’autre chose. Au diable le réalisme ! Encore une fois, l’idée derrière cette démarche était de créer un objet strictement radiophonique, sans équivalent dans d’autres disciplines, cinéma ou littérature par exemple.

Et puis dans un deuxième temps, après cette période « expérimentale », j’entre dans une deuxième période plus « fictionnelle » [7], où je commence à assumer que je suis un réalisateur de fictions radio, que c’est devenu mon mode d’expression principal, mon métier, où je commence à apprécier le simple fait de raconter une histoire avec les moyens du son et de la radio, où je suis enfin convaincu qu’il y a une infinité de styles possibles en fiction radio, que c’est un langage à part entière [8].

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Après avoir rapidement brossé mon parcours, j’aimerais revenir maintenant à la notion de « poésie sonore » – un bien étrange objet quand on y pense –, et prendre le temps de m’arrêter sur certains des concepts qui la traversent, et qui contaminent encore ma propre façon de faire la radio. Dans le cadre de cette intervention, je ne parlerais pas de toute la poésie sonore (il faudrait un colloque entier pour cela), je me concentrerai donc uniquement sur Henri Chopin, un des fondateurs de la poésie sonore [9], à la fois parce qu’il est sans doute le plus emblématique des poètes sonores, mais surtout parce que son œuvre est celle qui m’a le plus marqué. Il n’y a quasiment pas de mots dans les audiopoèmes d’Henri Chopin (c’est ainsi qu’il les nomme), c’est essentiellement du souffle, du corps qui est enregistré. Il y aurait de multiples façons de décrire le travail d’Henri Chopin. L’un d’elles – très caricaturale – consisterait à dire par exemple que c’est quelqu’un qui a enregistré des gargouillis sur un magnétophone et qui appelé ça « poésie ». Comme dans un geste duchampien où l’on pose l’estampille « art » sur une pissotière. Au-delà de la provocation, ce geste a le mérite de faire table rase d’une certaine poésie – pompeuse, précieuse, académique, bourgeoise (rayer la mention inutile). Et cela fait le plus grand bien. Mais c’est aussi une affirmation du corps, de l’organique – là encore en opposition à une poésie « blanche », abstraite, éthérée. Et c’est aussi tout simplement très beau. Si on écoute du Henri Chopin aujourd’hui, c’est d’une beauté lunaire, ça ne ressemble à rien, c’est une expérience inouïe, comme si on venait d’atterrir pour une heure sur une planète aux paysages inconnus qu’on ne serait pas sûr d’être amené à revoir un jour.

Mais – et c’est là où je voulais en venir – c’est aussi un geste théorique. Le simple fait d’appeler « poésie » l’enregistrement de cette voix pure, de ce pur vouloir-dire dénué de mots, contient toute une pensée, complexe et élaborée, repliée sur elle-même. Que nous dit ce geste ? Que toute l’histoire de la littérature est une simple parenthèse, un accident de parcours technologique dans l’histoire d’un art qui serait beaucoup plus vaste, beaucoup plus ancien, et qui serait la Poésie sous la forme de la tradition orale, l’Art de la parole, un art originel qui aurait toujours été là. Depuis la nuit des temps la poésie aurait été orale, sauvage, sous la forme du cri ou du chant, primitif d’abord, accompagnant pendant des dizaines de millénaires Homo Sapiens dans ses chasses ou dans ses peintures rupestres à la lueur des torches, puis s’articulant, devenant exclamation, émerveillement, imprécation, mélopée, ritournelle, litanie, sortilège, prière, jeu, joute ; elle se serait certainement civilisée au Néolithique, à la fondation des Cités et des civilisations, raffinée, enrichie au contact des autres langues et des autres cultures, sous la forme de l’épopée notamment, occasionnellement accompagnée de cordes pincées ou de tambours de peaux ; elle serait devenue d’une sophistication extrême, ses meilleurs aèdes auraient été recherchés dans les cours les plus prestigieuses – nous sommes à l’époque des sources orales de l’Iliade et de l’Odyssée – mais toute cette lente construction d’un art s’est évanouie d’un coup dans notre mémoire, comme finissent toujours par s’évanouir les paroles. Ce n’est finalement que très tardivement dans l’histoire de la Poésie que s’opère la rencontre déterminante avec une nouvelle technologie, l’écriture, une technologie de comptables à l’origine, inventée pour répertorier le nombre de jarres d’orge ou de têtes de bétail que l’on devait. La rencontre avec cette technologie a été – on le sait – ô combien heureuse et féconde, et a engendré cette longue idylle qu’on appelle littérature. Mais pour passionnante qu’elle soit, ce moment particulier de la Poésie qu’est la littérature n’en constitue pas pour autant l’Alpha et l’Oméga, elle n’en est si l’on veut que le dernier méandre. Et tout nous incite à croire que la Poésie avant l’écriture était tout aussi heureuse et féconde. Le geste d’Henri Chopin consiste (entre autres) à nous reconnecter à cette fécondité heureuse des origines, à faire revivre son énergie essentielle et à la réinventer à l’aune de notre temps.

Si on suit ce chemin de pensée jusqu’au bout, on pourrait affirmer que l’écriture au fond n’est rien d’autre qu’une technologie d’enregistrement de la voix. On se souvient que Saint Augustin s’étonnait de voir un de ses collègues lire un texte à voix-basse. C’était une anomalie à l’époque. Un texte était censé être restitué à voix-haute. Un lecteur devant un manuscrit, c’était un peu comme une tête de lecture devant une bande magnétique, un diamant sursautant dans un microsillon ; il s’agissait de déchiffrer un système de signes et de le transposer en phénomène acoustique, phonatoire. À ceci près que l’enregistrement audio restitue le grain de la voix, son timbre, son rythme, quand l’écriture ne parvient à capturer que la suite des mots, le flux d’énonciation – dans lequel il nous arrive parfois tout de même de pouvoir encore « entendre » la voix-fantôme de l’énonciateur : c’est l’autre nom du style. Pour comprendre l’étonnement de Saint Augustin, il nous faut procéder par transposition. Imaginons par exemple que l’invention de la notation musicale ait rendu complètement obsolètes les concerts et les disques, et que désormais la musique ne se consomme plus qu’en silence, dans la solitude de sa chambre, le nez sur sa partition… La poésie sonore fait en quelque sorte retour aux origines de la poésie orale, en restituant ce lien au phonatoire, au timbre de la voix vivant et vibrant, mais en conservant de l’histoire de la littérature l’écriture, ou archi-écriture au sens derridien, l’inscription de cette voix vivante et vibrante sur ce nouveau papier qu’est la bande magnétique [10]. Car la poésie sonore n’est pas qu’affaire de présence sur scène du corps du poète ; dès le départ, c’est le magnétophone  qui est cardinal dans la fondation de la poésie sonore[11], pensé comme un nouveau stylo.

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Si l’on fait pour sienne cette « théorie » que je viens d’énoncer, on ne s’étonnera pas que le glissement de la poésie sonore à la fiction audio se soit fait tout naturellement, un peu à la manière d’un écrivain qui, après avoir touché à la poésie, jetterait son dévolu sur le roman pour élargir sa palette [12].

Jusqu’à présent j’ai utilisé presque indifféremment les termes fiction radio et fiction audio. Il est temps de marquer ma préférence pour ce dernier. Est-ce à dire que je rattacherais d’une façon ou d’une autre la fiction audio à la grande Geste de la Poésie sonore dessinée par Henri Chopin, et que ce faisant je lui confèrerais un caractère plus essentiel que la fiction radio ? Je ne suis pas loin de le penser : le terme de fiction audio me semble plus vaste, en effet, je m’y reconnais plus, et j’affectionne particulièrement cette filiation, ce glissement sémantique de poésie / sonore à fiction / audio. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faille jouer la fiction audio contre la fiction radio. Je ne pense pas que ça ait la moindre utilité. On sait combien il est tendu ces jours-ci de remettre en cause la radio face au rouleau compresseur du podcast – avec le danger d’un nivellement par le bas, d’un sous-financement, voire d’une disparition complète de la création radio. Je rappelle que le slogan du premier Paris Podcast Festival en 2018 était : « Ce n’est pas de la radio, c’est du podcast ! » [13]. Dans cette situation, on peut comprendre que soit très mal vécue par les acteurs et les actrices de la radio de création, œuvrant dans une ombre la majorité du temps, cette OPA agressive du podcast sur la narration sonore, tirant la couverture à soi, reléguant la radio au rang d’antiquité, criant haut et fort avoir inventé la roue.

Je pense que nous sommes à un moment particulier de notre histoire. Ce n’est sans doute pas pour rien si ce colloque s’est donné pour cadre d’études les dix ou vingt dernières années de notre médium. Cela coïncide avec l’arrivée du numérique dans les techniques d’enregistrement, de production et de diffusion [14]. Je suis convaincu que cette (r)évolution technologique a bouleversé plus qu’on ne le pense notre façon de faire de la fiction radio, son esthétique en général. Quand j’ai commencé à manipuler du son au tournant des années 2000, il n’était pas rare encore d’utiliser la bande magnétique, que ce soit pour l’enregistrement ou pour le montage. Je n’ai aucune nostalgie de cette époque-là, parce que pour moi c’était un support beaucoup plus lourd, beaucoup moins malléable que le son sur ordinateur. Une partie de l’amour que je voue au son est liée à la fluidité organique du numérique que j’ai tout de suite ressentie en le découvrant. J’évoquais plus haut Le Bocal sur Arte Radio. Pour moi c’est typiquement une œuvre d’une époque numérique. Je suis persuadé que c’était infaisable sur un vieux banc de montage magnétique, ou alors cela aurait été tellement fastidieux, cela aurait demandé tellement d’heures de travail pour atteindre une telle intrication du son et de la narration que personne n’aurait même songé à s’aventurer dans une telle esthétique.

Avec le numérique, le son acquiert une véritable plasticité, on peut modeler et remodeler à l’infini le flux d’ondes sonores qui coule de votre ordinateur. Pour illustrer cette impression, je vais donner un exemple : dans une de mes fictions, John Haute Fidélité, j’ai échantillonné un extrait d’une symphonie de Beethoven et j’ai modifié après coup les notes à l’intérieur même du sample, pour y introduire des dissonances presque dodécaphoniques. Comme si Beethoven avait écouté du Arvö Part sur son mp3. Ou comme si j’avais pu prélever l’ADN sonore de Beethoven, le modifier génétiquement et l’expédier par uchronie musicale dans un monde parallèle inconnu. Si les techniques du montage et du mixage étaient déjà présentes à l’ère du magnétophone et faisaient partie intégrante de son esthétique, le numérique a ajouté une nouvelle dimension sonore : l’art de la mutation.

Dans les années à venir, de nouvelles technologies audio vont faire leur apparition : l’Intelligence Artificielle ou les deepfakes vont nous permettre (ou nous permettent déjà [15]) de cloner des voix, par exemple la voix des morts, et de leur faire dire ce que l’on veut. Je me prends à imaginer une fiction où j’exhumerais une archive inconnue du général de Gaulle… ou une chanson inédite d’Édith Piaf… Ces technologies ne sont pas effrayantes à mes yeux dans leur usage artistique (dans un usage journalistique ou de manipulation de la vérité, c’est tout autre chose), elles sont réjouissantes au contraire, car elles mettent le créateur sonore dans la position de l’écrivain-démiurge, pouvant convoquer le monde à l’infini sur son ordinateur. Et cela va selon moi dans le sens d’un art audio comme art majeur.

Mais le tournant principal que le numérique a fait prendre à notre médium à mon avis se situe au niveau de la diffusion – la radio considérée non plus seulement comme art de flux, mais aussi comme art de stock. On peut ici reprendre à notre compte l’analogie avec le bouleversement que l’écriture a provoqué dans la poésie orale. Ce qui apparaît avec le numérique, c’est moins la possibilité de conserver des traces des œuvres passées – l’archivage sur bandes magnétiques ayant toujours existé dans les grandes radios publiques – que celle de les partager et de consulter facilement et largement [16]. Les écrivains ont leur bibliothèque, les cinéastes ont leur cinémathèque, et c’est dans la connaissance intime des œuvres du passé, dont on peut s’inspirer ou qu’on peut au contraire rejeter, que se crée une culture, par sédimentation. Or jusqu’à assez récemment en radio nous n’avions pas l’équivalent d’une radiothèque. La radio était un art quasi-amnésique, où chaque génération recommençait à bâtir sur du sable.

Cela a changé depuis une petite vingtaine d’années. Nous nous écoutons les uns les autres. Nous ne « ratons » plus la diffusion des œuvres de nos collègue, dans la mesure où celles-ci restent généralement consultables pendant des années [17]. Ces écoutes, ainsi que l’existence de festivals, de quelques – trop rares – articles critiques (dans feu Syntone, aujourd’hui dans Télérama ou Le Monde), ou d’un colloque comme celui-ci, contribue à créer l’émulation indispensable à la formation d’une véritable scène de la fiction sonore francophone.

En revendiquant plus haut mon attachement au terme fiction audio, j’ai peut-être donné l’impression de me placer moi-même dans cette catégorie d’artistes audio détachés de toute institution radiophonique, créant et diffusant indépendamment sur Internet. Or il n’en est rien. Mon mode de production reste extrêmement attaché à l’institution « radio » [18], qu’elle soit publique ou non, ne serait-ce que parce que c’est là qu’on peut trouver le financement indispensable à une production professionnelle comprenant comédiens, bruiteurs, sound designers, ingénieurs du son.

Cependant ces purs artistes de « fiction audio » détachés de l’institution radiophonique que je décris existent. Je citerai trois noms. Daniel Martin-Borret tout d’abord, qui – même s’il est régulièrement diffusé sur des radios – est vraiment pour moi l’exemple parfait de l’auteur audio, produisant ses pièces sur son propre blog, faisant tout lui-même, de l’écriture à la technique en passant par la musique et la diffusion, une sorte d’écrivain audio total (je ne sais pas s’il apprécierait ce terme). Je citerai également Èlg, un musicien électronique expérimental basé à Bruxelles qui a réalisé avec Amiral Prose une fiction audio hallucinée, à mille lieux du « storytelling » omniprésent dans le podcast. Je vous le recommande vivement, c’est très inspirant. Et enfin je citerai Vimala Pons, une circassienne et comédienne (notamment dans les films de Bertrand Mandico) et son très étrange et abouti Mémoires de l’Homme Fente, un livre audio ou « film sans images » (tel qu’elle le nomme) distribué directement en cassette. Il me semblerait malhonnête de qualifier son travail de «  radiophonique », puisqu’à aucun moment la radio ne semble entrer en ligne de compte, ni dans sa production, ni dans sa diffusion, ni même en tant que simple référence. Pourtant, loin d’être une simple « lecture audio » agrémentée de quelques effets sonores, son récit et sa construction font preuve d’une grande maturité sonore. Il n’y a pas de doute pour moi : nous pratiquons le même art : la «  fiction audio ». Et dans un autre registre, beaucoup plus pop et pulp, la saga mp3, apparue dans les années 2000, a sans doute fait de la « fiction radio » sans le savoir pendant des années, à l’instar de monsieur Jourdain. Pour emprunter une métaphore à la biologie, on pourrait dire qu’il y a eu « convergence évolutive » vers la forme de la fiction audio, en provenance de différents médias et de différents milieux, n’ayant pas forcément de rapport les uns des autres.

Deux mots pour finir.

Avant de nous projeter un tant soit peu vers l’avenir, prenons déjà notre élan vers le passé. On trouve déjà la trace de cette aspiration à la fiction audio dès le XVIIe siècle, chez Cyrano de Bergerac (l’auteur, pas le personnage de la pièce d’Edmond Rostand). Dans son livre L’Autre Monde : Les États et Empires de la Lune et du Soleil, il imagine des livres parlants, dont les auteurs nous s’adresseraient à nous directement au creux de l’oreille, avec une voix toute musicale [19].

Pour revenir enfin à ma question initiale : existe-t-il aujourd’hui une vocation à la fiction audio ? Il y a trois ou quatre ans, j’aurais encore été forcé de répondre par la négative. Mais c’est en train de changer sous nos yeux. J’en veux pour preuve l’ouverture récente d’un Master radio à l’INSAS (l’école de cinéma, radio et théâtre de Bruxelles) et l’existence d’une spécialisation « fiction radio ». Des jeunes gens aujourd’hui veulent faire de la fiction audio, c’est leur premier choix, c’est leur médium de prédilection. Voilà qui devrait lever nos derniers doutes : oui, la fiction audio est un art à part entière, un art qui a tout son (bel) avenir devant lui.

Notes

[1] Fiction radio ou fiction audio : je reviendrai sur la différence que je mets entre ces deux termes.

[2] Seules peut-être les fictions jeunesse des Histoire du Pince-Oreille sur France Culture me faisaient rêver, littéralement, puisque je les écoutais dans un demi-sommeil : elles avaient une liberté de ton et de réalisation que n’avaient pas à mes oreilles les fictions plus sérieuses pour adultes.

[3] Ou comme le disait le poète Francis Ponge  : « Supposons que chaque peintre, le plus délicat, Matisse par exemple… pour faire ses tableaux, n’ait eu qu’un grand pot de rouge, un grand pot de jaune, un grand pot de, etc., ce même pot où tous les peintres depuis l’Antiquité (français mettons, si vous voulez) et non seulement tous les peintres, mais toutes les concierges, tous les employés de chantiers, tous les paysans ont trempé leur pinceau et puis ont peint avec cela. Ils ont remué le pinceau, et voilà Matisse qui vient et prend ce bleu, prend ce rouge, salis depuis, mettons, sept siècles pour le français. Il lui faut donner l’impression de couleurs pures. Ce serait tout de même une chose assez difficile ! C’est un peu comme ça que nous avons à travailler » (« La pratique de la littérature », in Méthodes, Paris, Gallimard, « Folio », p. 226).

[4] Grâce au professeur, traducteur, historien de la médecine, organisateur de festival et poète sonore Vincent Barras.

[5] Voir par exemple le cycle Bru(i)xelles sur la webradio SilenceRadio : www.silenceradio.org/grid.php?folder=4

[6] Comprenant Personnologue (2009), Kirkjubæjarklaustur (2011) et Pamela (2015), voir www.dicenaire.com/radio

[7] Avec des pièces comme John Haute Fidélité (2017), Version 133 (2019), DreamStation (2019), Clinique de la Mémoire Morte (2020), voir www.dicenaire.com/radio

[8] Aujourd’hui, si je devais rapprocher la fiction radio d’une autre discipline, ça serait plutôt de l’art de guider les rêves éveillés – c’est une bonne définition je trouve du métier du créateur fiction radio.

[9] Avec Bernard Heidsieck, principalement.

[10] Bernard Stiegler, lui aurait parlé d’hypomnémata, c’est-à-dire d’extériorisation de notre mémoire dans un support matériel consultable a posteriori.

[11] Ainsi Henri Chopin, quand je lui demandais lors du festival Radiophon’ic 2003 à Bruxelles quel conseil il donnerait à un jeune poète sonore, préconisait avant tout l’usage… du (magnétophone à bande) Revox !

[12] Citons, parmi mille noms possibles, un Roberto Bolaño dont ça a été le parcours.

[13] Calqué sur le slogan de HBO, la chaîne câblée qui a produit toutes ces excellentes séries TV, « It’s not TV, it’s HBO ».

[14] Je renverrai ici à l’excellente série d’articles de Juliette Vocler sur les origines du podcast, Il était une fois le podcast : http://syntone.fr/il-etait-une-fois-le-podcast-1-faire-table-rase/

[15] https://www.theverge.com/tldr/2018/4/17/17247334/ai-fake-news-video-barack-obama-jordan-peele-buzzfeed

[16] Avant l’arrivée d’Internet, la seule source accessible d’archives radiophoniques était Les Nuits de France Culture, et depuis 1989, les splendides livres-CDs des éditions Phonurgia Nova (que leur nom soit béni pour l’Éternité dans les cieux radiophoniques).

[17] Ainsi on me parle encore encore régulièrement de Personnologue, ma première pièce en 2009…

[18] Et nous sommes nombreux dans ce cas, comme Alexandre Plank ou Benjamin Abitan…

[19] « C’est un livre où pour apprendre les yeux sont inutiles ; on n’a besoin que des oreilles. […] il en sort comme de la bouche d’un homme ou d’un instrument de musique, tous les sons distincts et différents qui servent, entre les grands lunaires, à l’expression du langage […] » (op. cit.).

Auteur

Sebastian Dicenaire est poète, performeur, auteur et réalisateur de fictions sonores. Impliqué dans la programmation de Silence Radio, émanation de l’ACSR, de son début en 2005 à son arrêt en 2012, il réalise ses premières fictions avec l’ACSR, en collab. avec Christophe Rault : Personnologue en 2009 (Prix Les Radiophonies 2010 du meilleur texte –  et de la meilleure interprète féminine pour Laurence Vielle) ; Kirkjubæjarklaustuen 2011, mention spéciale au prix Europa (2011) et prix SACD Belgique de la fiction radio 2012 ; Pamela en 2015, un feuilleton parodique des romans à l’eau de rose en huit épisodes, Prix Phonurgia Nova de la Fiction Francophone 2016. Son avant-dernière œuvre, une fiction d’anticipation, est un podcast natif pour France Culture, DreamStation, 2019 ; sa dernière, Clinique de la Mémoire Morte, en 4 épisodes, a été produite par RTS-Podcast & Le Labo et mise en ligne à l’automne 2020.

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Une fin heureuse ? La fin du livre versant poésie sonore

Résumé


La question de « la fin du livre » est à la mode, comme le sont tous les discours de la fin. Pourtant depuis plus d’un siècle que les Cassandre prophétisent sa mort, le très traditionnel livre papier, qu’auraient dû périmer le disque phonographique, le film cinématographique, la radio, la télévision, la vidéo, continue de servir de support privilégié à l’œuvre littéraire. Dans le champ poétique, surtout, l’objet jouit d’un prestige persistant. Au point qu’une bibliophilie quasi généralisée a pu engendrer quelque agacement. En particulier chez ceux qui, épris de modernité, développent un discours technophile, exaltent l’adéquation de la littérature aux nouveaux médias et/ou pratiquent des formes pour lesquelles le livre n’est pas le support le plus adapté.

C’est à la « fin du livre » versant « poésie sonore » que cette réflexion s’attache. Centrée sur les œuvres fondatrices, de François Dufrêne, Henri Chopin et Bernard Heidsieck, attentive à l’absence d’univocité du discours, qui ne tient pas seulement au fait que les poétiques sont moins unifiées que le singulier la poésie sonore ne le laisse supposer, elle revient sur ce qui, en elles, manifeste – et justifie – le désir de sortie du livre, comme sur la persistance de publications papier. Aspirer à une fin du livre n’équivaut pas ici à rêver la disparition de l’objet : le medium ancien reste une possibilité non négligeable. Loin de toute biblioclastie, la fin espérée est celle d’une hégémonie ; celle de l’équation : poésie = littérature = livre(s) ; celle des mythologies et de la vénération fétichiste.


The question of “the end of the book” is fashionable, as are it all the speeches of the end. Nevertheless for more than a century than the Cassandres augur its death, the very traditional paper book, that should have expired the phonographic disk, the film movie, the radio, the television, the video, continues to serve as medium favored to the literary work. In the poetic field, especially, the object enjoys a persistent prestige. To the point that an almost generalized bibliophily was able to engender some annoyance. In particular to those who, in love of modernity, excite the adequacy of the literature to the new media and/or practise forms for which the book is not the most adapted medium.

This reflection fastens to the “end of the book” from the point of view of the “sound poetry”. Centered on the founding works, of François Dufrêne, Henri Chopin and Bernard Heidsieck, attentive to the absence of univocity of the speech, it returns on what, in them, shows – and prove – the desire of exit of the book, and on the obstinacy of paper publications. To wish the end of the book does not here amount to dream the disappearance of the object: the old medium remains a not insignificant possibility. Far from any biblioclasty, the expected end is the one of a hegemony; that of the equation: poetry = literature = book(s); that of the mythologies and the fetishist worship.


La question de « la fin du livre » est à la mode. Comme le sont, plus globalement, tous les discours de la fin : fin de l’Histoire, fin de l’Humanisme, fin de la Littérature. Stimulé par l’accélération des mutations technologiques, un imaginaire pessimiste voire apocalyptique qui confond la fin du livre avec celle de la littérature (quand ce n’est pas de la culture et de la civilisation) se donne libre cours. Le devenir numérique du livre, loin d’être pensé comme une mutation formelle comparable à celle qu’a déjà connue l’objet livre, du volumen au codex, puis au codex typographique, est perçu comme « synonyme de disparition », « le basculement […] dans le cyberespace » équivalant à une dissolution « dans le flux informationnel [1]. »

Soit.

Pourtant rien n’oblige à penser que le livre électronique doive remplacer le codex comme celui-ci l’a fait du volumen. Depuis plus d’un siècle que les Cassandre prophétisent sa fin, le très traditionnel livre papier, qu’auraient dû périmer le disque phonographique, le film cinématographique, la radio, la télévision, la vidéo, continue de servir de support privilégié à l’œuvre littéraire. À l’œuvre poétique, surtout. Dans le champ poétique en effet, où les œuvres circulent pour la plupart en marge des grands circuits de diffusion à travers un réseau atomisé de petits éditeurs et de microdiffuseurs, l’objet jouit d’un prestige persistant. Papier, couverture, format, caractères, spatialisation du texte, introduction de jeux chromatiques éventuels, toute la physique du livre requiert l’attention la plus aiguë. La plus amoureuse. La plus fétichiste. Au point qu’une bibliophilie aussi généralisée a pu engendrer quelque agacement. En particulier chez ceux qui, épris de modernité, développent un discours technophile, exaltent l’adéquation de la littérature aux nouveaux médias [2] et/ou pratiquent des formes pour lesquelles le livre n’est pas le support le plus adapté. Du côté de ce qu’il est convenu de nommer « poésies expérimentales », la fin de la « galaxie Gutenberg », le passage de la graphosphère – ou de la typosphère – à la vidéosphère ou ère électronique, à supposer qu’il ait lieu, prendrait plutôt des allures de libération.

On sait combien l’effort des avant-gardes historiques a visé à affranchir le poème des caractéristiques qu’il tirait en partie de son inscription dans le medium livre : séquentialité, linéarité, unidimensionnalité par exemple. On se souvient des recherches et des querelles qui se développèrent dans les années dix autour des notions de simultanéité ou de simultané, dont l’article d’Apollinaire « Simultanisme-librettisme » se fait l’écho et qui engendrèrent aussi bien les calligrammes que la Prose du Transsibérien de Cendrars et Sonia Delaunay, premier « livre simultané », qui, dans son édition originale, prend la forme d’une longue bande de 2 x  0,36 m, obéissant à un système de pliage semblable à celui des cartes routières et susceptible de s’afficher au mur comme un tableau. Sans oublier les poèmes-pancartes et les poèmes-affiches de Pierre Albert-Birot, écrits au pinceau et à l’encre de Chine noire sur papier d’Arches, ou peints en couleurs, qui, échappant à la linéarité et à la successivité du livre, s’accrochent sur les murs, s’exposent, si l’on veut. « Ode » est même conçu comme un « poème tournant » qu’Albert-Birot avait, selon son témoignage, peint sur une grande feuille façonnée en colonne de 2 m de haut et 80 cm de diamètre, laquelle, placée sur un plateau tournant, arrachait le poème au plan de la page.

Quant aux futuristes italiens, « ivres de dynamisme révolutionnaire et belliqueux », contempteurs des bibliothèques au même titre que du musée, leur conception de la poésie comme « reflet dionysiaque de la polyphonie des bruits, des couleurs et des formes de la ville [3]  » les pousse à dévaluer l’écriture, fixation réductrice de l’énergie vitale ou, plus justement, à chercher à la spatialiser, à la doter d’une matérialité nouvelle qui la libérerait de l’horizontalité et de la compacité normées du texte imprimé, telles qu’elles se sont imposées depuis Gutenberg. La négation futuriste du livre, « compagnon statique des sédentaires, des invalides, des nostalgiques [4]  », auquel étaient préférés le cinéma et les enseignes lumineuses, invite à privilégier les planches motlibristes, que leurs grandes dimensions conduisent à sortir du livre une fois dépliées, ou encore le poème-tableau et le poème-affiche. Bref des pratiques où le poème relève plutôt de la composition picturale. À la fin de la Première Guerre mondiale, Marinetti considère ainsi que le livre est définitivement dépassé comme support de la création motlibriste.

Pourtant, et bien qu’en 1933 encore, dans son manifeste Immensifier la poésie, Escodamé ait pu juger « absurde et avilissant que les mots des poètes soient enfermés dans les quelques centimètres carrés des revues, des livres et des journaux » et se soit complu à rêver de « poésies écrites sur les pages bleues du ciel par les panaches de fumée des aéroplanes », les futuristes, on ne l’ignore pas, ont parfois, dans les années vingt et trente, renoué avec l’écriture linéaire et opéré « un vaste retour au livre comme objet d’invention et d’amour [5]  ». Il est vrai qu’ils travaillent alors plutôt sur le modèle du livre-objet. Textes en version manuscrite, peinte ou dactylographiée, illustrés de collages, aquarelles, bois gravés. Insertion de feuilles volantes ou de feuilles de cellophane partiellement imprimées permettant des effets de surimpression, textures de papier différentes, découpage, perforation de la page, usage de l’aluminium, du papier d’argent ou du papier d’aluminium, du fer blanc, reliures au moyen de boulons : il s’agit d’introduire dans le monde du livre imprimé des matériaux issus de la civilisation technologique. Non de rejeter le livre au prétexte qu’il serait un support obsolète pour la création futuriste.

Si, dans les années dix, le motlibrisme et la « révolution typographique » prônés par Marinetti ont incité les futuristes à défaire la structure du livre et à bouleverser l’ordre de la page, si une tendance à la biblioclastie s’est parfois rencontrée dans les manifestes, quand le livre s’est constitué en symbole du passéisme, objet thanatique, « tombeau de l’élan vital, nécrose des passions [6]  », l’avant-garde italienne a donc pu aussi donner naissance à une nouvelle forme de bibliophilie. À un effort pour inventer un livre qui serait « l’expression futuriste de [la] pensée futuriste [7]  », au plus loin de « la conception idiote et nauséeuse du livre de vers passéiste, avec son papier à la main genre seizième siècle orné de galères, de minerves, d’apollons, de grandes initiales et de paraphes, de légumes mythologiques, de rubans de missel, d’épigraphes et de chiffres romains [8]  ».

Mais il y a, dans le vaste ensemble des poésies expérimentales, une tendance – à l’émergence de laquelle le futurisme a d’ailleurs contribué – qui semble s’accommoder fort mal d’une assignation à résidence dans le livre : celle qui s’est intéressée à la matière sonore de la langue, aux unités minimales de la syllabe et de la lettre, voire à la soufflerie corporelle et à tous les bruits non verbaux : poésie phonétique et, au-delà, poésie sonore.

Dès les années dix du XXe siècle, Henri Martin Barzun théorise sa propre conception du simultanéisme sous le nom de dramatisme et entreprend avec L’Orphéïde un « chant dramatique simultané ». Pierre Albert-Birot propose ses poèmes « à deux voix » ou « à trois voix simultanées » et son « Poème à crier et à danser ». Apollinaire se passionne pour les nouvelles techniques de son temps, le phonographe et le cinéma notamment, nouveaux moyens d’expression qui devaient, selon lui, offrir aux poètes « une liberté inconnue » ; et dans son célèbre poème, « La Victoire », il appelle à la création bruitiste, à la découverte de « nouveaux sons ». Du côté du Futurisme italien, Marinetti voit dans les planches motlibristes « de véritables partitions musicales qui exigent le déclamateur [9]  », Depero pratique l’« onomalangue », Russolo théorise L’Art des bruits. Enfin, Dada contribue activement à cette préhistoire de la poésie sonore. Hugo Ball lit au Cabaret Voltaire ses « vers sans mots », Karawane et Gadji beri bimba, Tristan Tzara, Richard Huelsenbeck et Marcel Janco y font entendre le « poème simultan », « L’amiral cherche une maison à louer » ; à Berlin, Raoul Hausmann récite, mime et danse ses poèmes de lettres ; Kurt Schwitters, de son côté, élabore à partir de 1922 sa Sonate de sons primitifs (Ursonate)

Dans les années cinquante quelques écrivains, d’abord isolés puis liés de sympathie même s’ils ne forment pas une école, vont proprement fonder ce que l’on a pris l’habitude d’appeler la poésie sonore. François Dufrêne, transfuge du lettrisme, Henri Chopin et Bernard Heidsieck. Trois écrivains qui, selon des modalités diverses, travaillent la langue et le bruit ; la langue comme bruit. Ou la voix comme matière. François Dufrêne, préférant ce qu’il appelle dans « Fausse route » la « criation de transes intranscriptibles » à la création, cherche à « faire chanter jusqu’à la viscéralité humaine [10]  ». Pour Henri Chopin, il s’agit de tirer parti des possibilités du corps comme machine à parler, comme « vaste usine à sons qui ne connaît aucun silence » dont la bouche est « le haut-parleur [11]  ». L’audio-poème se fait de souffles, de bruits de glotte, de chuintements salivaires enregistrés et amplifiés, superposés et démultipliés. Bernard Heidsieck en revanche travaille plutôt d’abord dans le sens de ce que Jean-Pierre Bobillot, qui lui a consacré une étude extrêmement documentée, appelle une « musication atomisée du texte [12]  », par radicalisation de procédés musicalisants connus, comme allitération, assonance, réduplications, mais aussi par étirements vocalique et consonantique qui produisent des effets de glissando, par décomposition syllabique (épellation), syllabes en liberté, aphérèses, apocopes, tmèses qui dissocient les éléments linguistiques. Puis, dépassant ce que Bobillot propose d’appeler la musiture, il intègre peu à peu à son poème des collages sonores.

Dufrêne, Heidsieck, Chopin : trois écrivains qui, assez rapidement, privilégient non plus le stylo ou la machine à écrire mais le magnétophone comme outil de travail. Non seulement comme instrument de transcription et de sauvegarde d’une effectuation orale du poème mais comme outil de création – ou, si l’on veut éviter les connotations religieuses inhérentes à ce terme, outil de composition. Bernard Heidsieck considère qu’avec le magnétophone est « né un nouveau stylo, une nouvelle machine à écrire, et qu’avec la bande magnétique, ce nouveau medium, pouvait et allait s’opérer un renversement à 180 degrés du texte, cela quant à sa facture et quant à sa transmission [13]  ».

Facture du texte, d’abord. Le microphone, la bande magnétique et, pour Heidsieck au moins, les ciseaux et la colle qui permettent d’intervenir directement sur la bande deviennent les véritables outils de ce qui n’est plus une écriture mais plutôt une auditure selon un autre néologisme proposé par Jean-Pierre Bobillot [14]. Qu’il s’agisse de faire entendre l’infra langue, la soufflerie, les bruits corporels, gargouillis, chuintements salivaires, toux, rires, tout ce qui résonne dans la cavité phonatoire ou de coller dans le poème des bruits extérieurs – bruits de rues, cris d’enfants, etc. – l’enregistrement direct est indiscutablement plus satisfaisant que le mime scriptural [15]. C’est d’ailleurs l’insatisfaction engendrée par les recherches de ses compagnons lettristes, lesquels, pour représenter les sons non alphabétiques, comme bruits de langue ou de glotte, soupirs, raclements ou toux, voulaient inventer de nouveaux signes graphiques, qui conduit Dufrêne à rompre avec le lettrisme et à recourir au magnétophone pour enregistrer ses Crirythmes, cessant de confondre, comme le faisait Isou, poème oral et écrit oralisable.

Du magnétophone, tous ne font pas, il est vrai, le même usage. Dufrêne, qui est pour Chopin « la voix pure […] sommet du poème phonétique » mais se révèle « maladroit [16]  » dans l’emploi de la machine, y recourt surtout comme à un moyen de fixer ses improvisations. Chopin, pour sa part, désireux de « traquer [sa] voix et les sons de la voix [17]  », en use d’une manière peu conventionnelle, qui a souvent été qualifiée de barbare parce qu’elle avait pour conséquence une détérioration rapide de l’instrument. Selon ses propres descriptions, il enregistre « microphone collé aux lèvres », allant même parfois jusqu’à placer l’objet dans sa bouche, voire à implanter un micro-sonde dans son estomac. Il réalise avec les premiers magnétophones dont il dispose des « superpositions manuelles en écartant à l’aide d’une allumette la bande magnétique de la tête d’enregistrement » et « atténu[e] la gravure du son vocal avec des feuilles de papier cigarettes posées salivairement sur cette tête [18]  ». Plus tard, il utilise les magnétophones à variateurs de vitesse et exploite toutes les possibilités offertes par les studios électro-acoustiques.

Quant à Heidsieck, dont le travail se fait tantôt solitairement à l’aide du seul magnétophone (il intègre alors les accidents et aléas dus à sa maîtrise, parfois insuffisante, de l’instrument), tantôt en studio avec toutes les ressources de l’appareillage électro-acoustique, il privilégie les inclusions d’éléments sonores étrangers, par intervention directe sur la bande magnétique selon la technique du collage, et joue de plus en plus des effets de mixage, du déroulement simultané de séries d’énoncés verbaux, parfois identiques ou de même nature, parfois différents voire totalement étrangers (un exposé de technique bancaire et des extraits de Poèmes-Partitions antérieurs, par exemple, dans B2B3), [19] ainsi que des échos, des réverbérations.

À partir du moment où le poème est élaboré, avec le magnétophone, comme une totalité qui non seulement tend à onomatopéiser la langue mais intègre des composantes verbales et non verbales – bruits corporels ou bruits citadins –, qui, en outre, amplifie, superpose, mixe, monte ces diverses composantes, le livre cesse d’être un moyen de conservation et de diffusion adéquat.

Les simultanéités qu’autorise l’enregistrement n’ont aucun véritable équivalent graphique possible. « L’œil, Heidsieck le rappelle après d’autres, ne lira jamais deux phrases à la fois » quand « l’oreille peut capter simultanément – et dans leurs nuances mêmes – une multitude de phénomènes [20]  ». Barzun dès les années dix avait tenté de remédier à cette impuissance en utilisant l’accolade pour indiquer sur la page la profération simultanée de plusieurs phrases ou sons. Mais Apollinaire déjà avait mis en évidence l’insuffisance du procédé, et cherché pour sa part du côté d’une nouvelle topologie un moyen de déjouer la successivité de l’écrit. Encore cette spatialisation n’est-elle pas une parfaite transposition graphique de la simultanéité sonore : La Poinçonneuse de Heidsieck pourra bien inscrire en verticalité ascendante et descendante les « Arrivées et départs de rames de métro » qui doivent s’entendre en bruit de fond dans ce Passe-partout, cela n’empêchera pas l’œil de déchiffrer en successivité le discours du narrateur et ce que l’on peut considérer comme une didascalie.

De surcroît, comme le remarque Chopin, « l’écrit ne peut décrire le sonore, sinon avec des impressions reçues, ce qui est approximatif [21] ». Quant à le nommer… l’inscription « cri d’enfant » assortie d’une transcription onomatopéique « hiiiiiiiiiiiiiiIIII » restituera-t-elle jamais adéquatement l’effet contradictoire de rupture et de cohésion qu’opère le cri proféré entre la séquence initiale du poème-partition « J » de Bernard Heidsieck [22], averbale, et un premier segment verbal, soit entre un ensemble d’éléments captés à l’extérieur, que la partition présente comme « bruits de la rue […] grisaille sans voix ni bruit particulier prédominante », et le mot « grise » démesurément étiré – au point d’en devenir difficilement reconnaissable. Sans doute, la parenté visuelle des éléments graphiques « hiiiiiiiiiiiiiiIII » et « griiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiise » permet-elle de saisir la proximité sonore entre le cri et le mot que son noyau vocalique allongé transforme en une sorte de mot-bruit ; sans doute est-il possible de faire varier typographiquement l’étirement vocalique dans la notation de l’onomatopée en passant du bas de casse aux capitales, et d’opposer ainsi sur la page la modulation criée à la profération atone du mot « grise » ; mais comment faire percevoir le contraste de l’aigu et du grave, de la stridence et de la matité qui s’impose à l’audition de l’enregistrement ? Pour rendre sensible la « présence sonore de la matière », ce que Chopin nomme par référence à Barthes « le “grain” […] des sons et de la voix » ou encore « le physique sonore [23]  », la page du livre, qui autorise seulement l’imitation approximative de ce que d’autres moyens techniques permettent de prélever à même le réel et de coller directement dans le poème, n’est pas le vecteur le mieux adapté.

Inadéquate au poème sonore, elle ne peut plus être qu’une partition. C’est d’ailleurs ainsi que la pensent explicitement les premiers « Poèmes-partitions » de Bernard Heidsieck, au titre révélateur. Et c’est encore ainsi que la nomme Chopin lorsqu’il précise en 1966 que « depuis trois ans, [il] ne pren[d] plus la peine d’écrire des partitions [24]  ».

Partition, la page l’est en ce qu’elle fixe simplement des indications de lecture concernant par exemple le rythme ou la hauteur de ton, les ruptures, les silences et indique éventuellement les bruits qui entrent en relation avec la voix. Encore faut-il préciser qu’elle n’est pas, contrairement à la partition musicale, destinée à un interprète. Pour exister vraiment le poème-partition de Heidsieck doit, comme le crirythme – Dufrêne – et l’audio-poème – Chopin –, être projeté hors de la page et du livre par le poète lui-même qui l’exécute dans le cadre d’une performance, à voix nue ou assistée du magnétophone, publique ou réalisée en studio. Significativement, le support papier de cette dernière, quand il existe, n’est plus un support livre et présente même des particularités intéressantes de format qui peuvent le différencier violemment de la page de codex. Ainsi la très longue bande de papier sur laquelle s’inscrit Vaduz et que Heidsieck déroule au fur et à mesure lors de la lecture publique, qui s’accumule en boucles et plis sur le sol autour de lui, n’a plus rien à voir avec le format du codex typographique. Ni même, bien que le poète use du terme de « papyrus » pour la désigner, avec l’antique volumen au déroulement horizontal. S’il fallait chercher une parenté plastique sans doute serait-elle plutôt à trouver avec la bande magnétique ou la pellicule filmique dont elle a la longueur, l’étroitesse et la souplesse. La structure usuelle du livre est bien loin. La bande qui se déroule renvoie à d’autres media, plus satisfaisants comme moyens de diffusion d’une poésie conçue pour être entendue.

D’ailleurs la sortie du livre est revendiquée – parfois de manière tranchante – par les fondateurs de la poésie sonore. Quand François Dufrêne lance « Vite : Hors de page ! », quand il identifie ce qu’il appelle en jouant sur les mots les « faibles caractères » de la typographie à des « morts dorés », quand il enjoint « et, Gutenberg, que tes plombs sautent [25] », le rejet du livre, lié au rejet de l’alphabet typographique, conçu comme un carcan pour le poème phonétique, ne fait guère de doute. Il en va de même quand Heidsieck, activant d’autres métaphores, affirme son désir d’« un poème debout dressé les pieds sur la page [26] », ce qui oppose implicitement le corps actif de la performance live au corps typographique qui permet, comme le dit si bien la langue, de coucher le poème sur la page. Pour lui, nulle hésitation : « [l]a poésie écrite n’a plus lieu d’être […] la poésie doit se hisser hors de la page, se déraciner de ce terrain mort [27] ». Chopin en serait d’accord, à qui il est arrivé d’écrire, en 1966, « une caresse, à elle seule, vaut mieux que le livre des livres [28] », nouvelle formulation de l’opposition implicite entre le corps biologique, ici amoureux et sexué, et le corps typographique qui désindividualise et abstrait le premier.

Ce rejet du livre peut se fonder dans des considérations pragmatiques. Pour Bernard Heidsieck tout part d’une publication personnelle (un petit livre chez Seghers, Sitôt dit, en 1955) qui lui inspire un certain nombre de considérations sur la circulation de la poésie, ou, pour dire les choses plus précisément, enclenche une critique du mode de diffusion de la poésie ; et, au-delà, de son statut social. Le constat initial est celui d’une faible circulation – pour ne pas dire d’une circulation nulle – qui tient non seulement à l’enlisement du poème dans des voies sans issue quand celui-ci s’obstine à « se gargaris[er] encore de Résistance », à « se “surréaliser” encore », à « sombr[er] dans une inflation d’images ou […] cherch[er] à se terrer dans les ultimes replis du papier », mais encore à l’enfermement du texte dans les pages du livre où, « couch[é] » par l’imprimerie, il ne peut que « roupiller [29] », dans l’attente d’un hypothétique lecteur, qu’il est bien incapable d’aller chercher. L’édition poétique contribue donc à la marginalité socio-politique de la poésie que son existence livresque confine dans une sorte de ghetto culturel, une « Tour d’ivoire » où elle s’isole du monde qui l’entoure, se privant de toute possibilité d’agir sur lui. En conséquence, il y a, selon Heidsieck, un « urgent besoin de sortir le poème de sa passivité », « de lui faire faire sa rentrée dans le monde », « de lui faire assumer, enfin, à nouveau, les risques directs de la communication, instantanée, physique, aléatoire [30] ». Soit un urgent besoin de s’emparer des nouveaux médias électro-acoustiques. De s’approprier les vertus de ces nouveaux supports et d’en affronter les dangers. D’occuper en outre de nouveaux lieux d’expression : studio, scène, salle d’écoute. Ce faisant, la poésie, qu’elle se montre fidèle à sa vocation révolutionnaire ou se mette simplement « au diapason ambiant d’un phénomène de civilisation “de masse” surgissant [31] », relèvera enfin, en acceptant les ressources de la technologie et la communication de masse, le défi de son époque. Il y a lieu de l’en féliciter.

Mais ce n’est pas toujours la seule conscience d’une inadéquation du livre au monde contemporain qui fonde l’appel à une autre poésie, sortie des pages du codex. Henri Chopin déplore, sans nul doute, que « l’homme littéraire » méconnaisse « nos nouveaux media, visuels, sonores, écrits, radiophoniques et filmiques [32] » ; il souhaite que la poésie, acceptant « la naissance effective des fusées – allant de pair avec celle des magnétophones [33] », se libère de l’écriture, donc du livre, qu’il voue, semble-t-il, à l’obsolescence. Comme Bernard Heidsieck, il met en effet l’accent sur l’inadaptation du livre à la société contemporaine. Il constate ainsi que le monde change, que le rythme de vie s’accélère et que le livre, qui impose de « réfléchir », de « connaître le calme », d’« être disponible », toutes conditions qui « ne sont guère celles du siècle entier [34] », n’est que le vestige d’un mode de vie en voie de disparition. Désuet, dépassé, insuffisant, dans ses médiocres capacités de diffusion, il devrait en conséquence être remplacé par d’autres médias : le disque et la cassette, qui seuls donneront au poème les moyens d’affecter le public de son temps. Mais dans ses propos s’entend aussi parfois un refus plus radical de la civilisation de l’écrit, lequel est lié par lui aux « religions, États et chapelles ». Il lui arrive en effet de s’insurger contre l’ordre imposé par le Verbe. Ce dernier terme, alors chargé de résonances négatives, paraît désigner la parole articulée en mots (les verba latins), indifférente aux unités de segmentation inférieures comme la lettre, la syllabe, le phonème, indifférente aussi à tous les bruits de bouche et, plus largement, à tous les bruits corporels ; la parole, disons, en ce qu’elle n’est qu’un possible de la voix et pas forcément l’essentiel, elle qui énonce au lieu de sonner. Et sans doute aussi la parole en ce qu’elle est transmissible par l’écriture typographique. Car malgré la trop célèbre proclamation des Évangiles, le Verbe, dans la pensée de Chopin, paraît s’être fait livre plutôt que chair. Devenir qui le rend complice du didactisme et de l’idéologie. Ce Verbe, parfois dûment majusculé, où s’entend alors quelque chose de l’équation hugolienne « Car le Mot c’est le Verbe, et le Verbe, c’est Dieu », s’identifie à une puissance de coercition. Le mot, en somme, menace toujours, selon Chopin, de se figer en mot d’ordre. Parce qu’il impose la tyrannie du sémantisme ? Probablement. Et sans doute, de la Bible à Mein Kampf, celle de tous les pouvoirs constitués. « [M]ensonge qui s’abolit lui-même sur le papier [35] », mais qui dans cette abolition conserve – ou conquiert – un pouvoir jugé proprement destructeur (« Je ne supporte plus d’être détruit par le Verbe [36] », note l’inventeur de l’audio-poème), le Verbe, privé de la labilité de la voix, véhicule dans la compacité du codex les discours formés des idéologies ; privé de corporalité, il s’abstrait dans la régularité normée des signes typographiques. Aussi faut-il en sortir. Sortir du Verbe « tout juste bon à donner des ordres, des impératifs [37] ». Soit sortir du livre, inapte à véhiculer les microparticules vocales, les souffles, les borborygmes, pour retrouver par l’intermédiaire de la machine (le magnétophone et, par la suite, toutes les techniques de la composition électro-acoustique) la matérialité sensible du corps et « faire un langage qui soit [sa] sueur, [ses] nerfs, [ses] peaux, [ses] sens, [ses] rires, [ses] amours fabuleuses qui disent qu’[il est] vivant [38] ».

De manière significative, Henri Chopin qui dirige à partir de son troisième numéro la revue Cinquième Saison, fondée en 1957 par Raymond Syte et assez vite orientée vers une recherche poétique et picturale que l’on a pu placer sous le signe du concrétisme, éprouve le besoin, en 1964, d’en faire une revue sur disques, OU-Cinquième Saison qui devient OU à partir du numéro 36/37, en 1970. « Avec la revue OU, remarque-t-il, en règle générale nous quittons les “folios” ordinaires à toutes publications ; il n’était plus de notre propos de suivre les lignes, lignes après lignes composées, d’obéir aux lectures de textes […] il y avait au contraire l’objet, l’objectif, la vision “poésie sonore” […] L’emploi de matériaux nouveaux et techniques du jour me conduisait à faire sortir les pages de leurs brochures : car, à poésie éclatée et éclatante il fallait un véhicule lui-même éclaté ».

Sans renoncer complètement à prendre une forme papier, OU, première revue expressément faite pour échapper à l’enfermement dans le livre, propose en ses quatorze numéros un ensemble composite de disques, de textes et d’images. Les disques – 25 cm pour la plupart –, enregistrements de Dufrêne, Heidsieck, Gysin, Chopin, Rotella, Novak, etc. et même, spécialement réalisé par lui pour la revue, celui des poèmes phonétiques de Raoul Hausmann – en font une véritable anthologie de la poésie sonore ; les textes mêlent les poèmes – futuristes, phonétiques, concrets, graphiques, parfois en version manuscrite – et les bilans critiques, comme la « Lettre aux Musiciens Aphones » ou « Il faut bien rire un peu » de Chopin ; la composante iconographique, dont participe pleinement la poésie concrète et graphique, inclut des collages, des affiches et posters, des jeux d’enveloppes de Ben, des dessins. S’il arrive à Chopin de désigner un numéro de OU par le terme de livre, cette désignation ne doit donc pas masquer la spécificité d’un objet qui, « presque jamais broch[é] », limité à sa fonction de contenant, n’est pas sans parenté avec la boîte des artistes Fluxus qui comprend également des composantes étrangères au papier imprimé, collages originaux, disques, bandes magnétiques. Un objet qui reflète les amitiés et les affinités entre les poètes sonores, eux-mêmes parfois engagés dans une pratique plastique, et un certain nombre d’artistes de leur temps, Gianni Bertini, James Guitet, Paul Gette par exemple, lesquels ont réalisé les couvertures de la revue et élaboré pour elle des œuvres originales, parfois d’assez grand format (50 x 25 cm ou 75 x 50) exigeant l’emploi de dépliants.

Significative des points de convergence entre poésie sonore et arts plastiques, la contribution des peintres répond aussi à un souci de rentabilité financière. Les tirages de la revue comprennent toujours « un exemplaire “A” avec les originales, 10 exemplaires de luxe enrichis [par les artistes et poètes présents dans le numéro], 10 petits luxes signés […], 4 HC et le tirage [39] ». Les exemplaires « A », les exemplaires de luxe et les petits luxes, qui ambitionnent de toucher une clientèle de bibliophiles sont pensés comme un moyen de financer la revue – en particulier l’édition des disques. Et, de fait, selon le témoignage de Chopin, cela « a fait que la revue OU, curieusement, au lieu d’être en déficit, a été un succès immédiat. Des médecins, des bibliophiles, des chercheurs, des mathématiciens sont venus pour l’acheter. Ils avaient enfin quelque chose de nouveau, ils avaient une poésie à voir, à écouter, et aussi l’objet [40] ».

Reste que la dualité de support n’appartient pas en propre à la revue OU. Pour la plupart, les productions des poètes sonores connaissent une double diffusion, par le livre et par le disque, le second – support de l’œuvre véritable – généralement inclus dans le premier – qui en contient ou non la partition. C’est que, bien qu’ils aient eu le désir d’accroître la perméabilité des frontières entre les arts, refusant en particulier « le divorce absurde qu’il y avait entre la poésie et la musique [41] », et même si certains d’entre eux ont utilisé les mêmes techniques que les musiciens – par exemple lors des enregistrements au Studio de la radio suédoise ou du Centre Fylkingen  –, les premiers poètes sonores n’ont jamais souhaité dissoudre complètement la poésie dans la musique.

Sonores, soit, mais poètes.

Or les habitudes sont tenaces. Ces poètes ont beau chercher à délier la poésie de la littérature, elle n’en reste pas moins, pour la plupart des autres créateurs, pour les critiques, chroniqueurs et universitaires, pour les bibliothécaires et pour les libraires, un secteur, aussi périphérique soit-il, du champ littéraire. En conséquence, les habitudes ou, si l’on veut, la mythologie, l’idéologie attachées au livre ayant la vie dure, pour exister dans ce champ, il faut publier des livres. C’était vrai dans les années cinquante et soixante où la France demeure, comme l’écrit B. Heidsieck, « fascin[ée] par la chose écrite et la fixité de l’imprimé [42] ». C’était encore vrai dans les années quatre-vingt-dix. Philippe Castellin, revenant sur cette époque dans un essai de 2008, fait ainsi remarquer que les CD ou DVD accompagnant les numéros de DOC(K)S, la revue lancée par Julien Blaine dont il a repris la direction en 1991, « étaient peu “regardés”, peu “mentionnés” par les critiques qui […] faisaient la recension du numéro dans tel ou tel journal. Comme si ces objets n’existaient pas, ou, dans le meilleur des cas, comme s’ils figuraient comme “complément-cadeau”, un gadget à la Pif le Chien, bonus inclus [43]  ! » À en croire de telles déclarations, le prestige de l’objet livre, pour ne pas dire, comme le fait Castellin, le fétichisme du livre, persiste même dans un monde pourtant de plus en plus nettement dominé par l’audio-visuel. À tout le moins, le lien de la poésie au Livre se dénoue mal.

Ainsi les poètes sonores, tout en considérant que « le temps de l’écrit vain est une page tournée [44] », ont dû accepter de se faire un peu écrivains. De faire un peu l’écrivain. À leur corps défendant, peut-être (ce corps auquel ils avaient voulu rendre toute sa place en restituant toutes les nuances de la voix, en faisant entendre les sons qu’il ne cesse de produire, en le donnant à voir lors des performances live auxquelles tous ont conféré un rôle majeur). Mais aussi et surtout dans la conscience que le livre papier, s’il offre moins que l’enregistrement audio en ce qu’il ne rend que très imparfaitement compte du poème dont il ne peut donner à lire que la partition, offre aussi autre chose en plus. Il donne au poète sonore l’occasion d’accompagner son poème – présent sur disque et/ou sous forme de partition – de commentaires, de notes et de gloses, voire de documents. Henri Chopin reconnaît d’ailleurs que, s’il a fallu « quitt[er] le médium ancien : le livre » pour s’approprier les voix, il n’était pas inintéressant de « conserver celui-ci pour dire le pourquoi et le comment des analyses de la voix et de la vie [45] ». Bref le livre, medium analytique, reste un support efficace pour l’exposé critique, théorique, programmatique. Et, de ce fait, un outil non négligeable pour légitimer la poésie sonore, très souvent rejetée aux marges du champ, voire expulsée de celui-ci. En témoigne exemplairement l’essai de Chopin, Poésie sonore internationale, publié en 1979, fruit de nombreuses années de travail, véritable défense et illustration des pratiques qu’il rassemble sous l’étiquette-titre, à la fois constitution d’une histoire et cartographie d’un territoire au présent.

De surcroît, il n’est pas exclu que quelque nostalgie du codex typographique se mêle à la volonté de sortir la poésie du livre. En particulier s’agissant d’Henri Chopin, qui alterne romans, dactylopoésie et poésie sonore. Interrogé par Anne Moeglin-Delcroix sur le fait qu’il fait encore des livres et même des livres très soignés (belle typographie sur papier de qualité), Henri Chopin répond qu’il « aime l’écriture, fabuleuse voie des pensées, des civilisations […] et [qu’il] aime l’Imprimerie, la Typographie que l’on devrait conserver, les papiers, le bien fait, la jouissance physique du beau [46] ». Bibliophilie avouée, donc, qui interdit d’identifier sans nuance les poètes sonores à ces « biblioclaste[s] de gauche » que, dans ses « Notes sur une possible fin des livres », Jean Clair oppose en 1974 aux « biblioclaste[s] de droite », ceux-ci brûlant le livre « par peur de la parole qu’il contient » tandis que les premiers le brûlent « pour libérer la parole qu’il détient [47] ». S’ils ont pu parfois, en jouant de l’opposition horizontalité vs verticalité, identifier l’inscription du poème dans le livre à un sommeil voire une mort, s’ils ont voulu retrouver la « vive voix » et, pour cela, confier le poème à de nouveaux médias, plus en accord selon eux avec le monde contemporain, ils n’ont jamais souhaité la disparition radicale du livre. Pas plus qu’ils n’ont rêvé, à la manière futuriste, l’incendie des bibliothèques.

Ainsi, même les poètes sonores, qui semblent pourtant devoir non seulement s’accommoder d’une fin du livre mais la désirer et travailler à son avènement, ne tiennent pas à ce propos un discours univoque. Et pas simplement parce que leurs poétiques sont moins unifiées que le singulier la poésie sonore ne le laisse supposer (Dufrêne n’est pas Chopin, qui n’est pas Heidsieck, qui n’est pas Dufrêne). Si, bien entendu, aucun d’entre eux ne se crispe sur une nostalgie morose et technophobe, aucun n’est pour autant un biblioclaste résolu, technophile béat, appelant de ses vœux un monde délivré de l’obsolète et tyrannique codex typographique. La fin à laquelle ils aspirent n’est pas celle de l’objet, le medium ancien restant pour eux une possibilité non négligeable. C’est celle d’une hégémonie ; celle de l’équation : poésie = littérature = livre(s). Celle des mythologies, de la sacralisation, de la vénération fétichiste qui fait dans chaque livre se profiler l’ombre du Livre, réceptacle de la parole divine. Transformant le livre, « hier véhicule absolu [… en] un véhicule relatif », « un instrument parmi d’autres instruments [48] », cette fin-là est une fin heureuse. Elle inaugure « un certain usage contemporain du livre. Envisagé de manière non “religieuse”, pris comme support d’enregistrement parmi d’autres, délivré de l’idéologie du texte [49] ».

Notes

[1] P. Mounier, « Le livre et les trois dimensions du cyberespace », dans M. Dacos (dir.), Read/Write Book. Le livre inscriptible. Nouvelle édition [en ligne]. Marseille, OpenEdition Press, 2010. Disponible en ligne ici.

[2] L’orthographe du mot, conforme à l’origine latine ou francisée, est variable. J’opte pour la forme francisée lorsqu’il s’agit de désigner un moyen de diffusion massive de l’information, réservant la graphie latine pour désigner en général un support ou un moyen d’expression. Dans les citations, la graphie du texte d’origine est toujours respectée.

[3] G. Lista, « Entre dynamis et physis ou les mots en liberté du futurisme », dans Poésure et peintrie, d’un art l’autre, Réunion des Musées nationaux/Musées de Marseille, 1993, p. 48.

[4] Manifeste de la cinématographie futuriste, 1916, dans G. Lista, Futuristie. Manifestes, documents, proclamations, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1973, p. 297.

[5] G. Lista, « Entre dynamis et physis ou les mots en liberté du futurisme », art. cit., p. 62.

[6] G. Lista, Le livre futuriste. De la libération du mot au poème tactile, Modena, Éditions Panini, 1984, p. 8.

[7] F. T. Marinetti « L’imagination sans fils et les mots en liberté », 1913, dans Poésure et peintrie, op. cit., p. 494.

[8] Ibid.

[9] Cité par G. Lista, Le livre futuriste. De la libération du mot au poème tactile, op. cit., p. 41.

[10] F. Dufrêne, « Pragmatique du crirythme », OU, n° 28-29, 1966.

[11] H. Chopin, « La poésie sonore », dans Le Grand Atlas des littératures, Paris, Encyclopædia universalis, 1990, p. 114 et p. 115.

[12] J.-P. Bobillot, Bernard Heidsieck. Poésie action, Paris, jeanmichelplace, 1996, p. 51. Pour approcher la poésie sonore, les travaux de J.-P. Bobillot sont indispensables. Cet article leur doit beaucoup.

[13] B. Heidsieck, Nous étions bien peu en…, onestarpress, 2001, n. p. En ligne ici.

[14] Pour la définition des concepts d’auditure et de musiture, déjà présents dans Bernard Heidsieck. Poésie action, op. cit., voir « Quelques définitions » dans J.-P. Bobillot, Poésie sonore. Éléments de typologie historique, Reims, Le clou dans le fer, « Éléments », 2009, p. 66-68.

[15] À preuve, par exemple, les enregistrements du crirythme de F. Dufrêne, « Paix en Algérie » : ici et de l’audio-poème d’H. Chopin, « Vibrespace » :  ici.

[16] H. Chopin à J. Donguy, « Entretien avec Henri Chopin » (juin 1992), dans Poésure et peintrie, op. cit., p. 369.

[17] H. Chopin, « Au-delà des dadaïsmes, surréalismes et tous autres isthmes par des forces d’amour », 1966, ibid., p. 548.

[18] H. Chopin, Les Portes ouvertes ouvertement, Voix, 2001, p. 65-66.

[19] Un enregistrement est disponible sur le site du cipM : ici.

[20] B. Heidsieck, Nous étions bien peu en…, op. cit.

[21] H. Chopin, – & +, Voix/Richard Meier, 1993, n. p.

[22] On peut en entendre une interprétation à l’adresse suivante : ici.

[23] Ibid.

[24] H. Chopin, « Au-delà des dadaïsmes, surréalismes et tous autres isthmes par des forces d’amour », art. cit., p. 549.

[25] F. Dufrêne, « Le lyrisme est ce qui nous chante », Bizarre, n° 32/33, décembre 1961. Cité dans Poésure et peintrie, op. cit., p. 282.

[26] B. Heidsieck, « Pour un poème, donc, debout dressé les pieds sur la page », 1961. Texte manifeste écrit pour l’exposition de Jean Degottex à la Galerie internationale d’art contemporain, à Paris.

[27] B. Heidsieck, Notes convergentes. Cité par J.-P. Bobillot, Bernard Heidsieck. Poésie action, op. cit., p. 21.

[28] H. Chopin, « Au-delà des dadaïsmes, surréalismes et tous autres isthmes par des forces d’amour », art. cit., p. 548.

[29] B. Heidsieck, Nous étions bien peu en…, op. cit.

[30] B. Heidsieck, cité par J.-P. Bobillot, Bernard Heidsieck. Poésie action, op. cit., p. 37.

[31] B. Heidsieck, Nous étions bien peu en…, op. cit.

[32] H. Chopin, Lettre à Anne Moeglin-Delcroix du 16 octobre 1992, citée dans A. Moeglin-Delcroix, Le livre d’artiste 1960/1980, Paris, jeanmichelplace / Bibliothèque nationale de France, 1997, note 100, p. 88.

[33] H. Chopin, Poésie sonore internationale, Paris, jeanmichelplace, 1979, p. 054.

[34] H. Chopin, « La destruction du livre », Art vivant, n° 47, mars 1974, p. 18.

[35] H. Chopin, « Pourquoi suis-je l’auteur de la poésie sonore et libre », Artes hispanicas, no 3-4, 1968. Repris dans Poésure et peintrie, op. cit., p. 557.

[36] Ibid.

[37] H. Chopin, « Au-delà des dadaïsmes, surréalismes et tous autres isthmes par des forces d’amour », art. cit., p. 548.

[38] H. Chopin, ibid.

[39] H. Chopin, À propos de Ou-Cinquième Saison, 1958-1974, un quart de siècle d’avant-garde, Tielt, E. Veys, 1974, n. p.

[40] H. Chopin à J. Donguy, « Entretien avec Henri Chopin » (juin 1992), art. cit., p. 369.

[41] H. Chopin, – & +, op. cit.

[42] B. Heidsieck, Nous étions bien peu en…, op. cit.

[43] Ph. Castellin, Update !, Limoges, Dernier Télégramme, 2008, p. 9.

[44] H. Chopin, « Petites notes pour Danaé », Cahiers Danaé, 1987, p. 79.

[45] H. Chopin, – & +, op. cit.

[46] H. Chopin, Lettre à A. Moeglin-Delcroix citée dans A. Moeglin-Delcroix, op. cit., p. 90.

[47] J. Clair, « Notes pour une possible fin des livres », Art vivant, no 47, mars 1974, p. 5.

[48] H. Chopin, « La destruction du livre », art. cit, p. 18.

[49] Ph. Castellin, Update !, op. cit., p. 22.

Bibliographie

Pour plus de précisions, consulter les « Éléments phono-vidéographiques (sélectifs) » et les « Éléments bibliographiques (très-sélectifs) » dans Jean-Pierre Bobillot, Poésie sonore. Éléments de typologie historique, références infra.

BOBILLOT Jean-Pierre, Bernard Heidsieck. Poésie action (avec un CD), Paris, jeanmichelplace, 1996.

— Poésie sonore. Éléments de typologie historique, Reims, Le clou dans le fer, « Éléments », 2009.

CASTELLIN Philippe, Update ! (avec un CD), Limoges, Dernier Télégramme, 2008.

CHOPIN Henri, « La destruction du livre », Art vivant, no 47, mars 1974, p. 18.

— À propos de Ou-Cinquième Saison, 1958-1974, un quart de siècle d’avant-garde, Tielt, E. Veys, 1974.

— Poésie sonore internationale, Paris, jeanmichelplace, 1979.

— « La poésie sonore », dans Le Grand Atlas des littératures, Paris, Encyclopædia universalis, 1990, p. 114-115.

—  – & +, Voix/Richard Meier, 1993.

Les Portes ouvertes ouvertement, Voix, 2001.

CLAIR Jean, « Notes sur une possible fin des livres », Art vivant, no 47, mars 1974, p. 4-5.

HEIDSIECK Bernard, Nous étions bien peu en…, onestapress, 2001, disponible en ligne ICI.

— La Poinçonneuse (avec un CD comprenant l’intégralité de l’enregistrement), Romainville, Al Dante, 2003.

OU (4 CD + livret), rééd. Milan, Alga Marghen, 2002.

Poésure et peintrie, d’un art l’autre, catalogue de l’exposition tenue au Centre de la Vieille Charité à Marseille, du 12 février au 23 mai 1993, Réunion des Musées nationaux/Musées de Marseille, 1993. En particulier : « Entretiens » réalisés par Jacques Donguy, p. 337-479 ;« Anthologie 1897/1990 », textes réunis par Jacinto Lageira, p. 483-591.

Auteur

Catherine Soulier est Maître de conférences de littérature française à l’université Paul-Valéry à Montpellier et membre du laboratoire RIRRA21. Elle travaille sur la poésie contemporaine, notamment sur l’oeuvre de Jean Tortel.

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