Entre saturation et surrection visuelle : la parole poétique comme événement dans Les Films du monde de Frank Smith


Avec Les Films du monde, Frank Smith interroge les conditions de possibilité d’une expression poétique dans un environnement médiatique et numérique qui en proscrit l’idée. Cet article se propose d’analyser le geste à l’œuvre dans cette série indissociablement filmique et poétique. La poésie se formule conjointement en phrases et en images, et se comprend en amont de toute opération technique comme une forme de montage, dont le premier acte consiste à ouvrir radicalement des images empruntées à des plateformes de partage saturées d’information, pour en faire le lieu d’expression d’un possible.

In Films du monde, Frank Smith addresses the conditions of possibility of a poetical expression in a digital media environment that seems to refuse it. This article aims to expose the gesture operating in this cinematographic and poetical serie. Poetry takes the form of both words and images. As an editing gesture this specific poetry consists in radically enhancing images found on streaming platforms like YouTube and transforms them in a genuine expression of the possibility of an event.


Texte intégral

Comment concilier le caractère libre et gratuit selon lequel se déploie spontanément l’activité poétique, avec la dimension programmatique et séquentielle des technologies numériques, où rien ne peut advenir que ce à quoi les machines auront été préalablement accordées ? Poésie et technologies numériques ne sont-ils pas deux régimes d’expression ou de reprise du réel au plus loin l’un de l’autre ? Répondre par l’affirmative à la question procède peut-être d’une mécompréhension ou d’une surdétermination de ce que l’on appelle communément « le numérique ».

Dans un article au titre volontairement provocateur : « L’art numérique n’a pas eu lieu », Patrice Maniglier cherche à défaire une équivoque, qui consiste à considérer le numérique comme un espace technique particulier, lequel permettrait de distinguer parmi les pratiques artistiques celles qui relèvent du numérique et celles qui lui sont étrangères. Toute pratique est potentiellement numérique, donne à penser l’auteur, car le numérique est devenu un horizon possible de toute réalité :

Le numérique n’est pas une région particulière de la réalité : c’est l’horizon dans lequel toute la réalité peut être réinterprétée. Ce n’est pas une sous-partie de l’étant, mais une proposition d’être […]. Rien n’est en soi numérique, mais tout peut le devenir – ou, du moins, il est impossible de dire a priori que quelque chose ne peut pas le devenir [1].

Et rien n’empêche de penser la poésie comme geste à même de se déployer dans un tel horizon.

Mais ceci étant posé, il convient de préciser ce que devient le geste poétique quand il s’inscrit dans une telle dimension « virtuellement toujours ouverte [2] », comme y invite encore Patrice Maniglier. Envisager une poésie numérique, c’est donc réinterroger le comment du geste poétique en contexte contemporain. Qu’arrive-t-il à la poésie, mais aussi que nous arrive-t-il par la poésie, quand celle-ci veut se traduire dans l’horizon du numérique ? Avec Les Films du monde, Frank Smith tente une réponse en acte à cette question vertigineuse. Le numérique est présent à l’écriture qui s’y déploie, non seulement comme outil, mais aussi comme moyen pour elle d’accéder au monde qu’elle cherche à dire.

1. Retrouver le sens de la fêlure

Les Films du monde est une série de cinétracts (au nombre de 50 + 1) réalisés suivant un dispositif systématique : un numéro, une date et un lieu [3] marquent un épisode, sinon un événement, qu’une séquence vidéo de quelques minutes et de courts textes entrant en collision avec elle cherchent à circonscrire. « Un événement est ce qui vient de se passer / et ce qui va se passer / jamais ce qui passe » dit Frank Smith [4]. Si l’image ne peut venir qu’après coup documenter une situation, un événement qui vient de se passer, l’écriture peut quant à elle tenter de dire ce qui n’est pas encore arrivé, ou ce qui ne s’est pas encore manifesté dans ce qui est arrivé. Écrites sur un écran noir ou lues en off, parfois selon un principe de redoublement de la voix par l’écrit [5], les phrases sont nécessaires pour donner à voir ce qui, dans les événements et ruptures qui émaillent la série des Films du monde, n’a pas encore eu lieu, ou dont le sens intime reste attaché à l’événement, mais y demeure à l’état latent. « L’événement n’est pas ce qui arrive (accident) », écrit en ce sens Gilles Deleuze, « il est dans ce qui arrive le pur exprimé qui nous fait signe et nous attend [6] ». Comme le nom propre de ce jeune homme, Pateh Sabally, que rappelle le cinétract 24, suicidé par noyade dans la lagune de Venise le 22 janvier 2017, sous le regard indifférent, les plaisanteries et les insultes racistes de touristes italiens [7].

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Doc. 1 et 2 – Les Films du monde, Franck Smith, cinétract 24

Les Films du monde déplient ainsi une série de textes poétiques pour approcher quelque chose que des images numériques trouvées ici et là sur les réseaux sociaux ont imprimé, mais qui peine pourtant à se manifester. Par cette écriture multimédiale qui fraie à travers la masse étouffante d’informations que proposent les plateformes comme YouTube, il s’agit de retrouver la possibilité d’une sidération. Il appartient à la poésie d’opérer des fouilles dans cette matière visuelle qui nous inonde quotidiennement, selon une fréquence telle que nous finissons par ne plus la voir et par ne plus entendre la violence pourtant inhérente aux situations qu’elle documente souvent. Les images sont celles d’un monde en ruines, qui appelle une archéologie malgré son caractère extrêmement contemporain :

Chercher concerne essentiellement les signes. Chercher, c’est d’abord considérer une matière, un objet, un être, comme s’ils émettaient des signes à déchiffrer, à interpréter. Il n’y a pas d’enquêteur qui ne soit l’égyptologue de quelque chose [8].

Ce quelque chose que cherche à déchiffrer Frank Smith, c’est un monde disparu dans l’excès même de ses manifestations numériques et médiatiques, où les images s’effacent ou se chassent constamment les unes les autres. Cette « matière naufragée », comme l’écrit Walter Benjamin à propos des objets de collection[9], appelle notre considération, c’est-à-dire notre attention, mais aussi, d’une certaine manière, notre estime. Comment rendre les images de migrants naufragés ou de terres détruites par des opérations militaires et des cataclysmes naturels, à la démesure qu’elles portent ou dont elles procèdent ? Comment réinscrire ces images dans le champ du visible, qui sont les signes de tant de drames vécus ?

La rencontre du verbe poétique et de la brutalité médiatique des images réemployées opère une distanciation qui manifeste clairement qu’il ne s’agit pas tant de documenter la capacité d’un monde globalisé à produire ses propres ruines, que de retrouver enfoui sous les décombres le sens même de la fêlure que porte avec lui tout événement.

Évoquant un propos de Schuler, archéologue allemand du début du XXe siècle, Walter Benjamin écrit en ouverture de la seconde série des Brèves ombres : « Le décisif n’est pas la progression de connaissances en connaissances, mais la fêlure à l’intérieur de chacune d’elles [10]. » Ce sont ces fêlures en effet qui peuvent dessiller nos paupières, comme la légère irrégularité dans les motifs d’un tapis, dit Walter Benjamin, marque à peine visible de l’authenticité d’une fabrication artisanale. Dans les images que s’associent Les Films du monde, les fêlures sont certes considérables. Mais le contexte de médiation numérique (YouTube, Facebook, etc.) qui vit de les ressaisir ‒ et où Frank Smith va les chercher ‒ ne peut qu’atténuer leur puissance de renversement, la maîtriser et la contrôler, pour l’accorder aux interfaces et aux écrans par lesquels ces images nous sont livrées comme autant de représentations du monde contemporain. Or c’est précisément à cet endroit du contrôle de l’image que Frank Smith se situe. Les Films du monde veulent en effet interroger cette volonté de maîtriser ou d’infléchir les capacités de voir ‒ au risque de les rendre impossibles ‒ qui caractérise le développement et l’alimentation des plateformes de partage d’informations visuelles. « Une image glisse sur une image » répète inlassablement le cinétract 36, et au fond de l’image on ne trouve rien d’autre qu’un fond d’image. C’est à cette matière informationnelle que nous sommes essentiellement confrontés, c’est à partir de cette même matière que notre monde nous propose son horizon. La question essentielle, dès lors, est de savoir comment nous pouvons nous-mêmes nous glisser dans l’image, comme le dit encore le cinétract 29, pour ouvrir cet espace numérique à une nouvelle dimension de sens.

2. Présence malgré tout

L’inscription des textes à même les images, et partant, sur les écrans qui les affichent, est essentielle à cette poésie, et c’est en quoi l’écriture de Frank Smith, ici, est à proprement parler une poésie numérique. En ce sens, une caractéristique de la poésie numérique serait sa capacité, non pas seulement à exprimer dans une langue qui lui est propre une part de réel qu’elle veut nous adresser, mais à transformer cette matière même dans sa formulation même. Le tramage du voir et du parler, de la vue et de l’énoncé, induit une mutation complète de l’image d’origine en regard de laquelle la parole poétique se lève. Jacques Rancière nous donne les moyens de le mettre particulièrement en évidence. La phrase-image, écrit Jacques Rancière dans Le destin des images, est « l’union de deux fonctions à définir esthétiquement, c’est-à-dire par la manière dont elles défont le rapport représentatif du texte à l’image [11] ». La phrase-image se définit ainsi par ses actes, ses effets sur le représentatif. Ceci étant posé, Jacques Rancière poursuit :

Dans le schéma représentatif, la part du texte était celle de l’enchaînement idéel des actions, la part de l’image celle du supplément de présence qui lui donne chair et consistance. La phrase-image bouleverse cette logique. La fonction-phrase y est toujours celle de l’enchaînement. Mais la phrase enchaîne désormais pour autant qu’elle est ce qui donne chair. Et cette chair ou cette consistance est, paradoxalement, celle de la grande passivité des choses sans raison. L’image, elle, est devenue la puissance active, disruptive, du saut, celle du changement de régime entre deux ordres sensoriels [12].

La composition du texte par l’image ‒ et réciproquement de l’image par le texte ‒ vise donc à introduire à une défaite de la représentation par un surcroît de présence, à introduire dans l’acte de voir une dimension charnelle que les images opèrent tout en la refusant. L’enjeu de la poésie numérique développée dans Les Films du monde est donc de dire, par le remploi de séquences vidéos le plus souvent sans auteur assignable, la possibilité insistante d’une chair qui excède radicalement les outils médiatiques où ces images auront commencé par circuler. La part active de telles images tient aux effets de rupture qu’elles induisent, et qui amorcent, contre l’environnement informationnel et l’espace de contrôle auxquels elles sont arrachées, cette dimension de présence toujours en excès sur sa représentation.

Il est significatif à cet égard que Frank Smith, dans cette archéologie du naufrage à laquelle s’abandonne sa recherche, prête une attention particulière à des modes de capture du réel qui ne laissent aucune place à l’inscription d’une singularité dans le cadre, ou plutôt dans le non-cadre, de l’image. Les épisodes réalisés à partir de vues tournées depuis des satellites, des drones ou autres appareils permettant des prises de vue aériennes, introduisent, entre le regard et la chose vue, une distance radicale. Ce faisant, ils produisent une séparation qui ouvre par anticipation à la nécessité d’un dire, dans lequel pourra se signaler quelque chose de cette chair qu’évoque Jacques Rancière, celle-ci dût-elle n’être évoquée que sur le mode de la perte et de la disparition. Ainsi, le cinétract 6 évoque l’événement d’un naufrage qui a eu lieu le 26 novembre 2013 au large des Côtes de Staniel Cay (Bahamas). Le noir et blanc, les effets de compression, les informations temporelles et géographiques inscrites dans le cadre de l’image, permettent de distinguer l’embarcation en difficulté et d’imaginer des corps en détresse, mais empêchent littéralement de distinguer la moindre figure humaine. Le naufrage n’est pas encore accompli que déjà « le territoire de perte » évoqué par Frank Smith en off est palpable.

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Doc. 3 ‒ Frank Smith, Les Films du monde, cinétract 6

Le cinétract 18, réalisé autour de l’arrestation et de l’exécution de Robert LaVoy Finicum filmées par le FBI le 26 janvier 2016, repose sur une même nature d’images sans vis-à-vis (au principe de la vidéo-surveillance) et que radicalisent d’une certaine manière les séquences réalisées à partir d’images tournées à l’aide de drones. Les quelques cinétracts [13] composés par de telles vidéos montrent des territoires dévastés par la guerre, les séismes ou glissements de terrains. Il est particulièrement manifeste ici qu’il n’y a plus même d’humanité derrière le dispositif de prises de vues. Les séquences vidéos que mobilisent ces épisodes procèdent pourtant d’une dimension esthétique évidente et clairement affichée, ce qui les rend scandaleuses. Cette esthétique de la destruction est également paradoxale au plus haut point, dans la mesure où elle témoigne d’un monde où toute sensation ‒ ce que désigne précisément le terme grec d’aesthesis ‒ est frappée d’interdit. Quand il n’y a plus d’homme à la caméra, mais un simple œil mécanique qui enregistre des terres dévastées ou, de loin, des corps en péril, sans que rien dans ces situations n’infléchisse ou n’interdise la fabrique de l’image, la perte est tout de suite là. Et il y va d’une perte à la seconde puissance, puisque ce qui se perd alors, c’est aussi le sens de cette perte. À propos du film À l’ouest des rails de Wang Bing, Jean-Louis Comolli fait ce constat sévère, qui pourrait s’appliquer plus justement à la matière d’images que réemploie Frank Smith dans Les Films du monde :

Mécanisation du regard, mécanisation du cinéma, disparition de la part « d’homme » dont on disait qu’elle était « derrière la caméra » : qu’y a-t-il derrière la caméra ? un jeune homme ? mais avant tout pensé comme un instrument […].

Il s’agit de confronter des hommes en voie de disparition à un cinéma qui n’est plus qu’une machine à enregistrer cette disparition interminable et toujours terminée [14].

Mais précisément, quoi faire de cette image ‒ et devant cette image ‒ de la disparition, sinon désigner cette perte, et par ce très peu, continuer de faire résonner, envers et contre tout, quelque chose de cette humanité même qui s’est perdue dans l’image ? C’est la question que nous invitent à poser Les Films du monde de Frank Smith, qui cherchent dans le langage une issue que les dispositifs numériques de représentation du monde ne cessent de boucher, là même où ils pensent l’ouvrir de fond en comble en permettant à chacun de les alimenter. Face à cette logique de mécanisation du regard, il est certain que c’est au dire poétique qu’il revient de mettre une part de souffle et de présence, pour que ces images ne restent pas de pures effectuations d’un monde déployé dans l’horizon fixé par les technologies numériques, où toute vie se signale sous le signe de sa propre défection.

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Doc. 4 – Les Films du monde, Frank Smith, cinétract 31

3. Phrase et montage

Les différents épisodes des Films du monde témoignent tous, chacun en son lieu, de l’impossibilité où nous sommes de raconter l’événement, qui dévaste jusqu’à la possibilité même de son propre récit. Nous sommes encore sous le coup de cette pauvreté en expériences communicables qu’évoque Walter Benjamin dans Expérience et pauvreté, quand il décrit une situation historique dont nous ne sommes pas encore sortis. Les expériences vécues par l’humanité sont si effroyables, dit-il en songeant notamment à la guerre 1914-1918, qu’elles interdisent d’emblée, moralement (quand ce n’est pas physiquement), toute forme de transmission. Une expérience, dit-il, est quelque chose qui doit pouvoir se communiquer de bouche à oreille. Est-il seulement possible d’accueillir les témoignages de toute une génération d’hommes et de femmes qui se tient « à découvert dans un paysage où plus rien n’[est] reconnaissable, hormis les nuages et, au milieu du champ de forces traversé de tensions et d’explosions destructrices, le minuscule corps humain [15] » ? Les expériences auxquelles « cet effroyable déploiement de la technique » nous expose ne peuvent précisément pas se dire au creux de l’oreille. Elles ne se communiquent, ni ne se transmettent, car elles ne sont les opérateurs d’aucune communauté visible. Le cours de l’expérience a chuté par excès, et c’est ce qui rend la tâche du narrateur impossible : ce qu’il pourrait vouloir dire de telles situations, nul ne saurait le reprendre dans l’élaboration de son propre chemin d’existence. Et pourtant, au sein de cette irréversible décrue de l’expérience, le geste poétique doit pouvoir s’exécuter.

C’est également en réponse à cette nécessité que les collisions entre phrases et images doivent être envisagées :

pas un trou

pas la moindre fissure

pas un visage qui ne soit lézardé [16]

La saturation visuelle à laquelle nous sommes confrontés complexifie la question du montage, qui semble exclue d’emblée par les images qu’utilise Frank Smith : photographies documentaires, séquences filmées par des caméras de surveillance par définition aveugles à toute dimension de cadre ou à toute forme de mise en scène, images tournées au téléphone portable dans l’urgence d’une catastrophe arrivée… Les vues fixes ou mobiles encodées numériquement n’ont pas été fixées en fonction de leur association ultérieure à d’autres images. Ce sont, comme le souligne Jacques Aumont, de purs items déliés de toute relation. Évoquant YouTube comme « un monde d’images irresponsables », c’est-à-dire qui ne répondent de rien, dans lesquelles personne ne parle et que nul n’est tenu d’écouter, l’auteur poursuit :

Dans tout cela, le montage devient un outil, sinon inutile, du moins souvent privé d’efficacité : les images, en ce sens libérées de tout lien, ne peuvent plus être réellement reliées entre elles, elles ne cherchent ni n’obtiennent leur sens par rapport à une totalité construite, mais par rapport à un chaos organisé, jamais monté [17].

L’image qui nous vient par les réseaux sociaux nous aveugle par sa propre mutité, qui la donne comme un ab-solu, c’est-à-dire comme quelque chose de délié et dont la tenue intrinsèque reste indépendante de tout rapport à autre chose que soi. C’est pour cette raison que les images qui se profilent dans cet environnement numérique ne peuvent que glisser les unes sur les autres, se chasser les unes les autres. L’horizon numérique dans lequel elles s’inscrivent n’est pas à proprement parler un horizon de sens. Pour qu’il le devienne, ces images doivent être déplacées, s’inscrire dans un nouvel environnement, où elles pourront apparaître autrement, ouvertes enfin à un potentiel de sens.

Or c’est précisément la tâche de la phrase que de produire un tel déplacement. La phrase-image, telle que Jacques Rancière la donne à penser, ré-ouvre pour ces images la possibilité d’être montées, c’est-à-dire tout simplement montrées. En effet, la phrase-image, dans l’analyse que Jacques Rancière en propose, est par nature parataxique [18]. La phrase introduit une fissure dans le plein de l’image, qui de ce fait change de régime d’expression. La saturation de l’image et l’hébétude à laquelle elle nous promettait, se transforment en son contraire : une syntaxe, c’est-à-dire la possibilité d’une relation synthétique. C’est la raison pour laquelle Jacques Rancière évoque la phrase-image en termes de montage : « La vertu de la phrase-image juste est […] celle d’une syntaxe parataxique. Cette syntaxe, on pourrait l’appeler montage, en élargissant la notion au-delà de sa signification cinématographique restreinte » écrit-il avant de rappeler que ce sont les écrivains du XIXe siècle qui ont inventé « le montage comme mesure du sans mesure ou discipline du chaos [19] ».

La poésie numérique que pratique Frank Smith consiste à changer le site d’apparition des images, qui dans ce déplacement voient leur nature se transformer profondément : de vue saturée qu’elle était, ne tolérant aucune relation à d’autres séquences visuelles, sinon sous la forme du glissement, de l’effacement ou de l’occultation réciproque, l’image ouverte par la phrase devient montage avant toute opération de liaison à d’autres images possibles. Comme si la phrase, par sa seule entrée en collision avec l’image, pouvait retrancher le trop plein de matière ou d’information qu’elle contient, introduire en elle une fissure, une coupure préalable à tout geste de montage, l’arrêter en quelque sorte pour qu’elle puisse se prolonger dans et par une autre image.

C’est bien le rôle de la phrase que d’articuler l’image à un sens potentiel. À cet égard, les écrans noirs, décisifs dans la poésie numérique de Frank Smith, apportent, en même temps que la possibilité d’une parole écrite, cette part obscure sans laquelle aucune lumière ne pourrait être reçue. Le cinétract 32 l’exprime de manière nette. L’écran noir, c’est ce qui permet à l’image de se livrer elle-même. Sans cette obscurité qui l’environne, l’image disparaîtrait dans sa propre luminance. « S’il n’y avait pas l’écran noir, on ne percevrait rien ». Et Frank Smith de conclure ce court récit d’ombre et de lumière : « L’image, elle est dans les choses, et pour qu’elle prenne, l’image, il faut : nous, un écran noir ». « Nous », c’est-à-dire cette écriture qui vient à la rencontre des images et ouvre l’espace où leur sens possible pourra éclore et se révéler.

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Doc. 5 ‒ Frank Smith, Les Films du monde, cinétract 32.

Le recours à l’écran noir permet donc à Frank Smith d’introduire la fissure au cœur de son dispositif d’écriture, et de réinventer la possibilité du montage pour des images dont le site originel de fabrication et de circulation empêche littéralement cet excès de sens. Cette inscription de la possibilité du montage dans des images a priori non faites pour être montées est particulièrement sensible dans les cinétracts réalisés à partir de matériaux photographiques. Les cinétracts 7 et 12 par exemple sont tous deux construits sur un principe de montage dans l’image, et obéissent à un procédé qui consiste à dévoiler progressivement le contenu d’une photographie dans laquelle des fragments sont découpés, laquelle photographie n’est livrée dans sa totalité qu’à la fin de la séquence. Il n’est pas anodin que dans ces deux exemples, ce qui introduit à l’image, c’est un texte. Dans le premier, ce qui se signale d’emblée, c’est une possibilité de dire nous, un nous qui se met en question au moment même où il se glisse dans l’image. Le cinétract 7 dit en amorce :

nous passâmes de l’euphorie

à une grande déception

à de profonds tourments

Le cinétract 12 pour sa part, réalisé à partir d’une photographie prise le 14 mai 2015 au large des côtes thaïlandaises, est introduit par ces quelques mots :

retour volontaire

migration circulaire

séjour temporaire

régularisation

ces choses n’ont ni commencement ni fin

Dans les deux cas, les phrases inscrites sur un écran noir ouvrent sur une vue de visages pris dans leur propre détresse, dont on comprendra au fil de la séquence qu’ils appartiennent à un paysage de souffrance plus vaste, saisi par une seule et même photographie. Ce travail de découpe préalable, par quoi l’image peut entrer en relation avec elle-même, et révéler progressivement, séquentiellement, sa teneur d’ensemble par cette opération de montage dans l’image, c’est l’ouverture de sens inaugurale par le texte poétique qui le permet. Si l’image peut être montée, c’est parce que le texte a commencé de la montrer sous un certain jour. Le texte, en posant d’emblée l’image dans un certain sens, la soustrait d’emblée de son effet de saturation. C’est aussi ce geste qui rend fondamentalement possible la succession des 50 +1 épisodes des Films du monde, qui tous se ferment sur le même signe de ponctuation, des points de suspension, qui sont d’abord l’expression d’une parole qui touche à ses propres limites, mais aussi les marqueurs d’une discontinuité sans laquelle  il n’y aurait pas de montage possible.

4. L’événement de la parole poétique dans l’horizon du numérique

Ce que réalise la poésie numérique de Frank Smith tient techniquement à la possibilité qu’offrent les outils de création de faire coexister sur un même plan d’exécution, dans une même application logicielle, des médias de sources variées : mots, images et sons. Mais le trait essentiel de cette poétique n’est pas son caractère multimédia, même si celui-ci est très prégnant. Si le geste artistique de Frank Smith peut opérer les ouvertures que nous avons signalées, c’est bien plutôt parce qu’il est prioritairement un acte de parole.

La philosophie d’Henri Maldiney, qui doit beaucoup à la linguistique de Gustave Guillaume dans ses développements sur le langage, est sur ce point particulièrement éclairante. Pour Henri Maldiney, toute phrase implique un événement d’ouverture qui la rend possible. Mais une telle ouverture, la phrase elle-même peut seule la produire. En ce sens, toute phrase, même formulée négativement, est toujours fondamentalement l’expression d’un oui face à l’épreuve du réel :

Une phrase n’existe qu’à ouvrir sa propre possibilité pour répondre à la condition du moment. La transition de la langue à la parole ne se fait pas par simple engrenage. Nous sommes véritablement parlant (et non parlés) parce que l’espace du dire auquel nous avons accès ne nous est pas conditionné de l’extérieur, mais que nous avons ouverture à lui à même notre pouvoir, absolument propre, de prendre la parole [20].

Dans une telle pensée, même si ce vocabulaire n’est pas exactement celui dans lequel elle se formule à proprement parler, la fêlure, la fissure appartiennent à la possibilité même de la phrase en tant que telle, qui doit toujours faire irruption pour « répondre à la condition du moment ». La phrase est donc à elle-même sa propre ouverture, elle doit trouver en elle-même sa propre nécessité et les ressources de son propre surgissement. Produire une phrase, c’est prendre la parole. Prendre la parole, c’est créer les conditions de possibilité de la phrase. La phrase commence donc toujours par opérer l’ouverture qui la rend possible. En ce sens, elle est toujours un événement. Elle ne peut advenir sans faire à la fois l’épreuve d’une faille, entre le langage et la parole qui le fonde, et de son franchissement :

Nous sommes parlant dès la langue. Si la langue parle c’est qu’il existe entre elle et la parole un accord de fond ‒ que la plupart des linguistes s’accordent à occulter : la langue veut dire mais parce que la parole a déjà ouvert le dire. C’est pourquoi la faille qui est entre elles est ressentie comme une tension. Elle n’existe qu’à dessein de son franchissement [21].

À la différence de l’image, qui est toujours résultative, la phrase se tient donc nécessairement au lieu de sa propre origine. Un autre texte d’Henri Maldiney le formule dans des termes décisifs. Toute poésie, rappelle-t-il, est son propre fondement. Pour autant, il faut bien qu’elle prenne fond dans un langage d’ores et déjà constitué. Cette situation d’avoir à parler dans une langue qui existe déjà peut sembler mettre en péril la capacité de la poésie à se tenir dans l’espace de sa propre ouverture. Mais Henri Maldiney rappelle que ce n’est pas la langue constituée qui est à l’origine de la parole, mais la parole qui est à l’origine de la langue. Les conditions de possibilités linguistiques, matérielles, sensibles ne préexistent pas à l’événement de la phrase, car c’est cet événement même qui peut y ouvrir un accès. Autrement dit, la phrase poétique ne se réfère pas à la langue dans laquelle elle émerge comme à son fondement, mais comme à la base ou le milieu de son apparaître, qui ne devient disponible qu’avec elle. Son fondement véritable, c’est la parole, qui est une dimension de perpétuelle ouverture au monde qui est à dire :

Entre ce que la langue permet de dire et ce qui est à dire, il n’y a pas adéquation. C’est précisément cet écart qui nous fait parlant. La propriété de la langue qui permet la parole c’est son impropriété. Sans elle nous ne serions que des transcripteurs d’informations programmées, des terminaux d’ordinateurs. La parole ne peut constituer des effets (phrases) qui soient accordés aux potentialités de la situation, dont précisément le dire décide, qu’en réactualisant dans un je peux les unités de puissance de la langue que sont les mots [22].

Réactualiser les mots dans un je peux, c’est les placer dans cet état d’ouverture, c’est les rendre disponibles à nouveau pour dire ce qui est à dire, cette nécessité fut-elle inscrite dans la démesure d’une catastrophe imminente. Et le langage poétique ne fait jamais que mettre en lumière cette impropriété de la langue, qui oblige toute parole poétique à toujours franchir un écart entre ce qui est à dire et les mots dont nous disposons pour le dire.

Ce qui est dit ici des conditions de possibilités linguistiques de la phrase peut être appliqué, par extension, au contexte numérique d’apparition de la poésie de Frank Smith dans Les Films du monde. En effet, même reçue dans un environnement de programmation ou d’effectuation numérique, la phrase ne peut apparaître sans ouvrir radicalement l’espace où elle se tient, sans apporter une forme au programme qui a pour tâche de la réaliser, c’est-à-dire de s’informer. Le langage binaire offre peut-être, de ce point de vue, l’expression minimale de cet état d’ouverture constante du langage par la parole qui fonde sa prise de forme, auquel la poésie donne toute son amplitude existentielle. Une page au moins dans l’œuvre d’Henri Maldiney permet de le souligner :

Ce qu’on appelle binaire (de base 01) constitue en fait une structure, une contraposition de possibilités symétriques opposées (ouvert/fermé) également probables. Un ordinateur, dont le propre est précisément d’ordonner, ne peut le faire qu’après l’imposition d’une forme. Il est informé par la programmation d’une question dont l’unité de sens, véritable logos monadique, transposé en constellation de signifiants constitue un foyer déterminé et déterminant qui introduit, pour parler et penser grec, un pléon dans l’ápeiron, et, par là, pour parler moderne, une courbure, un état de moindre probabilité, dans l’isomorphisme de la structure – en l’articulant en systèmes [23].

Le langage binaire lui-même, qui est finalement la condition de possibilité technique d’une poésie numérique, n’est donc pas étranger à cette situation où se tient tout langage d’avoir à découvrir une faille en la franchissant, ou encore d’éprouver son ouverture à un illimité (ápeiron) devant lequel il se découvre en déployant des phrases qui d’une certaine façon donnent forme à cet horizon.

Cet excursus par la pensée d’Henri Maldiney nous permet peut-être de toucher du doigt ce qui traverse Les Films du monde de part en part. En s’achevant sur une interrogation sibylline – « pourquoi arrive-t-il ceci plutôt que cela ? » –  ce vaste panorama du monde contemporain s’achève sur un acte double, qui consiste à désigner un événement qui garde une part d’indétermination et à faire surgir le possible sur lequel il tranche mais qu’il n’en finit pas de nous adresser en advenant. Tout l’enjeu des Films du monde est ainsi d’introduire, par un langage poétique, des brèches dans un environnement visuel saturé, qui semble au premier abord ne nous laisser aucune place, et ce faisant, de trouver les ressources qui permettent à une poésie numérique de se formuler dans une épreuve du monde :

L’acte premier de l’homme parlant qui fait se lever l’aurore du langage, est d’articuler, dans une forme, son éveil au monde et à soi, c’est-à-dire sa présence à cette déchirure dans la trame de l’étant qu’on appelle un événement – déchirure hors du jour de laquelle rien ne saurait se pro-duire… pas même le Rien [24].

Ce que montrent Les Films du monde de Frank Smith, c’est qu’il est encore possible, dans un monde intégralement arraisonné par les technologies numériques, de se tenir dans cet aurore du langage, à la croisée de plusieurs régimes d’expression, et d’y provoquer des surrections d’images au sommet desquelles la parole poétique peut se dresser pour nous adresser les fragiles signaux de son propre engagement.

Doc. 6 – Teaser des Films du monde de Franck Smith [https://vimeo.com/267202630]

Notes

[1] Patrice Maniglier, « L’art numérique n’a pas eu lieu », artpress 2, n° 39, hiver 2015, « Les arts numériques, anthologie et perspectives ».

[2] Ibid.

[3] À l’exception notable de quelques cinétracts, comme le 16, le 32 ou le 36, qui évoquent des situations qui ont lieu tout le temps et partout, ou le 11, dont le contenu est quant à lui indexé de la manière suivante : « de nos jours sur la terre ».

[4]  Les films du monde, Cinétract 24, 01:04:58.

[5]  ex : 55’52, faire que l’image porte l’écho de la voix.

[6] Gilles Deleuze, Logique du sens, Paris, Minuit, 1969, p. 175.

[7] Les films du monde, Cinétract 24, 01:04:46.

[8] Les films du monde, Cinétract 23, 00:59:50.

[9] Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle, traduction de Jean Lacoste, Paris, Cerf, 2006, p. 224.

[10] Walter Benjamin, Brèves Ombres, dans Œuvres II, traduction de Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch, Paris, Gallimard, 2000, p. 349.

[11] Jacques Rancière, Le destin des images, Paris, La Fabrique, 2003, p. 56.

[12]  Ibid.

[13] Voir par exemple les cinétracts 8 (images tournées à Gaza en Palestine), 20 (images tournées en Équateur après un séisme), 31 (images tournées à Homs en Syrie).

[14] Jean-Louis Comolli, Corps et cadre. Cinéma, éthique, politique, Paris, Verdier, 2012, p. 134

[15] Walter Benjamin, Expérience et pauvreté, dans Œuvres II, op. cit., p. 365.

[16]  Cinétract 12, 00:35:15.

[17] Jacques Aumont, Le montage, « la seule invention du cinéma », Paris, Vrin, 2015, p 100.

[18] La parataxe est un procédé syntaxique qui consiste à juxtaposer des propositions sans expliciter le sens de leur relation.

[19]  Jacques Rancière, Le destin des images, op. cit., p. 58.

[20] Henri Maldiney, Le vouloir dire de Francis Ponge, Fougères-La Versanne, Encre marine, 1993, p. 115.

[21]  Ibid. p. 116.

[22] Henri Maldiney, « Espace et poésie », dans L’art, l’éclair de l’être, Seyssel, Comp’act, 1993, p. 142.

[23] Henri Maldiney, Aîtres de la langue et demeures de la pensée, Paris, Seuil, 2012 (1975), p. 400.

[24] Henri Maldiney, « Espace et poésie », dans L’art, l’éclair de l’être, op. cit., p. 143.

Auteur

Rodolphe Olcèse, membre du Laboratoire CIEREC (université de Saint-Étienne), a soutenu en novembre 2018 une thèse menée sous la direction de Danièle Méaux, intitulée L’archive, une puissance de nouveauté dans la pratique contemporaine de l’image en mouvement. Après des études de philosophie, a développé des activités de réalisation et de production cinématographiques, ainsi qu’une activité d’écriture autour du cinéma, pour des revues comme Bref magazineartpress2 ou Turbulence Vidéo. Depuis 2013, co-anime A bras le corps, une plateforme éditoriale consacrée à la création contemporaine (http://www.abraslecorps.com).

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Le journalisme narratif aux États-Unis : de l’imprimé aux nouveaux formats en ligne


Le journalisme narratif peut être défini – dans un premier temps en tout cas – comme une forme de journalisme qui utilise des techniques d’écriture généralement associées à la fiction pour raconter l’actualité. Cet article s’intéresse à la poétique des récits de journalisme narratif américain contemporains, particulièrement dans les journaux quotidiens, et à la façon dont cette poétique se prolonge et se renouvelle dans différents formats qui se développent en ligne, comme le récit multimédia, le podcast narratif et le « journalisme immersif ». La poétique de ces récits est appréhendée, d’une part, en termes de tension entre immersion et information et, d’autre part, en termes de tension entre médiation affichée ou effacée du/de la journaliste.

Narrative journalism can be defined – at least initially – as a form of journalism that uses writing techniques generally associated with fiction to tell the news. This article explores the poetics of contemporary American narrative journalism texts, particularly in daily newspapers, and how such poetics persist and evolve in emerging online formats, such as multimedia narratives, narrative podcasting, and “immersive journalism”. The poetics of these narratives is approached, on the one hand, in terms of a tension between immersion and information and, on the other hand, in terms of a tension between displaying and erasing the mediation of the journalist.


Texte intégral

Le journalisme narratif est généralement défini comme une forme de journalisme qui utilise des techniques d’écriture associées à la fiction pour raconter l’actualité. La plupart des définitions proposent même une liste des techniques d’écriture en question. Ainsi, une revue systématique de la littérature scientifique anglophone répertorie : « la voix, le point de vue, le personnage, le cadre, l’intrigue et/ou la chronologie pour raconter le réel au travers d’un filtre subjectif [1] ». Cette liste rejoint largement une compilation critique de définitions d’experts et de praticiens, pour la plupart américains, selon laquelle

Le récit, en journalisme narratif, utilise des techniques d’écriture littéraires pour rendre compte d’une histoire réelle où des personnages déploient leurs actions dans le temps et dans un cadre spatial. Cette histoire est mise en forme – par un narrateur qui possède une voix propre, personnelle – de manière à créer un récit organisé et capable de simuler une forme d’expérience pour ses lecteurs. La mise en récit est orientée par une volonté manifeste de capter et garder l’intérêt de ces lecteurs, avec pour but final de leur offrir une compréhension plus profonde du réel dans lequel ils vivent [2].

Si de telles (compilations de) définitions permettent de rendre plus concrète la notion d’un journalisme qui s’écrit et se lit « comme un roman [3] », elles ont également tendance à figer ou lisser une forme mouvante et fluide, que l’on retrouve d’ailleurs dans diverses régions du monde [4] et qui a connu et connaît encore aujourd’hui, dans chacune de ces régions, une évolution propre [5]. Pour éviter un tel lissage, on peut appréhender le journalisme narratif comme un modèle journalistique particulier, qui s’oppose au modèle dominant – dans le journalisme factuel en tout cas – de la pyramide inversée, mais qui est lui-même plus complexe que les listes de caractéristiques ne le laissent paraître, et que l’on peut mettre en œuvre de différentes façons et à des degrés divers.

Cet article présente une proposition de modélisation du journalisme narratif centrée sur les tensions essentielles qui définissent les grands possibles de sa poétique. Il illustre ensuite comment cette modélisation s’applique au journalisme narratif américain contemporain et les tendances que l’on peut observer quant à la poétique de celui-ci, particulièrement dans les journaux quotidiens. Enfin, l’article explore comment cette poétique se prolonge et se renouvelle dans trois formats journalistiques qui se développent actuellement en ligne : le récit multimédia, le podcast narratif et le journalisme dit « immersif. »

1. Un modèle défini par une double tension

Si l’on cherche à dépasser les définitions existantes pour cerner ce qui fait l’essence même du journalisme narratif, une première tension apparaît directement, entre une forme qui emprunte les codes de la fiction et un contenu fermement ancré dans le réel [6]. En termes narratologiques, le journalisme narratif peut être pensé comme une tentative de réconcilier, au sein d’un même texte, les deux prototypes de la narrativité formalisés par Raphaël Baroni [7] : le récit informatif, qui met en œuvre une fonction configurante, et le récit immersif, qui met en œuvre une fonction intrigante. Tel que défini par Baroni, le récit informatif s’inscrit dans une conception de l’intrigue en tant que configuration, au sens ricœurien du terme [8]. Il « vise à informer, à ordonner le passé, à établir les faits et à associer les événements à des cadres interprétatifs qui les rendent compréhensibles [9] ». Le récit immersif, au contraire, s’inscrit dans la conception de l’intrigue développée par Baroni [10] dans la double lignée des travaux de Jean-Michel Adam [11] et de Meir Sternberg [12]. L’intrigue y est développée

dans le but d’immerger le récepteur dans une expérience simulée et de nouer une tension orientée vers un dénouement éventuel. Il s’agit de construire une expérience « quasi-mimétique » fondée sur le suspense, la curiosité et la surprise, ce qui implique que la compréhension globale des événements est stratégiquement retardée ou définitivement empêchée [13].

Le journalisme narratif étant une forme de journalisme factuel, son but premier est d’informer. De nombreux praticiens et experts vont même plus loin, en soutenant qu’il permet une meilleure compréhension de l’actualité que le journalisme « classique [14] ». Cette idée se retrouve également largement dans la littérature scientifique, puisque la recherche sur son rôle sociétal considère le journalisme narratif comme « un outil puissant pour […] augmenter la compréhension qu’a le public de la société, dans toute sa complexité [15] ».

Cependant, si le journalisme narratif a pour but de nous informer et de configurer notre expérience du monde, il utilise pour ce faire la forme du récit immersif et intrigant. Les manuels de journalisme narratif [16] décrivent ainsi précisément la structure de l’intrigue telle que définie par Baroni [17] – soit la dynamique entre un nœud et la promesse de son dénouement, qui fait naître la tension narrative. L’intrigue fait également partie des techniques listées suite à la revue systématique de la littérature scientifique [18].

Les guides pratiques insistent en outre sur la dimension expérientielle du récit. Comme l’écrit James Stewart, « [le] récit montre aux lecteurs ce qui s’est passé, souvent au travers de détails saisissants. De toutes les formes d’écriture, c’est celle qui tente le plus directement de recréer la réalité pour le lecteur [19] ». Cette dimension expérientielle renvoie notamment à ce que Kobie van Krieken appelle, dans sa liste des techniques d’écriture, « point de vue », qui permet de développer des « descriptions des perceptions sensorielles, des émotions et des pensées des personnages [20] ».

Il apparaît donc que les deux types narratifs, le récit immersif et le récit informatif, sont tout aussi essentiels l’un que l’autre au journalisme narratif. De la tentative de les réconcilier au sein d’un même texte naît une forme de tension que chaque article de journalisme narratif résout à sa manière, en créant un équilibre qui lui est propre, entre les deux types narratifs [21]. Cette proposition, d’abord théorique, a été testée et validée sur un large corpus de productions journalistiques narratives américaines et francophones [22].

Ce test a permis de mettre en évidence une deuxième tension constitutive du journalisme narratif, liée à une autre caractéristique du modèle, largement reconnue par les professionnels [23] et discutée dans la littérature scientifique [24], mais qui se traduit de manières très diverses dans les textes : son caractère subjectif. Comme le soulignent van Krieken et José Sanders [25], le journalisme narratif raconte l’actualité au travers d’une voix et d’un filtre subjectif, qui peut être soit un personnage, soit le/la journaliste.

Toutefois, puisqu’il s’agit de récits du réel – et non de récits de fiction –, le journaliste-narrateur

est toujours le focalisateur principal, qu’il cherche à s’effacer ou qu’il se présente en tant que personnage, qu’il soit conscient de son rôle de filtre ou non. Il peut tenter d’adopter le point de vue d’une autre personne, qui devient alors focalisateur second, mais ce deuxième niveau de focalisation reste soumis à l’information et à la perspective, indépassables, du focalisateur principal [26].

Même si le journalisme narratif peut nous offrir un accès à la subjectivité des personnes qui font l’actualité, cette subjectivité recréée dépend toujours d’une subjectivité première et insurmontable : celle du/de la journaliste. L’analyse de l’ensemble du corpus [27] montre que cette subjectivité insurmontable peut être plus ou moins explicite dans le récit, selon que le/la journaliste s’exprime au je, au nous ou même à la troisième personne, pour faire part de ses démarches, ses doutes, ses convictions ou même ses émotions. Se dessine ainsi une deuxième tension essentielle au journalisme narratif, qui renvoie, en termes narratologiques, à la fois aux notions de voix [28], de focalisation et de point de vue [29], et même, plus récemment, de « forme de conscience constituante [30] ». Cependant, ces différentes catégories – et, surtout, les débats qu’elles suscitent –, risquent de nous éloigner de l’aspect proprement journalistique de la question qui nous occupe. Je propose donc de nous en tenir ici à une formulation en termes de tension entre affichage et effacement de la médiation subjective du/de la journaliste.

2. Dans le journalisme narratif écrit

Selon la modélisation proposée, le journalisme narratif peut être appréhendé en tant que modèle au travers de deux tensions fondamentales qui déterminent les grands possibles de sa poétique. La poétique propre à chaque texte de journalisme narratif peut dès lors se décrire en termes d’équilibre particulier entre récit informatif et immersif d’une part et entre médiation affichée ou effacée d’autre part. Pour la rendre plus concrète, cette modélisation peut être illustrée par deux exemples issus du corpus d’articles américains sur lequel elle a été testée et construite.

Le premier exemple est un article de Lane DeGregory, intitulé « Une jeune femme se débat, entre addiction à l’oxy et sevrage » (« A young woman struggles with oxy addiction and recovery ») et paru dans St. Petersburg Times le 16 décembre 2011. Si le titre semble plus informatif qu’intriguant ou immersif, le début du texte nous plonge directement dans un moment clé de l’histoire de cette jeune femme :

Lorsque sa mère vint la chercher ce matin-là pour l’emmener au tribunal spécialisé dans les affaires de drogue, Stacy Nicholson était encore défoncée.

[…]

Stacy et deux de ses cousins étaient enfermés depuis des mois dans cette maison délabrée, se droguant avec des pilules antidouleur écrasées. Des seringues usagées jonchaient une table de chevet. La mère de Stacy n’avait cessé de lui dire : Quelqu’un dans cette maison va mourir [31].

Dès la première phrase est ainsi posée la complication qui va nouer et tendre l’ensemble du récit. Les paragraphes suivants permettent de situer le personnage de Stacy et de mieux comprendre sa situation, tout en suivant son passage devant la juge. C’est également l’occasion de comprendre que son histoire s’inscrit dans un problème sociétal beaucoup plus large en Floride :

De toutes les prescriptions d’oxycodone délivrées aux États-Unis au cours du premier semestre de l’année dernière, 98% l’ont été en Floride. Selon le centre de médecine légale de l’État, en moyenne, sept Floridiens meurent chaque jour d’une overdose de médicaments sur ordonnance – soit un nombre de décès supérieur aux décès causés par les accidents de la route [32].

Après un début très immersif et intriguant, ces éléments apportent l’information nécessaire pour comprendre les enjeux de l’histoire de Stacy et en quoi cette histoire est importante pour l’ensemble de la société. La compréhension que permettent ces éléments informatifs permet, en retour, de renforcer la tension narrative. C’est particulièrement clair à la fin de cette première longue scène au tribunal : « En ce jour de février, dans le tribunal de la juge Farnell, Stacy s’est engagée dans ce qui, de l’avis de tous, était un combat pour sa vie. Elle pouvait soit s’en sortir soit devenir l’une des sept victimes floridiennes quotidiennes de l’abus d’antidouleurs [33]. »

L’article suit ensuite Stacy dans les différentes étapes de son parcours pour essayer de vaincre son addiction : en prison, dans un foyer de transition, à la recherche d’un travail, de retour en prison, etc. Ces scènes, racontées de manière immersive, sont entremêlées de passages plus informatifs, notamment concernant l’addiction. Ainsi, juste après la mort du cousin de Stacy, le texte explique qu’environ 50% de l’addiction serait d’origine génétique. La journaliste développe rapidement les différentes raisons qui poussent à consommer des drogues, avant de revenir à Stacy, qui pense que c’est un traumatisme d’enfance qui l’a poussée à commencer, et de détailler les grandes phases de sa vie et de son addiction.

Le récit s’achève lorsque Stacy quitte le foyer de transition pour s’installer chez sa mère. La protagoniste semble être sur la bonne voie pour en finir avec son problème d’addiction. Cependant, pour fêter son nouveau départ, elle achète une bouteille d’alcool, ce qui lui est interdit. Le texte se termine quelques lignes plus loin et une semaine plus tard, sur sa rupture avec son nouveau petit ami :

Si Stacy l’avait reçu n’importe quel autre jour, pendant la majeure partie de sa vie, un texto comme celui-ci aurait été une raison parfaite pour prendre une pilule. Mais pas ce jour-là.

Ce jour-là, elle se laissa ressentir la douleur [34].

Si la complication de départ peut sembler résolue, puisque Stacy a finalement pu sortir du foyer de transition dans lequel l’avait envoyée la juge au tout début du récit, les derniers paragraphes du texte soulignent à la fois un événement encourageant – Stacy qui se laisse ressentir la peine de sa rupture – et un événement plus inquiétant – l’achat de la bouteille d’alcool. La résolution apparaît donc temporaire, susceptible d’être confirmée ou infirmée par la suite, sans clairement diriger le lecteur vers l’une des deux options.

En ce qui concerne le rapport à la subjectivité, la journaliste efface presque complètement toute trace de sa présence dans le récit. Elle n’est présente qu’à la troisième personne, dans quelques phrases glissées dans la toute première scène du récit, au tribunal :

Environ 500 accusées ont comparu devant le tribunal lors des Journées des Femmes cette année. Les journalistes du St. Petersburg Times ont assisté à ces journées, semaine après semaine. Ils ont interviewé des douzaines de femmes. Ils ont suivi des toxicomanes alors qu’elles oscillaient entre prison et traitement, qu’elles logeaient dans des maisons abandonnées, qu’elles cherchaient un emploi et qu’elles titubaient vers une guérison ou une rechute.

Une femme a laissé les journalistes la suivre toute l’année [35].

Ces quelques phrases indiquent au lecteur comment la journaliste a eu accès aux détails de la vie de Stacy et ce qui lui permet de recréer son expérience de manière aussi intime tout au long du récit. Outre ce passage, la présence de la journaliste ne se fait sentir qu’à de rares occasions, quand elle prend ouvertement ses distances par rapport aux personnages dont elle raconte l’histoire. Ainsi, avant de raconter les deux rechutes de Stacy – auxquelles elle ne semble pas avoir directement assisté –, elle écrit exactement la même phrase : « Voici l’histoire qu’elle raconterait plus tard [36]. » Elle fait ainsi sentir que, même si elle raconte cette histoire en collant autant que possible au point de vue de Stacy, c’est bien elle qui exerce la fonction de narratrice et conserve la responsabilité du récit.

Le deuxième exemple est une column [37] de Jeff Klinkenberg, parue dans le St. Petersburg Times le 10 juin 2011 et intitulée « La pin-up et top-modèle Bunny Yeager s’est distinguée des deux côtés de l’appareil photo, en photographiant Bettie Page pour “Playboy” » (« Pinup model Bunny Yeager rocked both sides of the camera, photographing Bettie Page for ‘Playboy’ »). Cet article révèle le même type de dynamique entre récit immersif et récit informatif, mais un rapport à la subjectivité du journaliste ouvertement assumé, à l’opposé de l’effacement de Lane DeGregory dans l’article précédent. Le récit s’ouvre ainsi :

J’ai commencé à faire la cour à Bunny Yeager l’été dernier, quand j’ai formé son numéro sur mon téléphone et que je me suis senti comme un jeune geek demandant à Lady Gaga de sortir avec lui.

J’avais répété ce que j’allais dire : « Mlle Yeager, nous avons grandi dans le même quartier. Je me souviens des jours de gloire de Miami et j’ai toujours apprécié votre contribution à la culture de la Floride. Je me demandais, Mlle Yeager, si vous accepteriez que je vous rende visite chez vous pour écrire un article à votre sujet. » Mais quand elle a répondu, j’ai eu l’impression d’avoir à nouveau 13 ans [38].

Si la complication est d’une nature bien différente – un journaliste essayant d’obtenir un rendez-vous avec son idole de jeunesse –, la dynamique du récit est la même que dans le premier exemple : le texte s’ouvre sur la complication, les paragraphes suivants servent à présenter Bunny Yeager, et puis le récit se poursuit au travers des différentes tentatives du journaliste pour rencontrer son idole, ces épisodes étant entrecoupés d’informations sur la carrière de celle-ci. En revanche, ce deuxième exemple présente un rapport à la subjectivité très différent du premier puisque l’histoire concerne directement le journaliste. Celui-ci est (omni-)présent à la première personne du singulier et c’est au travers de son expérience que l’on approche l’inaccessible idole.

Les deux exemples présentés ici sont représentatifs de la façon dont les textes américains du corpus analysé se positionnent par rapport à la tension entre information et immersion ; l’immersion, au travers d’une intrigue qui s’ouvre dès les premières lignes et se prolonge jusqu’aux dernières, étant mise au service de l’information tandis que l’information est toujours présentée et formulée dans le contexte du récit immersif. Ces deux articles permettent également d’exemplifier deux positionnements très différents par rapport à la tension entre affichage et effacement de la médiation – le premier texte étant un exemple d’effacement, parti pris largement majoritaire sur l’ensemble des articles américains analysés, alors que le deuxième texte offre un exemple d’affichage qui constitue un choix nettement minoritaire dans les articles du corpus [39].

3. Et dans les formats qui se développent en ligne ?

Avec l’essor d’Internet et de l’information en ligne se développent de nouveaux formats journalistiques, dont certains s’inscrivent dans l’héritage, plus ou direct, du journalisme narratif écrit. Cet article en examine brièvement trois – le récit multimédia, le podcast narratif et le journalisme dit « immersif » – afin d’explorer comment ils prolongent et renouvellent la poétique de ce journalisme narratif écrit.

3.1. Les récits multimédia

Le récit journalistique imprimé a très vite exploré les nouvelles potentialités multimodales ouvertes par le passage en ligne [40]. Dès 1997, la série d’articles narratifs de Mark Bowden pour le Philadelphia Inquirer « La chute du faucon noir » (« Blackhawk Down ») – qui donnera ensuite lieu à un livre puis un film du même nom – est mise en ligne au fur et à mesure de sa publication dans le journal. La série retrace la bataille de Mogadiscio qui a opposé l’armée américaine à différentes milices somaliennes en 1993. La version en ligne comprend non seulement le texte publié dans les pages du quotidien, mais aussi de très nombreux compléments multimédia : photos, cartes, extraits audio ou vidéo, accessibles au travers d’hyperliens placés dans le texte et de rubriques spécifiques au sein du menu (Doc. 1). L’équipe web du journal a en effet demandé au journaliste de lui confier l’ensemble de son matériel afin de le mettre à disposition des internautes. Comme l’explique Bowden, cela a permis de renforcer la crédibilité du récit :

Les articles rédigés de manière dramatique et narrative, comme j’ai essayé de le faire pour « La chute du faucon noir », se passent généralement de l’énumération rigide de leurs sources. […] Les hyperliens ont résolu ce problème. […] Ces éléments audiovisuels ont non seulement ajouté au plaisir de lire l’histoire, mais l’ont ancrée plus fermement dans la réalité [41].

La dimension multimédia renforcerait ainsi le caractère informatif du récit tout en préservant son côté immersif. S’il est difficile de vérifier de tels propos, les chiffres révèlent en tout cas un réel engouement pour la version multimédia : le site web a atteint jusqu’à 46.000 vues par jour – nous sommes alors en 1997, l’accès à Internet est donc bien moins répandu qu’aujourd’hui –, obligeant le journal à changer de serveur pour faire face à l’afflux de visiteurs [42].

Doc. 1 – Capture d’écran d’une version archivée de « Blackhawk Down », https://web.archive.org/web/19981203102102/http://www.phillynews.com/packages/somalia/nov16/default16.asp

Malgré cet énorme succès, c’est la plupart du temps un article bien plus récent qui est cité en exemple lorsque l’on parle de longs récits multimédia : « Snow Fall : L’avalanche à Tunnel Creek » (« The Avalanche at Tunnel Creek »), publié en 2012 par le New York Times – et dont l’impact a été tel que le titre de l’article a été utilisé comme verbe (« to snowfall ») par des éditeurs américains voulant créer le même type de production [43]. L’article est même couronné d’un prix Pulitzer en 2013, le jury soulignant le caractère évocateur du récit, l’explication scientifique du phénomène et l’intégration habile de composants multimédia [44].

Contrairement à la version en ligne de « La chute du faucon noir », « Snow Fall » ne joue pas sur un réseau des pages interconnectées, mais intègre autant que possible les éléments multimédia sur la page même du récit écrit, en recourant à trois techniques : l’utilisation de brèves boucles vidéo pour introduire les différents chapitres et effectuer des transitions entre parties, la progression dans la page par défilement vertical (scrolling), et l’« effet de rideau », au travers duquel les divers éléments – texte, animation, image, etc. – apparaissent et disparaissent en fonction du défilement vertical sur la page [45] (Doc. 2).

Doc. 2 – Capture d’écran de « Snow Fall », https://www.nytimes.com/projects/2012/snow-fall/index.html

David Dowling et Travis Vogan considèrent dès lors que « Snow Fall » construit

un environnement immersif dans lequel […] « notre attention est contenue : elle est dirigée vers le texte devant nous, avec aussi peu de distraction que possible. » Bien que l’intégration d’éléments multimédia puisse, de manière paradoxale, disperser l’attention des lecteurs, elle le fait d’une manière qui encourage ces lecteurs à plonger plus profondément dans l’univers narratif et donc à « nous immerger dans ce que nous lisons [46]. »

Cependant, tous les lecteurs et commentateurs ne sont pas d’accord. D’autres soutiennent, à l’inverse, que le caractère multimédia de « Snow Fall » a pour effet de casser l’effet immersif du récit. Selon Roy Peter Clark, par exemple, la plupart des éléments visuels, tels qu’ils sont disposés par rapport au texte, brisent la tension narrative que celui-ci essaie de créer en divulguant trop tôt certaines informations. L’immersion narrative est aussi interrompue par des éléments multimédia qui sont anecdotiques par rapport au fil narratif et distraient les lecteurs de l’histoire. Ainsi, pour Clark, le problème de « Snow Fall » est une forme de dissonance entre la voix du récit écrit et l’univers multimédia – principalement visuel – créé autour de ce récit [47].

Si certains éléments multimédia, comme les cartes animées permettant de suivre les déplacements des différents personnages sur la montagne, semblent favoriser la compréhension des lecteurs, ce n’est plus l’apport du multimédia à l’information qui est mis en avant dans les discussions autour de « Snow Fall », mais son effet – positif pour certains, négatif pour d’autres – sur l’immersion dans le récit. Toutefois, Clark lie cette question à celle de la voix, qu’il définit à la suite de Don Fry comme « la somme de tous les choix posés par l’auteur qui créent l’illusion que celui-ci s’adresse directement de la page au lecteur [48] ». Selon Clark, dans un récit multimédia, la voix doit être en harmonie avec ce qu’il propose d’appeler la vision, soit la « qualité créée par la somme de tous les choix posés par le designer ou l’artiste, dont l’effet est une façon de voir unifiée, comme si nous regardions tous au travers d’une même lentille [49] ».

Depuis « Snow Fall », les récits multimédia en ligne ont encore évolué. Selon la fondation Nieman [50], un nouveau cap aurait été franchi en 2016, avec « Une nouvelle ère de murs » (« A New Age of Walls »), publié en ligne par le Washington Post. La série de trois épisodes propose d’examiner, « à partir de huit pays dispersés sur trois continents, […] les divisions entre pays et peuples, au travers d’un entrelacement de mots, de vidéos et de sons [51]. » « Une nouvelle ère de murs » pousse l’intégration des différents éléments multimédia plus loin que « Snow Fall », puisque textes, images, animations, vidéos et sons sont tous rassemblés dans un écran vertical unique, entièrement scrollable, au sein duquel l’activation de ces différents éléments se fait automatiquement, en fonction de la progression du lecteur dans le contenu (Doc. 3).

Doc. 3 – Capture d’écran de « A New Age of Walls », https://www.washingtonpost.com/graphics/world/border-barriers/global-illegal-immigration-prevention/

Selon Dowling, la production du Washington Post

souligne l’importance d’une linéarité accrue dans l’innovation en matière de design. Les designers ont pris au sérieux l’argument du critique littéraire Sven Birkerts selon lequel « si les lecteurs sont vraiment pris dans un suspense narratif, désireux de découvrir ce qui se passe ensuite ou liés émotionnellement aux personnages, ils préfèrent tourner les pages sous la direction de l’auteur plutôt que d’explorer librement un réseau textuel [52]. »

Avec « Une nouvelle ère de murs » semble donc se dessiner une façon de concilier multimédia et création d’une expérience immersive pour les récepteurs. Cependant, la dimension immersive et expérientielle du texte en lui-même (sans tenir compte des éléments multimédia) apparaît moins poussée que dans la plupart des articles de journalisme narratif écrit. L’immersion semble se faire avant tout dans l’univers multimédia de la production et moins dans l’expérience des personnages – révélant ainsi une relation étroite entre dispositif technique et poétique, qui mériterait d’être analysée plus en profondeur.

Comme le montrent les trois exemples évoqués ici, et les discussions autour de ceux-ci, la multimodalité offerte au récit journalistique par le passage en ligne ouvre de nombreux nouveaux possibles, en constante évolution, qui viennent indéniablement complexifier la recherche d’un équilibre entre fonction informative et fonction immersive du récit journalistique – confirmant par là même la persistance de cette tension narrative fondamentale au sein de différents types de récits multimédia journalistiques en ligne. Par ailleurs, même s’il ne parle pas explicitement de subjectivité, mais de « voix » et de « lentille », Clark esquisse dans sa discussion de « Snow Fall » un lien entre cette tension et la question de la médiation du journaliste, mais aussi de l’équipe de production multimédia, qu’il serait intéressant d’explorer plus avant.

3.2. Les podcasts narratifs

Avec son passage en ligne, le récit journalistique est également passé de l’écrit à l’audio grâce au développement des podcasts. S’il existe bien sûr de nombreux types de podcasts – qui ne sont ni forcément narratifs ni nécessairement journalistiques –, certains peuvent être considérés comme des « récits audio élaborés ou narratifs [53] ». C’est le cas, par exemple, de Serial, une série de trois saisons développée par l’équipe de l’émission de radio publique This American Life. Narré par Sarah Koenig, Serial raconte une histoire vraie, semaine après semaine, tout au long de chaque saison, grâce à un long et méticuleux travail d’enquête journalistique. La première saison – de loin la plus connue – porte sur le meurtre de Hae Min Lee, une jeune fille de 18 ans, à Baltimore, en 1999. Quinze ans plus tard, Koenig rouvre l’enquête sur ce meurtre, après avoir été contactée par une amie d’Adnan Syed, l’homme qui a été condamné pour les faits et se trouve encore en prison.

Serial a rapidement connu un énorme succès auprès du public, avec plus de 90 millions de téléchargements en un an et une communauté de fans très active, prolongeant la discussion et l’enquête en ligne [54], ainsi que la reconnaissance de la profession, avec notamment un Peabody Award [55]. Pour comprendre cet « effet Serial » [56], plusieurs auteurs ont souligné la façon dont Koenig crée un univers audio immersif et intrigant [57]. Serial est directement reconnaissable à la musique qui ouvre, ponctue et clôt les épisodes – plongeant directement l’auditeur dans l’univers diégétique. Koenig ne se contente pas de raconter son enquête, elle immerge les auditeurs dedans, en leur faisant entendre directement les différents personnages de l’histoire, leurs émotions et parfois même leurs interactions. En outre, la narratrice joue constamment sur la tension narrative, utilisant des techniques de teasing au début et à la fin de chaque épisode. Elle annonce ainsi, dans le premier épisode :

Cette conversation avec Rabia et Saad, c’est ce qui m’a lancée dans cette – « obsession » est peut-être un mot trop fort – disons « fascination » d’un an pour cette affaire. D’ici la fin de cette heure, vous allez entendre différentes personnes raconter différentes versions de ce qui s’est passé le jour où Hae Lee a été tuée. Mais commençons par la version la plus importante, celle que Rabia m’a racontée. C’est celle qui a été présentée au procès [58].

Durant le même épisode, elle relance la tension en expliquant :

Ainsi, trois ou quatre mois après avoir rencontré Rabia pour la première fois, j’étais devenue obnubilée par le fait de trouver Asia [un témoin]. […] Parce que toute l’affaire me semblait tourner autour de ses souvenirs de cet après-midi-là. Il faut que je sache si Adnan était vraiment dans la bibliothèque à 14h36.

Parce que s’il y était, il est innocent. C’est si désespérément simple. Et peut-être que je pourrais tout résoudre si je pouvais juste parler à Asia [59].

Comme le montrent ces deux extraits, la tension est intimement liée à l’explication, à la tentative de la journaliste de faire la lumière sur l’affaire. Immersion et information vont donc de pair, comme dans le journalisme narratif écrit.

Cependant, ce qui est le plus souvent souligné dans les discussions autour de Serial, ce n’est pas cette dialectique entre fonction intrigante et configurante, mais la « singulière présence [60] » de Koenig dans son podcast. Koenig y détaille les informations et documents à sa disposition – mettant même de nombreux documents à disposition des auditeurs sur le site web de Serial –, discute leurs qualités techniques, leur fiabilité, les questions qu’ils soulèvent. Elle fait part de ses interrogations sur l’enquête mais aussi sur son rôle dans l’enquête. Elle va jusqu’à expliciter ses réactions les plus irrationnelles, comme lorsqu’elle raconte sa première rencontre avec Syed en prison :

Lorsque j’ai rencontré Adnan en personne pour la première fois, j’ai été frappée par deux choses. Il était bien plus grand que je ne l’imaginais […]. Et la deuxième chose que vous ne pouvez pas manquer à propos d’Adnan, c’est qu’il a d’énormes yeux marron, comme une vache laitière. C’est ce qui a déclenché mes questionnements les plus ridicules. Est-ce que quelqu’un avec des yeux pareils pourrait vraiment étrangler sa petite amie ? C’est idiot, je sais [61].

La parole prononcée ne pouvant effacer son caractère subjectif comme la phrase écrite, Koenig décide d’assumer pleinement l’affichage de sa subjectivité en adoptant un positionnement à la fois extrêmement honnête et hautement réflexif. Si ce parti pris a pu être critiqué [62], il a aussi fait des émules, participant à une vague de podcasts que Dowling et Kyle Miller qualifient de « non-fiction captivante basée sur un journalisme transparent et un méta-récit réflexif [63] ». Ces podcasts explorent ainsi de nouvelles voies par rapport à la tension entre effacement et affichage de la médiation du/de la journaliste, tout en prolongeant la tension entre immersion et information – révélant à quel point les deux tensions constitutives du journalisme narratif écrit se retrouvent également dans les récits journalistiques audio.

3.3. Le « journalisme immersif »

Avec la démocratisation croissante de technologies comme la vidéo 360° et la réalité virtuelle, des formats journalistiques particulièrement innovants ont commencé à apparaître depuis une dizaine d’années, souvent rassemblés sous l’étiquette de « journalisme immersif », proposée par Nonny de la Peña et ses collègues. Le terme désigne « la production d’information sous une forme permettant aux récepteurs d’acquérir une expérience directe des événements ou des situations décrits dans les nouvelles [64] ».

Le Washington Post a récemment réalisé une production de ce type à partir d’un article de journalisme narratif publié précédemment par le journal : « Douze secondes de tirs » (« 12 Seconds of Gunfire ») est une « expérience en réalité virtuelle [65] » adaptée d’un article portant le même titre, racontant les conséquences d’une fusillade dans une école primaire de Caroline du Sud. Le récit en réalité virtuelle animée se concentre sur le vécu d’Ava, 6 ans, suite au décès de son meilleur ami (Doc. 4). Comme l’explique un responsable du journal, le but était de créer un récit « dans lequel le fait d’être immergé rend l’histoire plus riche et plus captivante qu’elle ne le serait dans tout autre format [66]. »

Doc. 4 – Capture d’écran de « 12 Seconds of Gunfire », https://www.youtube.com/watch?v=L6ZlUP4o6Yc

La filiation entre ces nouveaux formats et le journalisme narratif apparaît également au travers des termes utilisés pour désigner ces productions : journalisme immersif et expérience en réalité virtuelle – qui renvoient à la volonté de réconcilier information et immersion propre au journalisme narratif. Une analyse des discours d’escorte du journalisme en réalité virtuelle et en vidéo 360° souligne quant à elle que « [l]e journalisme immersif promet, grâce à un ressenti émotionnel accru, une meilleure transmission de l’information et, ce faisant, une meilleure compréhension du récepteur, une meilleure intellection des sujets d’actualité [67]. » Les journalistes qui promeuvent le journalisme immersif

espèrent faire ressentir [au destinataire] les conditions de perception de la personne filmée pour lui donner accès à son vécu. Le reportage immersif proposé au spectateur est présenté par ses promoteurs comme une expérience permettant de percevoir et de s’approprier l’actualité « à la première personne » [68].

Comme l’indique l’expression « à la première personne », la question de la subjectivité se trouve également au cœur de ces nouveaux formats. Analysant un corpus de productions journalistiques en vidéo 360°, Sarah Jones observe que certaines se limitent à fournir une vue à 360° d’un événement ou d’une situation, sans construction narrative. Parmi les productions plus longues et construites, elle distingue les « récits guidés par le reporter » et les « récits guidés par un personnage [69] ». Étudiant en détail la construction d’un reportage en 360°, Angelina Toursel et Philippe Useille notent quant à eux une relation complexe entre la transparence apparente – « le destinataire semble faire l’expérience du monde “réel” sans médiation » – et « la distance de la médiation créée par l’instance narrative [70] ». On retrouve donc ici la tension entre affichage et effacement de la médiation du/de la journaliste qui traverse également le journalisme narratif écrit, dans une articulation nouvelle avec la tension entre information et immersion. Cette articulation nouvelle découle du dispositif technique immersif, complexifiant la poétique de ces récits sans pour autant remettre en question leur filiation avec le journalisme narratif.

J’ai proposé, dans cet article, de concevoir le journalisme narratif comme un modèle pouvant être adapté de différentes façons et à des degrés divers, et se définissant par les deux tensions fondamentales qui le traversent : une tension entre la création d’une intrigue immersive et la volonté de configurer le réel pour informer les lecteurs, et une tension entre l’affichage ou l’effacement de la médiation subjective des journalistes dans leurs récits. J’ai ensuite montré comment ce modèle permettait de souligner que la poétique du journalisme narratif américain, particulièrement dans les journaux quotidiens, mêle inextricablement immersion et information tout en privilégiant des formes d’effacement des journalistes dans leurs textes. J’ai enfin exploré, au travers de quelques exemples, comment la modélisation proposée peut être appliquée à trois formats journalistiques actuellement en développement aux États-Unis : le récit multimédia, le podcast narratif et le journalisme immersif.

La modélisation proposée ne prétend évidemment pas faire le tour des particularités et questions que soulèvent ces formats. Elle invite à les penser dans une perspective historique plus large destinée à mettre en évidence à la fois la persistance et le renouvellement des tensions propres au journalisme narratif écrit dans ces formats. Le présent article s’est concentré sur la sphère journalistique américaine, mais une telle perspective historique doit tenir compte du contexte journalistique et culturel particulier dans lequel se développent ces formats. L’article appelle donc à explorer les éventuelles particularités des nouveaux formats narratifs dans différentes régions du monde, comme cela a été fait – et est encore en train de se faire – pour le journalisme narratif écrit.

Par ailleurs, le rapide parcours effectué pour explorer les trois formats journalistiques en développement montre bien que les deux grandes tensions discutées dans cet article ne peuvent se penser indépendamment de la forme du récit – et donc du support et du dispositif technique dans lequel le récit s’inscrit. Poétique, support et technique ne peuvent s’appréhender séparément. Cela étant, les deux tensions analysées semblent malgré tout transcender les différentes formes, supports et dispositifs techniques pour se retrouver au cœur de toute tentative de raconter, à proprement parler, l’actualité – par opposition aux tentatives de la résumer, la hiérarchiser ou même la rapporter objectivement. Il me semble en tout cas qu’il s’agit là d’une hypothèse féconde à poser à ce stade, en espérant que d’autres travaux de recherche l’explorent plus avant.

Enfin, si cet article s’est centré sur la question de la poétique de différentes formes journalistiques narratives, cette question ne prend pleinement sens que lorsqu’elle est articulée aux pratiques des professionnels de l’information – et à leurs implications éthiques, identitaires ou encore économiques – d’une part, et aux pratiques de réception des publics d’autre part.

Notes

[1] « voice, point of view, character, setting, plot, and/or chronology to report on reality through a subjective filter » (Kobie van Krieken et José Sanders, « What is narrative journalism? A systematic review and an empirical agenda », Journalism, 9 juillet 2019, en ligne : https://doi.org/10.1177/1464884919862056, je traduis).

[2] Marie Vanoost, « Journalisme narratif : proposition de définition, entre narratologie et éthique », Les Cahiers du journalisme, no 25, 2013, p. 152‑53.

[3] « like a novel » (Wolfe, Tom (dir.), The New Journalism, New York, Harper & Row, 1975, p. 21, je traduis).

[4] V. notamment John Bak et Bill Reynolds (dir.), Literary Journalism Across the Globe: Journalistic Traditions and Transnational Influences, Amherst, University of Massachusetts Press, 2011 ; Richard Keeble et John Tulloch (dir.), Global Literary Journalism: Exploring the Journalistic Imagination, New York, Peter Lang, 2012 ; Richard Keeble et John Tulloch (dir.), Global Literary Journalism: Exploring the Journalistic Imagination (Volume 2), New York, Peter Lang, 2014.

[5] Concernant l’histoire de cette forme aux États-Unis, puisque c’est de journalisme narratif américain dont il est question dans cet article, v. notamment Thomas Connery (dir.), A Sourcebook of American Literary Journalism: Representative Writers in an Emerging Genre, New York, Greenwood Press, 1992 ; John Hartsock, A History of American Literary Journalism: The Emergence of a Modern Narrative Form, Amherst, University of Massachusetts Press, 2000 ; Thomas Schmidt, Rewriting the Newspaper: The Storytelling Movement in American Print Journalism, Columbia, University of Missouri Press, 2019 ; Norman Sims, True Stories: A Century of Literary Journalism, Evanston, Northwestern University Press, 2007.

[6] V. Marie Vanoost, « Defining narrative journalism through the notion of plot », Diegesis, vol. 2, no 2, 2013, p. 77‑97.

[7] Raphaël Baroni, L’œuvre du temps : Poétique de la discordance narrative, Paris, Seuil, 2009 ; « Face à l’horreur du Bataclan : récit informatif, récit immersif et récit immergé », Questions de communication, vol. 34, 2018, p. 107-132.

[8] Paul Ricœur, Temps et récit, tome 1 : L’intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1991, p. 125-135.

[9] Raphaël Baroni, « Face à l’horreur du Bataclan : récit informatif, récit immersif et récit immergé », art. cit., p. 114.

[10] Raphaël Baroni, La tension narrative : Suspense, curiosité et surprise, Paris, Seuil, 2007.

[11] Jean-Michel Adam, Les textes : types et prototypes, Paris, Nathan, 1992.

[12] Meir Sternberg, Expositional modes and temporal ordering in fiction, Bloomington Indiana University Press, 1993.

[13] Raphaël Baroni, « Face à l’horreur du Bataclan : récit informatif, récit immersif et récit immergé », art. cit., p. 114.

[14] Marie Vanoost, « Comment et pourquoi raconter le monde aujourd’hui ? », Sur le journalisme, vol. 8, no 1, 2019, p. 133‑34.

[15] « a powerful means to […] increase the audience’s understanding of society in all its complexities » (Kobie van Krieken et José Sanders, art. cit., je traduis).

[16] Jon Franklin, Writing for Story: Craft Secrets of Dramatic Nonfiction by a Two-Time Pulitzer Prize Winner, New York, Plume, 2002 ; Jack Hart, Storycraft: The Complete Guide to Writing Narrative Nonfiction, Chicago, University of Chicago Press, 2011 ; Alain Lallemand, Journalisme narratif en pratique, Bruxelles, De Boeck, 2011.

[17] Raphaël Baroni, La tension narrative, éd. cit.

[18] Kobie van Krieken et José Sanders, art. cit.

[19] « [t]he narrative shows readers what happened, often in vivid details. Of all of the forms of writing, it is the one that strives to re-create reality for the reader » (James Stewart, Follow the Story: How to Write Successful Nonfiction, New York, Simon et Schuster, 1998, p. 74, je traduis).

[20] « descriptions of the sensory perceptions, emotions, and thoughts of characters » (Kobie van Krieken, « Literary, Long‐Form, or Narrative Journalism », dans The International Encyclopedia of Journalism Studies, Tim Vos et Folker Hanusch (dir.), Hoboken, Wiley-Blackwell, 2019, p. 3, je traduis).

[21] Marie Vanoost, « Defining narrative journalism through the notion of plot », art. cit.

[22] Ce corpus était composé de 32 textes américains et 32 textes francophones, sélectionnés sur les conseils d’experts dans les deux régions comme particulièrement représentatifs de ce que constitue le journalisme narratif. V. Marie Vanoost, « Le journalisme narratif aux États-Unis et en Europe francophone : Modélisation et enjeux éthiques », Thèse de doctorat, Université catholique de Louvain, 2014.

[23] Marie Vanoost, « Comment et pourquoi raconter le monde aujourd’hui ? », art. cit.

[24] Kobie van Krieken et José Sanders, art. cit.

[25] Ibid.

[26] Marie Vanoost, « Éthique et expression de l’expérience subjective en journalisme narratif », Sur le journalisme, vol. 2, no 2, 2013, p. 168.

[27] Marie Vanoost, « Le journalisme narratif aux États-Unis et en Europe francophone : Modélisation et enjeux éthiques », op. cit.

[28] V. notamment Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 225-267.

[29] V. notamment Gérard Genette, op. cit., p. 206-224 ; Mieke Bal, « Narration et focalisation : Pour une théorie des instances du récit », Poétique, no 29, 1977, p. 107‑127 ; Alain Rabatel, La construction textuelle du point de vue, Lonay, Delachaux et Niestlé, 1998 ; Raphaël Baroni. « Les fonctions de la focalisation et du point de vue dans la dynamique de l’intrigue », Cahiers de narratologie, no 32, 2017, en ligne : https://doi.org/10.4000/narratologie.7851.

[30] « forms of constituting consciousness » (Monika Fludernik, Towards a ‘Natural’ Narratology, Londres, Routledge, 1996, p. 37, je traduis).

[31] « When her mom came to pick her up for drug court that morning, Stacy Nicholson was still high.

[…]

Stacy and two of her cousins had been holed up for months in this rundown house, shooting crushed-up pain pills. Used syringes littered an end table. Stacy’s mom had kept telling her: Someone in this house is going to die » (je traduis).

[32] « Of all the oxycodone prescribed in America in the first half of last year, 98 percent was dispensed in Florida. According to the state medical examiner’s office, an average of seven Floridians die from prescription drug overdoses every day — more than from car accidents » (je traduis).

[33] « In Judge Farnell’s court in February, Stacy entered what everyone agreed was a fight for her life. She could get better, or she could become one of Florida’s seven a day » (je traduis).

[34] « On any other day, for most of Stacy’s life, a text like that would have been the perfect reason to reach for a pill. But not that day.

On that day, she let herself feel the pain » (je traduis).

[35] « About 500 defendants came to court on Ladies’ Days this year. St. Petersburg Times journalists attended week after week. They interviewed dozens of women. They followed addicts as they bounced between jail and treatment, stayed in abandoned houses, looked for jobs and stumbled toward recovery or relapse.

One woman let the journalists follow her all year » (je traduis).

[36] « This is the story she would tell later » (je traduis).

[37] Un genre américain qui se rapproche de la chronique dans le monde francophone.

[38] « My courtship of Bunny Yeager began last summer when I punched her number into my phone and felt like a nerdy kid asking Gaga out on a date.

I had rehearsed what I was going to say: “Miss Yeager, we grew up in the same neighborhood. I remember the glory days of Miami and have always appreciated your contributions to Florida culture. I wonder, Miss Yeager, how you might feel about the possibility of me visiting you at home and writing a story.” But when she answered I felt 13 again » (je traduis).

[39] Il faut noter ici que si ce choix est minoritaire parmi les textes du corpus, principalement constitué d’articles de journaux quotidiens, il se retrouve plus fréquemment dans des articles narratifs publiés dans des magazines – notamment en raison de consignes éditoriales différentes.

[40] V. Susan Jacobson, Jacqueline Marino, et Robert Gutsche Jr., « The digital animation of literary journalism », Journalism, vol. 17, no 4, 2016, p. 527–546.

[41] « Stories written in a dramatic, narrative fashion, as I tried to write “Black Hawk Down,” typically dispense with the wooden recitation of sources. […] Hyperlinks solved that problem. […] These audio-visual features not only added to the fun of reading the story, but grounded it more firmly in reality » (Mark Bowden, « Narrative Journalism Goes Multimedia », Nieman Reports, 2000, en ligne : https://niemanreports.org/articles/narrative-journalism-goes-multimedia/, je traduis).

[42] Ibid.

[43] David Dowling et Travis Vogan, « Can We “Snowfall” This? Digital longform and the race for the tablet market », Digital Journalism, vol. 3, no 2, 2015, p. 209‑224.

[44] https://www.pulitzer.org/winners/john-branch

[45] Jeremy Rue, cité par David Dowling et Travis Vogan, art cit., p. 213.

[46] « an immersive environment in which […] “our attentional focus is contained: it is directed toward the text in front of us, with minimal distraction.” Although the embedded multimedia elements paradoxically may disperse readers’ attention, they do so in ways that encourage them to dive deeper into the narrative world and thus “to immerse ourselves in whatever we are reading” » (David Dowling et Travis Vogan, art cit., p. 211, je traduis).

[47] Roy Peter Clark, « Snow-blind: The challenge of voice and vision in multi-media storytelling », Poynter, 27 août 2014, en ligne : https://www.poynter.org/reporting-editing/2014/snow-blind-the-challenge-of-voice-and-vision-in-multi-media-storytelling/.

[48] « the sum of all the choices made by the writer that create the illusion that the writer is speaking off the page directly to the reader » (ibid., je traduis).

[49] « quality created by the sum of all the choices made by the designer or artist, the effect of which is a unified way of seeing, as if we were all looking through the same lens » (ibid., je traduis).

[50] https://niemanstoryboard.org/stories/the-washington-post-crosses-a-storytelling-frontier-with-a-new-age-of-walls/

[51] « From eight countries across three continents, this series examines the divisions between countries and peoples through interwoven words, video and sound » (https://www.washingtonpost.com/graphics/world/border-barriers/global-illegal-immigration-prevention/, je traduis).

[52] « highlights the importance of increased linearity in design innovation. Designers have taken seriously the point made by literary critic Sven Birkerts that “if readers are really caught in narrative suspense, eager to find what happens next or emotionally bonded to the characters, they would rather turn pages under the guidance of the author than freely explore a textual network.” » (David Dowling, « Toward a New Aesthetic of Digital Literary Journalism: Charting the Fierce Evolution of the “Supreme Nonfiction” », Literary Journalism Studies, vol. 9, no 1, 2017, p. 110, je traduis).

[53] « the crafted or narrative audio storytelling » (Siobhán McHugh, « How podcasting is changing the audio storytelling genre », Radio Journal: International Studies in Broadcast & Audio Media, vol. 14, no 1, 2016, en ligne : https://ro.uow.edu.au/cgi/viewcontent.cgi?article=3366&context=lhapapers, p. 5, je traduis).

[54] Ibid.

[55] Jennifer O’Meara, « “Like Movies for Radio”: Media Convergence and the Serial Podcast Sensation », Frames Cinema Journal, vol. 8, 2015, en ligne : http://framescinemajournal.com/article/like-movies-for-radio-media-convergence-and-the-serial-podcast-sensation/.

[56] Siobhán McHugh, op. cit.

[57] Jilian DeMair, « Sounds Authentic: The Acoustic Construction of Serial’s Storyworld », dans The Serial Podcast and Storytelling in the Digital Age, Ellen McCracken (dir.), New York et Londres, Taylor et Francis, 2017, p. 24‑36 ; David Dowling et Kyle Miller, « Immersive Audio Storytelling: Podcasting and Serial Documentary in the Digital Publishing Industry », Journal of Radio & Audio Media, vol. 26, no 1, 2019, p. 167‑184.

[58] « This conversation with Rabia and Saad, this is what launched me on this year long ‒ “obsession” is maybe too strong a word ‒ let’s say fascination with this case. By the end of this hour, you’re going to hear different people tell different versions of what happened the day Hae Lee was killed. But let’s start with the most important version of the story, the one Rabia told me first. And that’s the one that was presented at trial » (je traduis).

[59] « So three, four months after I first sat down with Rabia, I had become fixated on finding Asia. […] Because the whole case seemed to me to be teetering on her memories of that afternoon. I have to know if Adnan really was in the library at 2:36 PM.

Because if he was, library equals innocent. It’s so maddeningly simple. And maybe I can crack it if I could just talk to Asia » (je traduis).

[60] « distinctive presence » (Jennifer O’Meara, op. cit., je traduis).

[61] « When I first met Adnan in person, I was struck by two things. He was way bigger than I expected […]. And the second thing, which you can’t miss about Adnan, is that he has giant brown eyes like a dairy cow. That’s what prompted my most idiotic lines of inquiry. Could someone who looks like that really strangle his girlfriend? Idiotic, I know » (je traduis).

[62] Mia Lindgren, « Personal narrative journalism and podcasting », The Radio Journal – International Studies in Broadcast & Audio Media, vol. 14, no 1, 2016, p. 23‑41.

[63] « absorbing nonfiction through transparent journalism featuring self-reflexive metanarrative » (David Dowling et Kyle Miller, art. cit., je traduis).

[64] « the production of news in a form in which people can gain first-person experiences of the events or situation described in news stories » (Nonny de la Peña et al., « Immersive Journalism: Immersive Virtual Reality for the First-Person Experience of News », Presence: Teleoperators and Virtual Environments, vol. 19, no 4, 2010, p. 291, je traduis).

[65] « virtual reality experience » (https://www.youtube.com/watch?v=23Qp7PojJd4, je traduis).

[66] « where the act of being immersed in it makes the story richer and more compelling than it would be any other way » (Tom Jones, « The Washington Post’s latest: an animated film about an elementary school shooting », Poynter, 29 avril 2019, en ligne : https://www.poynter.org/tech-tools/2019/the-washington-posts-latest-an-animated-film-about-an-elementary-school-shooting/, je traduis).

[67] Céline Ferjoux et Émilie Ropert Dupont, « Journalisme immersif et empathie : l’émotion comme connaissance immédiate du réel », Communiquer. Revue de communication sociale et publique, no 28, 2020, en ligne : https://doi.org/10.4000/communiquer.5477.

[68] Angelina Toursel et Philippe Useille, « Le reportage immersif : une expérience paradoxale du réel et de la vérité ? », Recherches en Communication, vol. 51, 2020, p. 108.

[69] « Reporter-led narratives » et « character-led narratives » (Sarah Jones, « Disrupting the narrative: immersive journalism in virtual reality », Journal of Media Practice, vol. 18, no 2‑3, 2017, p. 179.)

[70] Toursel et Useille, art. cit., p. 111.

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Auteur

Marie Vanoost est chargée de cours invitée à l’UCLouvain, l’UNamur et SciencesPo Rennes. Ses recherches actuelles portent sur la réception de l’information, et en particulier du journalisme narratif, ainsi que sur le développement de formes journalistiques innovantes. Sa recherche doctorale était consacrée à la proposition d’une modélisation du journalisme narratif, ainsi qu’à l’analyse des enjeux éthiques propres à ce type de journalisme, tant en Europe francophone qu’aux États-Unis.

Elle a contribué aux ouvrages Le transmédia, ses contours et ses enjeux (Presses universitaires de Namur, 2020)  Les Mooks : espaces de renouveau du journalisme littéraire (L’Harmattan, 2017) et En immersion : pratiques intensives du terrain en journalisme, littérature et sciences sociales (Presses universitaires de Rennes, 2017)Elle a également publié ses travaux dans les revues Poetic Today, Literary Journalism Studies, DIEGESIS, Communication, Recherches en Communication, Sur le journalisme, Cahiers de narratologie et Cahiers du journalisme.

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