Présentation

Nuits magnétiques, programme emblématique de France Culture diffusé entre 1978 et 1999, est souvent décrit comme une émission en rupture avec la programmation de la chaîne culturelle. Le contenu des propos diffusés (une parole plus déliée, un ton proche de la confession, des interviewés et des thématiques qu’on n’entendait pas ailleurs) tranche alors avec le reste de la grille. Une recontextualisation de la création du programme nuance cependant cette première impression. Nuits magnétiques est davantage la cristallisation de multiples expériences passées que le surgissement d’une émission-ovni comme elle est parfois décrite.

Parmi les influences revendiquées, il y a au premier chef l’ACR, Atelier de création radiophonique, créé en 1969,  dont Jean Daive, producteur aux Nuits magnétiques, admet, dans ce numéro, avoir été « jaloux ». Mais il sera assez facile pour les Nuits de se démarquer de ce grand frère encombrant, figure totémique, et qui cherche avant tout à mener des recherches esthétiques sur le son (voir le numéro de Komodo 21 qui lui a été consacré en 2019). Nuits magnétiques sera davantage séducteur et vulgarisateur, et radio de récit. Souvent citées aussi par les écrivains, les émissions spéciales réalisées pendant le festival d’Avignon, comme par exemple, Avignon ultra-son (1977, 1978), émission hebdomadaire de plusieurs heures, et qui semble aussi avoir soudé le groupe de producteurs qui ne travaillaient pas ensemble en temps normal. On y entend déjà Olivier Kaeppelin, Jean Daive, et Franck Venaille qui depuis l’année précédente possède son propre espace, Magnetic (nom qui a inspiré celui de l’émission Nuits magnétiques), dans ce qui s’appelle alors Avignon 76. Le nom d’une autre émission revient aussi : Poésie ininterrompue, de Claude Royet-Journoud, qui a permis l’expression de poètes à la radio, ainsi que le croisement de plusieurs personnalités qui deviendront les écrivains des Nuits magnétiques (Jean Daive et Franck Venaille). L’émission Biographie est aussi citée par Alain Veinstein, notamment celle où Franck Venaille se raconte [1].

D’autres programmes apparaissent comme des « laboratoires » des Nuits magnétiques : La réalité le mystère, programme spécial conçu par Alain Veinstein et diffusé par France Culture du 24 décembre 1976 au 1er janvier suivant, où interviennent aussi Jean Daive et Franck Venaille. Ce dernier y produit notamment une série intitulée « La réalité en ces lieux » qui préfigure les Nuits magnétiques : il y est question d’espionnage, de vie dans les hôtels, et de football (certains numéros seront même rediffusés dans les Nuits). Programme continué l’année suivante aux mêmes dates (24 décembre 1977 – 1er janvier 1978) sous le titre Les derniers jours heureux, dont la forme annonce elle aussi les Nuits magnétiques. On y retrouve Franck Venaille, et Jean Daive qui sillonne la France pour donner la parole aux « gens de la terre ». Pour ce programme, Veinstein avait aussi demandé à Michel Chaillou d’improviser au micro un récit-feuilleton évoquant un mystérieux archipel perdu, Perdus dans la mer de Weddel. L’écrivain, tétanisé, raconte avoir perdu trois kilos durant cette expérience [2].

Parmi les émissions voisines, non mentionnées par l’équipe des Nuits magnétiques, on peut citer De la nuit (1975-77), qui la précède dans la grille de France Culture [3]. Son créateur, Gilbert-Maurice Duprez, produit lui aussi quelques Nuits magnétiques avant de se consacrer à d’autres aventures. L’intervention de témoins ordinaires, la recherche d’une forme d’intimité et l’effacement du producteur à l’antenne se retrouvent déjà dans De la nuit [4]. La réécoute de toutes ces émissions permet de mieux saisir le contexte radiophonique des Nuits magnétiques.

Il faut aussi rappeler le contexte, plus général, du paysage radiophonique d’alors. En 1978 existe encore le monopole de radiodiffusion. Cependant, les radios pirates commencent à émettre en grand nombre, et le service public se retrouve concurrencé par ces nouvelles façons de faire de la radio et le combat pour la liberté d’expression. En cela, Nuits magnétiques a sans doute été marqué par l’émergence de ces nouvelles radios, ce qui se traduit notamment par l’ouverture du micro à des interviewés venant d’univers sociaux assez divers, qui apparaissent comme des minorités (ce qu’on retrouve déjà dans l’émission De la nuit).

Si l’on se réfère aux propos d’Alain Veinstein, la création de Nuits magnétiques ne va pas de soi. Bien que solidement installé dans l’équipe de direction de France Culture (il est responsable des programmes depuis 1975), celui-ci confie avoir été confronté, sinon à une forme d’opposition, du moins à une forme de défiance ou de « résistance », en dépit du soutien d’Yves Jaigu, alors directeur de France Culture (« Nous étions attendus au tournant [5] »). Ces querelles internes demeurent aujourd’hui mystérieuses. Si opposition aux Nuits magnétiques il y a eu, elle n’est en tout cas pas parvenue à empêcher l’émission de s’imposer dans la grille de France Culture. Alain Veinstein souhaite alors contrer une orientation « spiritualiste » de la chaîne, en proposant (avec « très peu de moyens ») une émission de nuit obéissant à une « maquette permanente », avec la volonté de toucher des auditeurs plus jeunes que ceux de France Culture, ayant plutôt l’âge de ceux qui feraient l’émission, à savoir une trentaine d’années [6].

S’intéresser comme nous le faisons ici à un programme de radio quotidien, dont la durée de diffusion s’est étalée de 1978 à 1999, ne va pas de soi. Même si les producteurs qui en ont été responsables ont été peu nombreux (Alain Veinstein, son créateur, et Laure Adler pour la première décennie, Colette Fellous pour la seconde), le nombre d’émissions conçues, la diversité des personnalités qui y ont contribué, l’évolution du paysage radiophonique, l’influence des différentes époques traversées aussi, font de cet objet de recherche une matière particulièrement complexe à appréhender. Un dernier élément ajoute à la difficulté : Nuits magnétiques est une émission protéiforme. Bien que la plupart de ses numéros relèvent d’un genre « documentaire » (terme à manier avec précaution en raison de son rejet par le créateur de l’émission), certains autres (en particulier durant la première époque de l’émission, entre 1978 et 1989) relèvent plutôt du genre « magazine », et font se succéder des chroniqueurs présents en studio. Cette diversité des formes mises en jeu n’empêche pas d’analyser aussi l’émission en termes de dispositifs d’écriture spécifiques, liés à des partis pris esthétiques plus ou moins saillants, comme nous le faisons dans notre contribution à ce numéro.

L’objet des textes publiés ici n’est pas de couvrir les multiples approches possibles d’un programme aussi riche et divers qu’étendu dans le temps, toujours bien présent dans la mémoire des auditeurs les plus âgés : comme nous l’avons fait il y a deux ans à propos de l’ACR, il s’agit d’interroger la part des écrivains dans la conception du programme. L’angle est pertinent, puisque dès les débuts la volonté de Veinstein est précisément d’associer les écrivains à la production des Nuits magnétiques. Si l’idée n’est pas complètement nouvelle (de nombreux écrivains ont participé au Club d’Essai de Jean Tardieu dans les années 1940 et 1950, de nombreux écrivains aussi ont créé des fictions pour la radio, ou animé des émissions de poésie), la forme que prend leur collaboration à Nuits magnétiques est plus inédite : cette fois en effet, c’est comme si les écrivains recrutés l’avaient été à « contre-emploi », puisqu’il ne leur était pas demandé d’écrire au sens le plus habituel du mot, mais au contraire de quitter leur atelier d’écriture, d’abandonner leur outil de prédilection (la machine à écrire ou le stylo), pour s’emparer du terrain et recueillir la parole de gens venus de tous les univers sociaux. Rétrospectivement, cette idée apparaît comme neuve puisqu’elle invite ces écrivains à se « déplacer », tant du point de vue des pratiques professionnelles que du point de vue géographique (mener des entretiens à l’extérieur des studios) [7]. Plusieurs écrivains « élus » vont répondre favorablement à cette mission qui n’a rien d’une sinécure, tant elle exige l’apprentissage de nouvelles pratiques professionnelles (l’interview, le montage, la construction d’une dramaturgie propre à la radio), et l’intégration à un collectif (le personnel de la radio, au premier chef les chargés de réalisation [8]) auquel un écrivain n’est pas a priori habitué. Précisons d’emblée, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, que d’une part ces écrivains n’ont jamais constitué un pool permanent, et que d’autre part tous les numéros de Nuits magnétiques n’ont pas été produits par des écrivains. L’émission a toujours été une structure ouverte. Par conséquent de nombreux producteurs, aux statuts divers, se sont succédé et ont joué leur part dans l’histoire du programme [9].

Si l’intention des coordinateurs de ce numéro est bien de s’emparer de l’histoire de Nuits magnétiques dans sa globalité temporelle (la contribution de Colette Fellous l’atteste, ainsi que l’article que lui consacre Clara Lacombe), une plus grande attention est portée aux toutes premières années de l’émission, période où la présence des écrivains-producteurs est la plus forte, ainsi qu’aux écrivains les plus réguliers. Au fil du temps, même si la notion d’écriture demeure primordiale dans la conception des programmes et que les écrivains continuent de figurer en bonne place parmi les interviewés, la présence d’écrivains-producteurs devient moins visible.

Les écrivains qui ont participé à la première décennie de cette expérience marquante dans l’histoire de la radio n’appartiennent pas à un même courant littéraire, et, amitiés mises à part, n’ont pas d’autre point commun que d’avoir été embarqués dans l’aventure par le grand artisan de ces Nuits. Il était de ce fait important de faire valoir leur diversité, en leur donnant la parole, à commencer par Alain Veinstein lui-même, qui nous avait fait le plaisir de répondre à l’invitation de Karine Le Bail et à ses questions lors du colloque organisé à Paris en décembre 2018, d’où est issu ce numéro. Étaient aussi présents au colloque Jean Daive, Olivier Kaeppelin et Jean-Pierre Milovanoff, qui figurent parmi les pionniers de l’émission, et y ont tous participé une dizaine d’années au moins. Leurs interventions nous font comprendre leur découverte de la radio et de la collaboration avec les gens de radio, leurs centres d’intérêt et territoires d’action, la manière dont ils concevaient leur rôle dans ce programme, à plus ou moins grande distance des livres mais toujours tout contre le langage. On sent, à les lire, la grande marge de manœuvre qui leur était laissée pour concevoir leurs émissions. C’est sans doute cette liberté, et cette confiance, qui ont permis au programme de se déployer et d’offrir à l’auditeur des moments marquants.

Parmi les contributeurs de ce numéro figure aussi Irène Omélianenko. Même si elle n’a pas eu d’activité d’écrivain à côté de son travail à la radio, elle nous est apparue comme un témoin privilégié des débuts de Nuits magnétiques. D’une part, elle y fut responsable de 1985 à 1987, avec Jean Couturier, de la rubrique Arts sons, à l’affût des innovations artistiques et des nouvelles écritures. D’autre part, elle a connu une riche carrière radiophonique à France Culture, comme productrice de nombreuses Nuits magnétiques et comme collaboratrice d’autres émissions comme Le vif du sujet ou Radio Libre. Toujours avec Jean Couturier, elle a aussi créé le magazine Clair de nuit. Elle a enfin été responsable de l’émission Sur les docks, et conseillère de programme à France Culture.

Il était aussi important de rappeler l’apport de producteurs qui ne sont plus parmi nous. Céline Pardo s’intéresse ainsi aux jeux d’influence mutuels entre écriture pour la radio et écriture pour le support livre qui caractérisent le travail de Franck Venaille, décédé en 2018 quelques mois avant le colloque. Annie Pibarot, quant à elle, fait revivre Nicole-Lise Bernheim qui apparaît comme une précurseuse dans l’exploration des relations hommes/femmes, et dans l’écriture d’un journal intime en résonance avec l’Histoire en marche.

Notes

1 Biographie du 21 avril 1976. Notice Ina : PHD99247893.
2 Souvenir de Michel Chaillou dans Du jour au lendemain, France Culture, mardi 10 juillet 2007. Cependant, d’après la notice Ina, le récit a été réalisé en studio par Jean Couturier début avril 1977 et non en direct. Résumé de l’histoire : « Neuf hommes en perdition sur une banquise de l’Antarctique tentent, par le truchement d’un poste émetteur, de gagner la terre ferme. Le navire L’Aventure est encerclé par la banquise, le capitaine Prieur cherche à se faire entendre des secours… Le capitaine et l’équipage décident d’abandonner le navire et de rejoindre l’Ile de l’Eléphant… ne reste plus que neuf survivants » (notice Ina).
3 Dans son entretien pour le documentaire « Nuits magnétiques, bonsoir… » (France Culture, 3 septembre 2013), Alain Veinstein dit avoir voulu quant à lui se démarquer de De la nuit et de son aspect « littéraire » et « poétisant ».  V. notre article
4 V. notre article « De la nuit. De l’écrivain anonyme », Komodo 21, 8 | 2018.
5 Entretien avec Alain Veinstein pour le documentaire « Nuits magnétiques, bonsoir… », ém. citée.
6  Ibid.
7  Juste après la fin de Nuits magnétiques, alors coordonné par Colette Fellous, Alain Veinstein décide de créer une nouvelle émission, Surpris par la nuit, en souhaitant s’appuyer à nouveau sur des écrivains. Mais il ne parviendra pas à refidéliser une équipe d’écrivains. On peut citer Tanguy Viel parmi les écrivains producteurs les plus réguliers.
8  Citons, pour la première période : Pamela Doussaud, Yvette Tuchband, Josette Colin, Mehdi El Hadj, Bruno Sourcis.
9  Citons, pour les débuts de l’émission, la présence récurrente du journaliste Pascal Dupont, entre 1978 et 1980.

 

Auteur

Christophe Deleu est professeur à l’université de Strasbourg, et directeur du Cuej (Centre Universitaire d’enseignement du Journalisme). Il a publié plusieurs ouvrages, dont Le documentaire radiophonique (Ina-L’Harmattan, 2013). Il est aussi auteur radio, notamment pour France Culture et la RTBF. Il a co-réalisé la série de podcasts Fins du monde avec Marine Angé.  Il est président de la commission radio de la Société des Gens de Lettres.

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Le roman des voix. Entretien avec Christophe Deleu

Colette Fellous ‒ Je me souviens de la première fois où je suis allée voir Alain (Alain Veinstein) pour lui proposer une série de Nuits magnétiques. C’est Alain Trutat qui m’avait envoyée chez lui, car j’avais déjà produit plusieurs ACR [1]. J’étais une vraie écouteuse des Nuits magnétiques. Tous les soirs j’écoutais, j’étais passionnée par tout ce monde qui était là. Et donc je lui ai dit simplement que j’avais très envie de faire une série sur « la première fois », sur toutes les premières fois qu’on pouvait connaître. Dans ce bureau, j’ai prononcé juste deux ou trois mots, comme deux ans auparavant devant René Farabet quand je lui avais proposé de faire un ACR sur la mémoire et le cercle [2]. Comme Alain savait que je venais de l’Atelier (il avait écouté cette émission sur la mémoire et le cercle, m’a-t-il glissé), il m’a dit très vite : « Je vous préviens, ici, c’est au ras des pâquerettes. » Il y avait une jolie malice dans ses yeux et déjà une connivence, quelque chose qui faisait qu’il y avait de l’air, de l’humour, de la légèreté, et en même temps de l’engagement parce qu’on connaissait l’un et l’autre la grande exigence de la radio. Je savais qu’il était poète, lui savait sans doute que j’étais écrivain, mais en même temps on ne se connaissait pas et on s’est tout de suite fait confiance [3].

Par rapport à l’Atelier de création, que j’aimais beaucoup, qui a été un peu ma formation, les Nuits magnétiques représentaient un espace de liberté, de vraie liberté. C’était un lieu directement ancré dans le mouvement du monde, moins figé que l’Atelier. J’en avais un peu assez de faire des Ateliers : c’était très intéressant, mais sans le mouvement, la liberté que je cherchais dans la radio, liberté de la phrase, de la voix, de la composition, du montage ; liberté, au fond, d’une forme à inventer autant que dans le roman. Je venais de faire paraître mon premier roman [4], et je voulais faire de la radio une sorte de roman. Alain proposait comme ligne conductrice des Nuits magnétiques la radio comme un récit : de mon côté, je le voyais peut-être moins comme un récit, plus comme un roman avec la voix des autres, et le bruit du monde. Les gens qu’on rencontre, ça devient souvent comme des personnages d’un roman : on ne les rencontre pas juste pour nous, on sait qu’après ils vont être écoutés par d’autres. Il y a donc à la fois une proximité et une distance, aussi. C’est un peu un jeu.

J’aime beaucoup les chemins parallèles de la radio et du roman, j’ai besoin de cet esprit d’équipe, les techniciens, les réalisateurs, les assistants, tout ce qui fait la beauté de la radio. J’ai besoin bien sûr de ceux que je vais rencontrer et qui vont me confier leur parole, c’est merveilleux d’aller dans des pays lointains ou des villes encore inconnues et de rencontrer de nouveaux visages, de nouvelles voix pour ensuite les faire partager au public, c’est une expérience unique. Être toujours en mouvement, écouter, bouger, être à la recherche. J’aime le mouvement en fait, pas seulement le mouvement de la pensée, mais le mouvement physique. Et en même temps, pour écrire, j’ai besoin de solitude, de fouiller dans une mémoire ancienne, des régions plus étroites, plus secrètes. Mais la voie que je recherche est la même, ainsi je ne me sens jamais séparée.

La radio nourrit l’écriture car lorsque j’écris, beaucoup de choses de l’expérience de la radio me reviennent, du montage notamment, du rythme des voix, de la musique. J’ai beaucoup appris sur la façon de rythmer une phrase par l’habitude d’écouter très attentivement la voix et la pensée des autres. Et de l’autre côté, j’aime composer une émission, même avec peu de moyens à la façon d’un roman, c’est-à-dire que je prends la liberté de mettre ensemble des gens ou des thèmes qui n’ont pas forcément de rapports entre eux puisque je sais que comme dans l’écriture je leur trouverai un lien. Dans un livre, tout peut surgir au détour d’une phrase, on peut parler d’autre chose, lever la tête, décrire le ciel ou une branche d’arbre et puis on revient, on reprend la route, le récit. Le roman, c’est une pensée des liens. Quand j’écris, je suis moins préoccupée par le sujet que par ces liens à faire. C’est cela la fiction pour moi, la forme d’un livre, sa liberté, son audace, son mouvement, c’est ce que j’aime par-dessus tout, dans les livres que je lis également.

Mais la fiction apparaît dès qu’on écrit ou qu’on enregistre quelque chose : ça de détache de soi ou du réel et ça devient une autre matière. Même à partir d’enquêtes très concrètes, même quand j’évoque des expériences intimes de ma vie, pour moi dès que je les installe dans une forme, elles deviennent de la fiction. Je pense que c’est aussi parce que c’est destiné à être lu ou écouté par un public qu’on ne voit pas, auditeurs, lecteurs. C’est « adressé », comme aurait dit Barthes. Ce n’est plus une chose qu’on a vécue soi-même, c’est une chose qu’on va rapporter, retravailler, mais qui est adressée. Et qui, sans adresse, n’existerait pas.

Christophe Deleu ‒ Vous parlez de l’écoute et de l’adresse : une chose me frappe dans Nuits magnétiques, c’est que, dès qu’on commençait à écouter, on savait qu’on était pris en charge en tant qu’auditeur. Dès le générique, dès l’accueil, on savait qu’on allait être bien traité.

Colette Fellous ‒ Oui, tout de suite, il fallait plonger l’auditeur dans un monde à la fois… mystérieux, secret, intime je veux dire, mais où tout le monde pouvait entrer et s’y reconnaître, c’est ça qui était beau. On invitait l’auditeur, en fait. La radio, c’est vraiment un pacte, un pacte grandiose entre celui qui parle, qui ne voit pas l’auditeur, et l’auditeur, qui écoute et ne voit pas celui qui parle. Je crois d’ailleurs que tous les producteurs de Nuits magnétiques avaient ce pacte, qui était aussi… un peu consolidé par les chargés de réalisation, qui défendaient l’esprit d’une émission et pouvaient dire par exemple à un nouveau producteur : « Ah non, là ce n’est pas Nuits magnétiques. » Pour différencier aussi l’émission des autres émissions de la chaîne, dès le générique, dès le « chapeau ». Le ton était facilement reconnaissable.

C’est très bizarre ce qui se passe quand on « passe » à la radio. Il suffit que le micro soit ouvert, que la bande magnétique se mette à défiler, pour que le temps tout d’un coup se découpe d’une autre façon. C’est très difficile à expliquer, c’est une sensation impalpable. Mais parfois, de l’autre côté, lorsque c’est réussi, l’auditeur arrive à entendre ce frémissement de la voix, de ce qu’elle ne dit pas complètement mais qu’elle fait ressentir. On devine le début d’un sourire, l’éclat des yeux, la forme des lèvres, le temps entre deux phrases devient si allusif, si beau, si plein. Le temps de l’enregistrement est cet endroit du monde où tout à coup on se retrouve au bord du vide et que les mots, la voix, le silence, toutes les choses qui sont suspendues dans l’air prennent la peine de se mettre ensemble pour créer un nouveau temps qui n’appartiendra désormais qu’à la radio. Un temps de grâce. C’est là qu’il vivra, c’est là qu’il sera reconstruit et qu’on l’offrira au public. C’est un temps qui sépare et qui relie en même temps, qui peut faire même oublier parfois ce que vous êtes en train de dire. Mais c’est un temps qui ne triche jamais, et qui vous fait entrer de plain-pied avec ce que vous êtes. Votre voix témoigne de tout, de vous et des autres, à ce moment-là. Rien n’échappe au micro, il prend tout, en vrac, le bien et le mal, les failles et les défauts autant que les plis de la vérité, la malice d’un sourire, les accrocs du vent ou l’amertume d’une existence…

Si j’ai fait de la radio, c’est vraiment pour ça : pour créer et entrer dans ce temps-là. Créer avec peu de choses. Avec les sons, les ambiances des villes (même très proches… la rue d’en-bas aussi bien…). Surtout avec la voix des autres. Avec les mots qui vont être rassemblés et dont on va prendre soin aussi. Je me souviens que je préparais assez vite mes textes d’introduction ou mes textes de liaison. Je prenais quelques notes pendant la préparation, mais j’avais besoin ensuite de la pression de l’antenne pour écrire vraiment. Je les écrivais presque un quart d’heure avant le début de l’émission, afin de mieux transmettre une émotion, ou plutôt pour retrouver mon émotion première, celle que j’avais eue au moment de l’enregistrement et faire que l’auditeur soit exactement au même niveau que cette émotion, que nous écoutions et découvrions ensemble. Je ne voulais pas que ce soit très écrit, comme dans mes romans où je revenais sur les phrases pendant des mois. Pour la radio, non, j’avais envie que ce soit comme une émotion « jetée » à la mer, offerte comme un bouquet. Donc, c’était à la fois précis et travaillé, mais autrement que dans un roman, il fallait que ce soit à consommer tout de suite. La radio a la beauté de l’éphémère, de l’imparfait, de l’inachevé. Ce qui fait que je n’ai jamais réécouté ces textes, et que je ne les ai pas utilisés non plus dans mes romans. J’en ai énormément, comme Laure Adler. C’était toujours des textes pensés, réfléchis, mais écrits vraiment pour la radio, pour être dits, la voix devenant elle-même un langage à part entière. Et c’est ce que j’aime aussi : il y a une générosité de la radio, qu’on ne retrouve pas tellement ailleurs. Une générosité qui était celle aussi des responsables de programmes comme Alain, ou comme René Farabet à l’ACR, qui laissaient leur chance aux « premières fois » justement, aux jeunes auteurs qui arrivaient avec leur désir de radio.

Je pense ici à Roland Barthes, avec qui les choses se sont passées exactement de la même façon. J’étais allée le voir pour m’inscrire à son séminaire [5]. Je ne le connaissais pas mais j’avais lu beaucoup de choses de lui. Je voulais absolument suivre son séminaire, mais je ne savais pas comment lui montrer que c’était très important pour moi. Il m’a d’abord dit qu’il regrettait, que son séminaire était complet, qu’il voulait organiser des séminaires restreints et que du coup, il y avait très peu d’étudiants. J’étais désemparée et je lui ai juste dit que c’était important, que je ne le dérangerais pas, que j’avais juste besoin d’une « présence lointaine ». Ces mots ont suffi pour qu’il m’accepte, c’était une sorte de pacte entre nous, nous étions « sur la même longueur d’ondes », il m’a fait confiance et a dit « Alors, d’accord. » Je n’ai jamais oublié ce moment où il m’a ouvert la porte, et quand de jeunes producteurs arrivaient, je les écoutais, même si ce qu’ils proposaient n’était peut-être pas encore très travaillé. Mais je sentais par leur présence s’il y avait un vrai désir ou pas. Il n’y a pas de radio, d’art en général, sans désir. Et la radio, pour nous, ce n’était pas simplement un outil de communication, c’était de l’art. De l’art éphémère, certes, consommable, qui se modifiait d’un jour à l’autre, qui se renouvelait et se transformait sans cesse.

Christophe Deleu ‒ Ce qui était aussi étonnant, quand on écoutait Nuits magnétiques, c’est qu’en dehors des émissions de début de semaine (soit le lundi, soit le mardi, en fonction des saisons), c’était les producteurs de chaque émission qui prononçaient le nom de l’émission, qui disaient eux-mêmes le fameux « Nuits magnétiques, bonsoir… » et qui accueillaient les auditeurs. On est assez loin d’une émission considérée comme une « marque » où celui qui présente serait toujours le même…

Colette Fellous ‒ Oui, en début de semaine, Alain, ou Laure, ou moi, nous présentions les émissions de la semaine, mais après c’était complètement les émissions des producteurs, c’était à eux de les présenter, chacun avec son style, sa voix, ce n’était jamais pareil… Et c’est cet ensemble de voix et de personnalités qui comptait aussi. Il y avait bien sûr des producteurs qui revenaient. D’ailleurs lorsqu’Alain m’a confié les Nuits, en 1989, j’ai voulu qu’il y ait une continuité avec lui, j’ai repris Mathieu Bénézet [6], Franck Venaille, Jean-Pierre Milovanoff, Jean Daive… J’ai donc endossé ce rôle de poursuivre les Nuits magnétiques sans les trahir, mais en étant évidemment un peu différente. J’ai introduit par exemple le « docu-fiction », comme on dit. J’ai continué bien sûr à sortir des studios, dans Nuits magnétiques. Pour donner à voir le monde comme on le vit, et pas seulement des rencontres en studio. Mais il y a eu des émissions peut-être un peu plus… journalistiques qu’à l’époque d’Alain, mais toujours personnelles. Avant mon Carnet nomade, que j’ai commencé au sein des Nuits en 1997, j’ai créé Les Petites ondes, qui me permettaient d’avoir une émission que je signais moi-même tous les mois [7], et en 1997, À ciel ouvert qui était plus sur l’international [8]. Vers la fin de Nuits magnétiques, j’ai aussi créé de petites séquences qui s’appelaient Coupé, rêvé, collé, qui étaient des modules courts mais où l’on pouvait se permettre toutes les fantaisies [9]…

Du côté des producteurs, à côté de ceux que j’ai nommés et qui ont continué d’être réguliers comme écrivains producteurs, je voudrais nommer Nancy Huston [10]. J’ai engagé des débutants (qui sont devenus professionnels ensuite, comme Anice Clément, qui venait de commencer avec Alain [11]) ou des artistes qui tentaient une expérience radiophonique, je pense à André S. Labarthe [12], Michel Boujut [13], Catherine Soullard, qui a réalisé plusieurs séries [14], Lorette Nobécourt [15], François Weyergans [16], Colette Mazabrard [17], et tant d’autres. Je pense aussi au cinéaste Robert Kramer que j’aimais beaucoup, qui s’est essayé pour la première fois à faire une émission dans Nuits magnétiques [18]. Il a réalisé quelques très belles émissions aux Nuits, il en avait été très heureux [19] et moi aussi : son métier de cinéaste apportait un ton différent, sa façon de commenter, de décaler un peu les choses, c’était vraiment très beau. J’aimais beaucoup l’idée que des artistes ou des écrivains qui n’avaient jamais fait de radio tentent une « première fois ». Au fond comme si je n’avais jamais quitté le thème de ma toute première émission à Nuits magnétiques ! Je voulais que chaque émission soit comme une première fois, avec l’énergie, la curiosité, l’invention et le désir, toujours à renouveler. Parce que si on reprend toujours la même forme, si c’est le moule qui revient, pour moi ce n’est plus la radio que j’aime, qu’on aime. Il faut que ce soit toujours différent, et c’est possible, parce que la radio est souple et offre beaucoup de possibilités, avec peu de moyens.

Mon rôle, quand j’ai repris les Nuits magnétiques, c’était de choisir les projets et de coacher les producteurs – je ne parle pas ici bien sûr des producteurs chevronnés, mais de ceux qui venaient avec leur désir de radio et ne savaient pas trop comment s’y prendre. S’ils avaient une vraie personnalité, une vraie personnalité et… une belle promesse, je les écoutais, presque comme un psychanalyste ! J’écoutais ce qu’ils disaient et à partir de leurs mots je leur suggérais deux ou trois choses, mais c’est eux, bien sûr, qui décidaient par la suite. Je donnais un déclic, et ensuite je les laissais faire, et trouver eux-mêmes. Je n’avais aucun modèle, aucune envie de dire comment faire, c’était d’ailleurs la loi des Nuits magnétiques : Alain Veinstein et Laure Adler agissaient aussi de la même façon, une fois que le sujet avait été accepté, ils nous laissaient complètement libres. Il n’y avait aucun contrôle, ce qui nous guidait c’étaient ces seuls mots : la confiance, la liberté, l’intelligence, la beauté aussi, et l’engagement. On était tous là parce qu’on voulait créer. Et renouveler la radio !

La radio a été vraiment modernisée par les Nuits magnétiques. On entendait des voix qu’on ne pouvait pas entendre ailleurs, c’était magnifique. Il y avait des choses qu’on ne pouvait plus faire dans les Nuits, même des choses drôles et un peu naïves, comme par exemple utiliser l’expression « chers auditeurs » (qui revient aujourd’hui !) : on voulait être plus proches, on ne voulait pas qu’il y ait une frontière entre celui qui parlait et celui qui écoutait. Donc, pendant des années, on a essayé de dépoussiérer, d’effacer des habitudes très anciennes, pour donner une autre idée de la radio, où tout serait possible, une autre matière.

Et cela, je trouve que ça ressemblait à ce que faisait Roland Barthes. Barthes nous disait que tous les petits détails que d’habitude on négligeait, ceux de la vie quotidienne par exemple, ou les doutes, les pannes, tout cela pouvait au contraire être très intéressant et que si on les intégrait dans l’écriture, si on les mettait en scène, cela pouvait donner une forme différente à un texte et du coup ça renouvelait le genre. Dans les Nuits magnétiques, on pouvait ainsi inclure des ratages, des fous-rires, des séquences qui normalement auraient dû être hors-champ… tout était possible du moment que ça faisait sens. Je repense à l’expression d’Alain Veinstein « au ras des pâquerettes » : pour moi, c’était aussi Barthes, ça. Quand j’ai entendu ça, dit avec humour dans la bouche d’Alain, j’ai tout de suite pensé que j’étais au bon endroit. Cela voulait dire qu’on allait ennoblir les petites choses, leur redonner du sens, les rendre majestueuses, en fait. Grâce à la magie de la radio. Et que c’était ça, que ce serait ça, notre tâche.

Notes

Notes ajoutées par les éditeurs.

1 ACR « Des ronds dans l’onde » du 1er juin 1980 ; « Perdus, pas perdus » du 25 janvier 1981 ; « Marrakech » du 11 octobre 1981 ; « Une langue et ses acteurs : le yiddish » du 7 février 1982. La première collaboration de Colette Fellous à l’Atelier de création radiophonique remonte à 1975, notamment pour une lecture à plusieurs voix d’un texte de Denis Roche (« Décharge publique », ACR du 2 novembre 1975). L’Atelier de création radiophonique est un programme de France Culture créé par Alain Trutat et René Farabet en 1969, qui a perduré sous divers formats et dans diverses cases jusqu’en 2018. V. le numéro de Komodo 21, 10 | 2019, qui lui est consacré.
2 ACR « Des ronds dans l’onde » du 1er juin 1980. Avec Jacques d’Arès, Jean Guizerix, Claude Itzykson, Edmond Jabès, Brice Lalonde, Pierre Lamaison, Wilfride Piollet, Jacqueline Risset, Raoul Ruiz, Jean Thibaudeau, Eva de Vitray-Meyerovitch, Jean-Louis Schefer, Jean-Noël Vuarnet, Bianu Zéno, et lecture d’extraits de Métamorphoses du cercle de Georges Poulet.
3 Le projet proposé est devenu une émission en cinq parties, « La première fois », France Culture, Nuits magnétiques, du 8 au 12 novembre 1982.
4 Roma, Paris, Denoël, 1982. Dans l’émission Mythologie de poche que lui consacre Thomas Baumgartner en 2011, Colette Fellous fait le lien entre ce roman, histoire, dans « une forme assez ouverte », « d’une fille qui se promenait dans une ville et qui rencontrait des gens, et ces gens lui parlaient », et son approche de la radio : « Je me suis dit “J’ai envie de faire la même chose en radio. Ce que je fais dans un roman j’aimerais le faire avec la voix des autres. Mais la voix réelle ; et peut-être qu’après, en recueillant des voix, je pourrais leur trouver une forme, et inventer un petit roman radiophonique à partir de ça” » (France Culture, 26 août 2011).
5 Voir le récit de cette rencontre, quand elle avait 22 ans, et l’évocation de la relation avec Roland Barthes, dans La préparation de la vie, Paris, Gallimard, 2014.
6 Il produit ou co-produit une ou deux séries par an de 1992 à 1998.
7 Premier numéro mardi 2 octobre 1990. Magazine mensuel diffusé le premier mardi du mois jusqu’au numéro 3 (4 décembre 1990) puis le premier vendredi du mois, jusqu’au vendredi 3 octobre 1997.
8 Rendez-vous mensuel inauguré le 1er janvier 1997, réalisateurs tournants. Carnet nomade commence lundi 3 novembre de cette année.
9 Première émission jeudi 16 juillet 1998 (prod. Monica Fantini, Yvon Croizier, Gaëlle Meininger, Emmanuelle Forner, et Irène Bérélowitch, Michel Pomarède, réal. Anne Pascale Desvignes). Suite de courts reportages vivants (10-15 mn) introduits par une conversation détendue entre les membres de l’équipe de production (tournante).
10 Ses premières séries documentaires pour Nuits magnétiques datent de 1989 : « Recluses et vagabondes » (14-17 mars 1989, en co-production avec Leïla Sebbar) ; « Vies à vifs » (12-15 septembre 1989). Nancy Huston inaugure sa collaboration avec Colette Fellous par une deuxième série de « Vies à vif » (23-26 juin 1992). Suivent des séries sur les « Passions instrumentales » en 1993 (16-19 février), sur la création en 1995 (« Créer, procréer : les voies de l’immortalité », 7-10 février), sur « Tonino Guerra : mille poètes » en 1996 (deux émissions, 14-15 mai). Sa dernière série, « Étranges Français », est diffusée en deux fois deux émissions, les 16-17 septembre 1997 et 26-27 octobre 1998 (suite d’entretiens avec des étrangers résidant en France, sur leur perception de la France).
11 Sa première série pour Nuits magnétiques, sur « Les curés de campagne », date des 27-30 septembre 1988 ; sa première pour Colette Fellous, « Naissance », est diffusée du 18 au 21 septembre 1990. Elle produit ensuite une quinzaine de séries documentaires, la plupart en quatre volets, jusqu’en 1998. Sa dernière émission, jeudi 15 juillet 1999, est un documentaire d’une heure sur un couple venu s’installer deux ans plus tôt au village de Pré Célestine dans l’Aubrac, dans des conditions difficiles (racontées par la femme, Nicole Lombard, dans Étrangers sur l’Aubrac).
12 On pense surtout à « Monologue dans le vestibule d’une grande oreille », mardi 30 mai 1995, réal. Vincent Decque. André S. Labarthe co-produit ensuite en 1996, avec Isabelle Rèbre, une série sur le cinéma (« Ceci n’est pas du cinéma », 6-9 février), et participe en 1997 et 1998 à quelques autres émissions sur le cinéma, notamment « Georges Bataille à perte de vue : l’impossible et le cinéma » (20 octobre 1997), consacrée à son pari impossible de faire un film sur Bataille (pour « Un siècle d’écrivains » sur France 3).
13 Critique de cinéma, essayiste et romancier, entré à Nuits magnétiques à l’époque de Laure Adler (il assure la chronique de cinéma dans le magazine La nuit et le moment). Juste avant le départ d’Alain Veinstein, il co-produit avec Robert Kramer et Sylvie Péju une série sur Fellini (« Fellini Mondo », quatre émissions, du 15 au 18 mai 1990). Pour Colette Fellous, il produit quatre émissions unitaires d’1h15 en 1991 (« Robert Kramer : atelier de l’artiste », « Courbet dans sa vallée »), 1992 (« Montréal blues », sur le cinéma au Québec), 1995 (« Le photographe et le jeune homme contrarié », enquête sur le photographe Paul Strand, à partir d’une photo de jeunesse retrouvée).
14 Notamment avec les séries documentaires « Métiers et caractères » (quatre émissions, 26-29 septembre 1995), « Mère et fils » (quatre émissions, 21-23 février 1996), « Portraits » (cinq émissions, 8-12 décembre 1997), « Ailleurs sur un pont » (cinq émissions, 2-6 mars 1998), « J’ai envie / J’ai pas envie » (trois émissions, 27-29 avril 1999). Sa dernière émission est un portrait de « Laurent Naouri, baryton » (22 juin 1999). Elle continue dans Surpris par la nuit de 1999 à 2004.
15 Pour « Mais si ce soir, je dîne avec Fedor », diffusé vendredi 30 avril 1999, réal. Anne-Pascale Desvignes.
16 Colette Fellous pense certainement à « La comédienne et l’écrivain », seule « expérience » à proprement parler de l’auteur dans Nuits magnétiques, décrit ainsi dans la notice Ina : « un kaléidoscope de sons, de voix et de musiques, et un témoignage très moderne sur les rapports affectifs et féconds entre deux générations, entre une fille et son père. Un document psychologique, un hommage à l’art radiophonique et une confidence sur le monde intérieur d’un écrivain. »
17 Critique de cinéma, partie comme enseignante en Inde en 1996 où elle va rester pendant dix ans, elle intervient dans une série documentaire de de 1999 sur l’Inde, « Chroniques indiennes de Nizamuddin Est » (cinq émissions, 5-9 juillet, prod. Patrick Cazals et Colette Fellous). Après la transformation de Nuits magnétiques en Surpris par la nuit, elle est régulièrement présente dans Carnet nomade entre 1999 et 2005.
18 Il s’agit sans doute de la mini-série « De près, de loin », deux émissions diffusées dans Nuits magnétiques les 7 et 8 novembre 1991. « De près, de loin, où se trouve exactement le pays natal ? Que devient-il ? Où sont ses bruits, où est sa langue ? Reportage et récit de Robert Kramer pendant un voyage à travers les États-Unis, son mariage avec Erika, la description des paysages avec les sons d’ambiance, la visite sur la tombe de son grand-père » (notice Ina).
19 Notamment « Lettre à Chuong, à Hanoï », documentaire sonore d’1h15 diffusé dans Nuits magnétiques du 20 novembre 1992, composé en marge de son film Point de départ, en salles en 1994, qui raconte son retour à Hanoï (en 1969, ce cinéaste américain d’extrême-gauche avait co-produit People’s War, tourné dans le Vietnam en guerre). Colette Fellous lui rend un bel hommage dans « Pour Robert Kramer », Carnet nomade du 13 avril 2001.

Auteur

Colette Fellous est née en Tunisie et vit en France depuis l’âge de dix-sept ans. Après des études à la Sorbonne (1968-1971) puis à l’École pratique des hautes études (1972-1976), où elle suit notamment le séminaire de Roland Barthes, et des débuts de comédienne (1974-1976), elle devient productrice de radio, d’abord pour l’Atelier de création radiophonique de René Farabet (1980-1982), puis pour les Nuits magnétiques d’Alain Veinstein, à partir de 1982. Son premier roman, Roma, est paru en 1982 chez Denoël, comme Calypso en 1987. Depuis Rosa Gallica en 1989,  tous ses romans sont publiés chez Gallimard. Enfant, elle écoutait Les Maîtres du mystère et Salut les copains ! « sous de grands parasites sonores qui me ravissaient, parce qu’ils me montraient bien que j’étais de l’autre côté de la Méditerranée et que mon rêve habitait dans le pays de cette radio »À 8 ans, elle découvre la technique des bruitages lors d’une visite scolaire à Radio Tunis : premier émerveillement devant la magie de la radio. À 32 ans, seule avec son Nagra, pour « La première fois », sa première série aux Nuits magnétiques, elle enregistre Vladimir Jankélévitch jouant du piano chez lui et lui développant merveilleusement « ce qu’était “l’apparition disparaissante”, le je-ne-sais-quoi et le presque-rien ». À 40 ans, en 1990, Alain Veinstein et Laure Adler lui confient la coordination des Nuits magnétiques, qu’elle assure jusqu’à la disparition de l’émission à l’été 1999. C’est là, avec le mensuel Les Petites ondes (1990-1997) puis le bi-mensuel Carnet nomade (1997-2015)conçu avec la liberté d’un carnet d’écrivain et fonctionnant comme une « petite université de poche », qu’elle inaugure une forme d’écriture de soi, parallèlement à une forme plus autobiographique de ses livres aussi : Le Petit Casino en 1999 puis le cycle de six livres ouvert par Avenue de France en 2001, puis Aujourd’hui en 2005, Plein été en 2007, Un amour de frère en 2011, La préparation de la vie en 2014 et Pièces détachées en 2017. Son dernier livre Kyoto song, qui amorce un cycle consacré au voyage, est paru en 2020. Carnet nomade a continué jusqu’à son départ de France Culture, en 2015, année marquant pour elle la fin d’un « métier » qu’elle aura vécu « très profondément, dans [s]a peau, dans [s]on corps », comme elle le confiait quelques années plus tôt dans un texte racontant son enfance, sa naissance à l’écriture, ses années de radio et tout spécialement son Carnet nomade. Colette Fellous a créé et dirige au Mercure de France la collection «Traits et portraits » (28 titres depuis 2006).

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« La radiophonie devrait nous empêcher de dormir »

Cette phrase d’Alain Veinstein au début d’un « Radiotopsie » de 1981 [1] incarne parfaitement ce que j’ai pu ressentir lors de mes premiers pas dans les Nuits magnétiques. À l’époque, en 1983, il n’y avait bien sûr pas de podcast, pas vraiment de rediffusion. La radio était impérativement sous le signe du maintenant, du moment de la diffusion, et ces Nuits magnétiques ont empêché de dormir beaucoup de gens.

En 1983, je revenais avec Jean Couturier de Guéret où nous avions lancé, sous la houlette de Martin Even mandaté par Michèle Cotta, la radio décentralisée Radio La Creuse – comme elle se nommait alors [2]. Yves Jaigu était le directeur de France Culture et Alain Veinstein, sans m’impressionner autant que Claude Mettra – qui me fascinait, et à qui je n’ai que tardivement adressé la parole tant je lui accordais statut de totem –, incarnait alors une urgence à inventer et créer qui pour moi, débarquant littéralement dans cette France Culture de légende, m’allait droit au cœur. Il va sans dire que je subissais l’influence de Jean Couturier qui allait devenir mon mari, et nourrissait estime et enthousiasme pour celui qui avait été son élève avant de devenir un formidable allié. Jeune réalisateur, Jean Couturier avait écrit une lettre féroce à René Jentet ; il estimait que ce dernier « régnait en despote », et Alain lui offrait sans limite, comme à tant d’autres, le pouvoir de créer. Bref, dans ce contexte, j’ai osé me lancer dans l’aventure des Nuits magnétiques, sans trop réfléchir, alors que c’était en fait un territoire extrêmement impressionnant, quasi sacré. Évidemment il y avait en 1983, déjà, un goût d’après. La période fondatrice était passée. Il s’agissait d’intégrer un club déjà formé, fermé. Je me souviens d’Olivier Kaeppelin, Mehdi El Hadj, Bruno Sourcis, Marie-Ange Garrandeau, Franck Venaille, Marie-France Thivot, Andrew Orr [3], Nicole-Lise Bernheim, Michel Creïs, Pamela Doussaud, Marie-Christine Clauzet qui assurait l’intendance de tout ce petit monde, Jean-Loup Trassard, Gilbert Maurice Duprez, Pascal Quignard et tant d’autres…

Il y avait le bureau des Nuits magnétiques où nous allions très peu, car Alain Veinstein fonctionnait sur un désir, une suggestion… puis feu vert inconditionnel. Rien à voir avec la culture du projet écrit telle qu’elle se pratique aujourd’hui. Notre vie à la radio se passait dans les cellules de montage dédiées, où s’empilaient les bandes magnétiques dans un désordre apparent amplifié par les visiteurs de la nuit. Le matin, la cellule ne présentait jamais le même désordre que la veille. Il faut aussi évoquer l’inénarrable trac du mixage – voire montage – en direct dans la tour centrale, où s’alignaient magnétophones et tourne-disques devant des techniciens de mixage – oui essentiellement des hommes, qui avaient la fièvre dans le sang.

Me demandant quel avait été mon premier pas, j’ai eu recours à Inamediapro [4]. J’ai découvert que mon premier contact avec les Nuits magnétiques s’était fait le 21 octobre 1982, à l’occasion d’une Nuit magnétique diffusé depuis Radio La Creuse, où j’ai fait mes premières armes durant un an et demi [5]. À ce moment, Alain avait décidé d’adjoindre des magazines aux séries documentaires, qui vivaient une forme d’épuisement, et l’un de ces magazines le conduisait à Guéret avec Laure Adler, tous deux très jeunes, beaux et amoureux. Laure faisait des micro-trottoirs au contenu pas très gentil pour notre ego puisque les Creusois rencontrés, soit n’avaient pas de poste en FM, soit n’écoutaient pas cette radio décentralisée, soit n’y croyaient pas – « ce truc envoyé de Paris ! non merci ». Une année plus tard Radio La Creuse caracolait en tête des audiences parmi les radios décentralisées.

Quant à mes vrais débuts dans les Nuits magnétiques, ils ont eu lieu le 5 septembre 1983 avec une série intitulée « T’as vu mon look [6] ! » Nous étions vêtus de noir et dans la rue cela se voyait. C’était le temps du punk, du no future et aussi de la new wave. Cette musique imprégnait à sa façon les créations sonores.

L’année suivante, le 14 mars 1984, nous avons avec Jean Couturier emprunté les titres de notre série à la poésie d’Alain Veinstein [7]. Dans l’émission de ce jour, intitulée « Un drame enserre ma main, qui se débat avec tout ce qui n’arrivera pas », on pouvait entendre un concert de musiques limites à Bordeaux, dans le cadre du Festival « Divergences/Divisions » organisé par André Lombardo.

Et puis il y eut un cadeau : vendredi 6 avril 1984 naissait le numéro zéro d’Art sons, « fanzine radiophonique, gratuit sur France Culture » comme annoncé alors. Pour ce off mensuel des Nuits magnétiques ensuite sous-titré « radio alternative sur courant continu », nous avions carte blanche avec Jean Couturier pour écrire les mondes qui nous passionnaient. À l’image des fanzines de l’époque en noir et blanc, extrêmement morcelés, nous proposions un agencement de séquences courtes dans un ensemble très éclectique. Se croisaient Ghislain Mollet-Viéville, marchand d’art, fervent défenseur de l’art minimaliste [8], Christophe Bourseiller pour une Revue de presse des réseaux [9], Roberto Gutierrez et les artistes de la revue Plages [10], ou encore Sophie Calle racontant son voyage en transsibérien [11]. Il s’agissait de compter sur les muses de la radio pour faire entendre ce qui se tramait dans les interstices. Le dernier Arts sons, celui avec Sophie Calle, a été diffusé le 1er octobre 1987.

Il faut citer aussi les Nuits magnétiques en Avignon sous des titres divers, de Festival d’Avignon (été 1980) à Avignon Ultra Son (été 1986) [12] Une étude serait sans doute à mener sur ce que ces territoires de l’été ont apporté aux documentaires et à la création. C’est dans cette configuration que j’ai le plus ressenti la famille des Nuits magnétiques. Dans cette ville chère, la solution était de louer de grandes maisons. Dans l’une d’elles il y avait une piscine de l’époque romaine autour de laquelle toute l’équipe, preneurs de sons, producteurs, réalisateurs, se retrouvait. La radio se tramait autrement. La rencontre avec Bartabas y était aussi naturelle que le chant des cigales ou l’évocation de Michel Journiac.

L’occasion était belle de nouer des liens particuliers avec certains auteurs. Je pense à Robert Marteau, Michel Jauberty, Jean Parvulesco, Daniel Zimmermann, Marcelle Delpastre.

Robert Marteau a été la rencontre forte et essentielle. Celui qui avait pratiqué l’alchimie avec Eugène Canseliet, était passionné de tauromachie, écrivait ses sonnets chaque jour en marchant, m’a honoré de son amitié jusqu’à ses derniers jours.

Michel Jauberty, d’origine creusoise, vivait à Istanbul sa passion pour des corps turcs, écrivant dans L’homme refusé aux Éditions Manya : « C’est vrai, je suis malade. Malade d’identité. Et cela ne se soigne pas. Je suis inguérissable. »

Jean Parvulesco puisait à des sources mystérieuses de troublantes prophéties. On pouvait croiser dans son sillage F. J. Ossang comme son ami Eric Rohmer.

Daniel Zimmermann, lui, était un des premiers à avoir écrit sur la guerre d’Algérie (Robert Morel avait publié en 1961 80 exercices en zone interdite, vite censuré). Il n’avait pas épuisé sa révolte convulsive et non loin du Marché du Livre à Paris, dans le quinzième arrondissement, vouait sa vie à l’écriture.

Marcelle Delpastre, elle, menait en Creuse une vie où la poésie sans cesse la faisait circuler dans les replis d’une mémoire têtue et magnifique. Sa poésie érotique, répondant à de minutieux romans sur la vie paysanne, lui valut d’être invitée par Bernard Pivot. Peu dupe des simagrées parisiennes elle était cependant venue.

J’allais oublier Pierre Drachline, ami croisé plusieurs fois avec Ingrid Naour dans les Nuits magnétiques puis dans Clair de nuit, où il nous donna son Cœur à l’horizontale [13]. Car il faut dire que Jean-Marie Borzeix nous confia, avec Jean Couturier, Clair de nuit en 1985, deux heures le samedi et le dimanche, de minuit à une heure du matin, pour écrire la radio à notre façon. Notre goût des écrivains trouva matière à se développer et nous eûmes la chance d’accueillir à l’année des auteurs qui écrivaient chaque semaine un texte inédit qui à la fin devenait un livre. En parallèle, Alain Veinstein gardait la porte ouverte à nos propositions. Les écrivains étaient toujours là en veilleurs de ces nuits passionnées. Certains auteurs sont entrés dans l’histoire, comme Marcelle Delpastre ou Christian Bobin. D’autres plus discrets, comme Rodolphe Clauteaux [14] ou Anne-Marie Bauer, mise au secret par Barbie, sont entrés dans mon cœur.

Et puis un beau jour Alain Veinstein a passé le relais à Colette Fellous. L’équipe était ébranlée ; déjà certains producteurs des débuts s’étaient évaporés. Nous avons essuyé les plâtres avec Jean Couturier et partagé l’émotion de sa première prise d’antenne. Au début étaient organisées au domicile de Colette des rencontres où toute personne extérieure au cercle des Nuits magnétiques devait se sentir bien isolée, tant nous étions obnubilés par la radio et plus précisément la radio la nuit. Très vite Colette a donné son impulsion aux néo-Nuits magnétiques.

Il me semble qu’il est difficile d’évoquer après-coup l’existence des Nuits magnétiques alors que le démantèlement a eu lieu, nous condamnant à une nostalgie de mauvais aloi. Demeure un mystère. Vous l’aurez compris, les Nuits magnétiques auront été pour moi un berceau, une forme d’exigence, au contact des écrivains qui la fabriquaient autant que de ceux que nous rencontrions, un tremplin aussi, puisque la suite de ma vie radiophonique s’est inscrite à Radio France. Je salue le poète Alain Veinstein d’avoir permis l’existence de ces territoires magiques où une véritable initiation était possible sans exclusion.

Notes

1 Radiotopsie, cinq émissions, Jean Couturier prod., Nuits magnétiques, France Culture, du lundi 12 au vendredi 16 octobre 1981.

2 Radio décentralisée de Radio France, née le 5 septembre 1982, renommée Radio France Creuse en 1986, France Bleu Creuse en 2000. Ses débuts sont difficiles, comme en garde trace un article de Llibert Tarrago dans Le Monde du 13 juin 1983, « La valse de Radio-la-Creuse ».

3 Grande figure de l’ACR, qui produit six documentaires pour Nuits magnétiques en 1990-1991.

4 Il est possible aux auteurs de passage à Paris d’avoir un accès à ce service et ces archives dans la Maison des auteurs de la SCAM (http://scam.fr/La-Scam/maison-des-auteurs).

5 « Carte blanche à Radio La Creuse », Nuits magnétiques, France Culture, jeudi 21 octobre 1982.

6 Série en cinq émissions, du lundi 5 au vendredi 9 septembre 1983.

7 Alain Veinstein, L’introduction de la pelle. Poèmes 1967-1989, Paris, Éditions du Seuil, 2014.

8 Arts sons, émission du 21 novembre 1985.

9 Arts sons, émission du 2 octobre 1986.

10 Art sons, émission du 2 juillet 1987.

11 Art sons, « numéro illisible » (sic), émission du 1er octobre 1987.

12 21-25 juillet 1986. En clin d’oeil aux origines de Nuits magnétiques, Laure Adler reprend ce titre qu’Alain Veinstein avait adopté en 1977 et 1978 en succédant lui-même à Avignon 76.

13 Pierre Drachline, Le coeur à l’horizontale, éditions l’instant/ table rase, 1988.

14 Rodolphe Clauteaux, Sous le pont des corbeaux, Éditions Gallimard, 1996.

Auteur

Entrée à Radio France en 1982, Irène Omélianenko rejoint les Nuits magnétiques en 1983 et y reste fidèle jusqu’en 1998. Co-productrice avec Jean Couturier de Clair de nuit sur France Culture (1986-1997 ; 1999-2001), puis productrice de L’Atelier de la création (2011-2015) et de Sur les docks (2011-2016), elle est nommée en 2011 conseillère de programmes au documentaire et à la création radiophonique. Elle est conduite à prendre sa retraite en 2018. Membre de nombreux jurys (Italia, Europa, Creadoc, Scam, Phonurgia Nova, Longueur d’ondes…), elle a co-fondé en 2009 l’Association pour le développement du documentaire radiophonique (Addor).

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Colette Fellous. La préparation du langage


Dans La préparation à la vie, Colette Fellous dit vouloir « comprendre pourquoi [elle] éprouv[e] ce sentiment de ne pas avoir de langue maternelle alors qu’[elle] vi[t] depuis toujours une relation en amoureuse avec [sa] langue maternelle ». La littérature et la pratique de la radio ont ceci en commun qu’ils interrogent la langue : le silence de l’écrivain, l’écoute de l’interviewer et la parole de l’interviewer se répondent l’un l’autre afin d’interroger l’arbitraire du langage. Finalement, pour Colette Fellous, langage littéraire et langage radiophonique ont ceci de commun qu’ils sont tous deux des préparations à la vie. Cette étude s’intéressera à la trajectoire de l’écrivain, entre la France et la Tunisie, entre sa rencontre avec Roland Barthes et avec la radio, pour comprendre la relation qu’elle entretient avec sa langue.

In La préparation de la vie, Colette Fellous explains that she wants to understand why she feels like she has no mother tongue whereas she has always been in love with her mother tongue. Both litterature and radio try to understand what language is: the silence of the writer echoes to the listening of the writer and to the speaking of the interviewer, in order to question the arbitrariness of the language. To sum up, literary language and radiophonic language are both considered by Colette Fellous as a way to organize her life. This study will focus on Colette Fellous’ course of life, between France and Tunisia, between her meeting with Roland Barthes and with radio, in order to understand the relationship that she maintains with her mother tongue.


Texte intégral

« Ma première émission a coïncidé avec l’écriture de mon premier livre [1] ». En 1982, Colette Fellous publie Roma, son premier livre. La même année elle fait sa première émission de Nuits magnétiques, après avoir fait ses armes à l’Atelier de création radiophonique en 1980. En 1990, elle prend la direction des Nuits magnétiques et en 1997, elle crée en leur sein l’émission Carnet nomade, dont le titre traduit à lui seul la manière dont la littérature s’insinue dans sa pratique radiophonique. Elle présente souvent la radio comme un carnet, qu’on ouvre, qu’on ferme, qu’on médite, avec ses pages de ratures que l’on garde [2], avec ses mots qui se cherchent et ses situations qui s’inventent. Le langage est certes dans les mots, mais il est aussi dans les « couleurs qui se chevauchent l’une sur l’autre, comme des notes échappées d’une fenêtre [3] ». Il est dans l’expression de notre sensibilité :

Nous sommes tous tissés d’invisible, nous marchons en protégeant notre secret, seule notre peau, si fine, soutient tous nos labyrinthes, canaux, veines, chemins d’irrigation, avant de se jeter dans la ville ; attention, attention, en traversant. Oui, notre peau protège une ville entière. On la voit battre encore sous nos paupières [4].

Colette Fellous nous invite à travers toute son œuvre, à la fois radiophonique et littéraire, à tirer ce fil d’Ariane du langage, à travers le labyrinthe de la vie.

1. Aux origines de sa langue

L’écrivaine exprime un rapport incertain à sa propre langue, depuis son enfance. On l’entend souvent chercher ses mots, reprendre ses questions, bien loin de ces journalistes de radio assurés dans leurs propos. « Comment pourrais-je écrire un livre entier puisque je ne sais pas parler [5] ? » Ces précautions avec la langue se sont nourries d’une histoire personnelle oscillant entre les deux rives de la Méditerranée, entre la France et la Tunisie, entre la langue française qui est sa langue maternelle et la langue arabe qu’elle a entendue dans l’enfance mais qu’elle ne parle pas. Colette Fellous est née de parents juifs installés en Tunisie, eux-mêmes originaire d’Italie et du Portugal. Les grands-parents ont parlé le judéo-arabe avant d’apprendre le français à l’école. Elle dit de son père qu’il parle « un français cassé [6] », et elle est l’héritière de cette « cassure » de la langue : n’ayant pas appris l’arabe dans son enfance en Tunisie et le français étant pour elle sa langue maternelle, elle l’a considéré parfois avec ambivalence, partagée entre la volonté d’occidentalisation de toutes les familles juives de Tunisie et leur crainte de perdre leur origine et l’ancrage maghrébin. Comme pour beaucoup d’autres Juifs maghrébins, depuis le décret Crémieux en 1870 accordant aux Juifs algériens la nationalité française, elle nourrit un tropisme très fort pour la culture métropolitaine et pour la langue française, perçue comme une sorte de terre linguistique d’accueil [7]. Elle se présente elle-même comme une sorte de Bel Ami de la langue française [8]. Et c’est sa passion pour la langue française qu’elle va chercher avant tout à satisfaire en venant en France, à Paris, à l’âge de 17 ans. Son rêve de France se réalise quand elle se rapproche des plus grands penseurs de l’époque et poursuit son rapport critique au langage, entre méfiance et adoration, en le déstructurant pour mieux se le réapproprier. Elle rencontre le structuraliste et sémiologue Roland Barthes et se fait accepter à son séminaire de l’EHESS en 1972, dans le beau bâtiment du 36 rue de Tournon. Sa relation avec Roland Barthes est indispensable pour comprendre sa relation au langage (il est sa « présence lointaine », son « guide vagabond » [9]) mais pour comprendre aussi son art de faire de la radio. C’est lui qui lui conseille d’écrire et c’est, en définitive, par certains de ses enseignements que, sans trop le savoir, Colette Fellous va se laisser aimanter par la radio.

2. Le fil d’Ariane du langage tiré par la radio et la littérature

C’est Roland Barthes qui, pour décrisper son rapport à la langue française, lui conseille d’écrire et de s’autoriser à dire « je ». L’écriture devient ouverture au monde : « Je pouvais désormais dire je tout en me débarrassant de moi, c’était magique [10]. » L’écriture a vertu d’analyse et lui ouvre un champ à la fois intime et fictionnel. Lorsqu’elle prend rendez-vous avec un psychanalyste en 1976, parce qu’elle veut devenir elle-même analyste, elle lui explique qu’elle aime par-dessus tout écouter. Elle lui dit aussi vouloir comprendre d’où venait précisément sa relation d’étrangeté avec sa langue. Mais cette séance restera unique car une semaine après, elle envoie une lettre brève à son psychanalyste : « Je ne reviendrai pas. Je préfère rester dans mon non-savoir, je choisis d’écrire [11]. » « Écrire, ce n’est pas renoncer à comprendre, c’est comprendre d’une autre façon », dit-elle [12]. Et en 1977, elle commence à écrire ce qui deviendra Roma, son premier roman, qui paraîtra en 1982.

Ces années d’initiation riment également avec la découverte de la voix. Elle a beaucoup travaillé sur la voix en suivant le séminaire de Roland Barthes ; dans ces mêmes années, elle est comédienne dans des pièces de Brigitte Jacques, elle aime faire vivre les mots, et c’est d’ailleurs en tant que comédienne qu’elle fait ses premiers pas à la Maison de la Radio. Nous sommes en 1975, à l’Atelier de création radiophonique (ACR), où Jean-Loup Rivière, rencontré au séminaire de Barthes, l’a invitée à venir lire des textes :

J’avais beaucoup de plaisir à répéter les mots pour la radio – alors que d’autres comédiens n’aimaient pas du tout refaire – parce que je trouvais que ça ressemblait à l’écriture. Il y a la même patience devant le langage, devant la recherche du mot juste, devant le rythme juste [13].

Entre 1980 et 1982, elle produit quelques ACR, avec l’idée de « faire de la radio comme on écrit » et d’associer étroitement langage radiophonique et langage littéraire (« Quand j’écris, tout est sonore car j’ai comme des bandes-son dans la tête qui ne me quittent pas »). « Ça s’est vraiment fait ensemble, la radio et le roman, puisque ma première émission [« Des ronds dans l’onde »] a coïncidé avec l’écriture de mon premier livre » [14] :

J’étais en train de finir mon premier roman et j’ai écouté dans l’après-midi une musique de derviches tourneurs à la radio, et en écoutant cette musique qui me faisait apparaître des souvenirs très anciens et très confus, je me suis dit tout à coup : j’ai envie de faire de la radio. C’était une espèce de révélation. Cette musique m’avait beaucoup troublée. Il y a beaucoup de sensations fugitives qui ont surgi en moi que je n’arrivais pas à comprendre. Alors, je me suis dit que j’aimerais faire une émission sur la mémoire et tout ce qui tourne, une émission qui soit bâtie comme le roman que j’étais en train de terminer, mais un roman fait avec la voix des autres. Pour essayer de comprendre une émotion, pour essayer d’entrer vraiment dans la parole de l’autre, pour suivre sa pensée d’un mot à l’autre, d’une phrase à l’autre, pour croiser aussi les disciplines, pour faire tourner le monde. Et faire que tout apparaisse et sonne comme un chœur, un ballet, une chorégraphie [15].

Mais si Colette Fellous aime et découvre avec passion l’exploration des sons menée à l’ACR, elle ne trouve pas entièrement sa place dans cette émission formellement très élaborée, qui ne laisse pas assez place aux émotions, et qui au fond explore un langage du son plus que de la parole. Nuits magnétiques, qu’elle écoutait très fidèlement depuis sa création en 1978 et qui accueille sa première production en 1982 (série « La première fois »), lui convient mieux : là, on prend la parole au sérieux, on a confiance dans le langage et on en joue ; là, on cherche ce qu’il y a derrière les paroles, la vie qui passe entre les silences et les mots ; on cherche sans cesse à tresser ensemble la parole, le silence et l’écoute. « La première fois » commence par ces mots : « Je ne sais rien, ou presque rien, de la première fois. » Et c’est dans le « presque » qu’il y a à dire, une porte à ouvrir, un monde à explorer, un langage à chercher :

Quelques notes échappées d’une fenêtre, des chaises qui grincent, des mégots par terre, des hommes assis qui jouent aux cartes, des couleurs se chevauchant l’une l’autre, un transistor sur le sable, un cil ou peut-être juste une poussière dans l’œil, l’œil qui se plisse. Et cela suffit pour créer quelque chose d’irréversible, qui ne se produit qu’une fois et qui ne se retrouvera plus. Tâtonnement, courage d’entreprendre, peur de commencer, oubli même du commencement, curiosité aussi. C’est tout ça qui naît contradictoirement en nous et qui fait qu’une première fois serait en même temps première et dernière [16].

Colette Fellous explore ces petits riens qui sont des traces de vie. Elle incite à sentir la vie par tous les sens (ici, l’ouïe, l’odorat, le toucher) pour déceler ce qu’il y a derrière l’habitude, dévoiler ce qu’on oublie et faire éclater la poésie du quotidien. On trouve dans ces premiers mots personnels écrits pour la radio le ton des chapeaux qu’elle écrira quotidiennement pour Nuits magnétiques quand elle en sera productrice-coordinatrice.

C’est en 1990 qu’elle prend la coordination de l’émission. Alain Veinstein lui aurait dit, en lui confiant Nuits magnétiques : « Il n’y a que toi qui peut prendre le relais sans trahir, vu que tu es écrivain aussi [17] ». Et, comme écrivain, capable de sentir, capter, encourager les manières dont l’écriture littéraire et la parole radiophonique peuvent se répondre, correspondre ou s’influencer pour mieux exprimer le monde environnant et provoquer la surprise. « Je pense que je n’aurais pas fait la radio que j’ai faite sans la pratique de l’écriture. Et je me suis aussi appuyée sur la radio pour écrire, pour savoir intimement comment les gens parlaient – pas seulement ce qu’ils disaient mais aussi ce que disaient toutes les nuances de leur voix [18]. »

3. Explorer le dédale de la vie

Pour le poète Franck Venaille, producteur à Nuits magnétiques durant quinze ans, « la voix serait à l’écriture pour la bande magnétique ce qu’est la mémoire à l’écriture pour le livre », comme l’écrit Céline Pardo dans sa contribution à ce numéro [19]. Colette Fellous, elle, n’a pas peur d’utiliser la voix dans l’écriture de ses romans ni la mémoire dans la composition de ses émissions radiophoniques. Pour elle, ces deux langages sont nourris d’une même curiosité pour le monde : « Quand j’ai commencé à m’emparer de ma mémoire, j’ai vraiment renoué avec le mouvement de ces langues qui étaient tapies en moi. Le mouvement de l’écriture, du voyage [20]. » Dans sa pratique du livre et de la radio, elle aime récolter des bribes de vie. Ses émissions se nourrissent de l’expérience de la vie et de la rencontre avec l’autre, dans le voyage mais aussi dans sa propre mémoire [21]. C’est ce qu’elle fait par exemple dans un Carnet nomade de 1999 [22], en racontant un retour en Tunisie sur les lieux de son enfance. Chez Colette Fellous, la mémoire est une « mémoire aimantée », le passé est raconté au présent et le présent se nourrit du passé. Là et ailleurs, elle prend soin de sa propre mémoire, mémoire fragile d’une culture dont elle est de plus en plus éloignée et qu’elle a peur de perdre. Là et ailleurs, tout se mêle par le regard qu’elle pose, sans hiérarchie ni cloisonnement, sur le passé et le présent, sur elle et les autres, sur la petite histoire et la grande histoire :

Tant d’invisible dans ces corps que nous portons, quelque chose d’immense nous habite je le sais, avec tous ces mots accrochés en vrac par-dessus, grands et petits, qui courent dans nos veines, sans répit, tu, je, nous, vous, ils, tant d’invisible dans l’histoire que nous portons je veux dire. Quel vertige tout à coup, tu, je, nous, nous, ils, voilà le marché aux tissus, voilà le marché aux herbes, les viandes grillées, les poteries noires fabriquées par les femmes de montagne, doucement, doucement, tout va s’écrouler, je chancelle, ça y est, je suis arrivée [23]. 

Colette Fellous prend soin de ses souvenirs, mais aussi de ses oublis : « J’aime me souvenir avoir oublié » dit-elle dans Plein été. Elle veut profiter de ses oublis, en tirer parti, car se souvenir d’avoir oublié permet de réinventer. Et ainsi un livre d’elle, une émission d’elle, devient un travail d’arrangement, au sens musical, de souvenirs et d’oublis, de silences et de paroles, de détails et de choses vues :

[Il ne faut rien] laisser en suspens. Tout chose vue, toute parole prononcée, tout silence entre deux mots, tout lien entre deux phrases. […] La puissance d’une seule phrase, son écho au-delà des années. Comment donner à chaque détail une haute place et une vie nouvelle. Comment faire qu’à la fois tout s’enchaîne et tout se désorganise pour voir plus clair. Comment, derrière une première apparence, trouver une seconde langue, inventer des liens secrets, des arrangements, des rappels, des échos, des musiques. Faire que tout devienne plus ample et notre vie unique [24]. 

Mais avant tout travail de montage (de composition), créer c’est se mettre dans une posture d’écoute et d’ouverture au monde, pour accueillir tout ce qui vient sans préjugés ni filtres, et c’est aussi ce qui a guidé Colette Fellous dans son travail de productrice-coordinatrice. Avec elle, par sa capacité à « donner aux gens l’envie, la confiance et la liberté de pouvoir venir à la radio [25] », Nuits magnétiques devient dans les années 1990 une sorte de phalanstère chaleureux et convivial : « Le bureau était tout le temps plein, il y avait du monde en permanence, des gens qui passaient pour proposer des projets, parler avec d’autres », se souvient Kristel Le Pollotec [26]. Colette Fellous aime donner sa chance aux gens qui débutent, pour leur donner l’occasion d’expérimenter le pouvoir transformateur de la création. Elle aime provoquer, ou permettre, des premières fois. Pour elle, la radio et la littérature, l’art en général, sont des « préparations à la vie », qui rendent la vie plus large.

L’art de Colette Fellous est de naviguer à vue dans les recoins du langage et du réel. Se perdre, hésiter, c’est le moyen d’explorer le labyrinthe de la vie, d’avoir une vie plus large. Ses recoins ont été la radio, la littérature, les rencontres, la musique, les langues inconnues, les villes à découvrir … tout ce qui la sort d’elle et la confronte à l’étranger pour mieux tirer le fil d’Ariane de la vie. Après coup, l’écrivaine retrouve là l’enseignement de son maître Roland Barthes :

C’est seulement depuis quelques années que son enseignement me revient et je m’aperçois que sans m’en rendre compte je faisais comme il m’avait appris, c’est-à-dire mélanger les choses, se rendre compte que tout savoir est intéressant, qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les disciplines… C’est ce que fait Barthes dans Mythologies : une sorte de chorégraphie du savoir. Barthes parlait souvent du texte « étoilé ». C’est un peu ça la radio et les Nuits magnétiques. On prend un thème et ensuite il faut l’étoiler et en faire un objet beau, le plus beau possible [27].

Notes

1 Entretien de l’auteur avec Colette Fellous, 19 novembre 2015, reproduit en annexe dans Clara Lacombe, Nuits magnétiques. La radio libre du service public ?, mémoire de master 2 en Histoire sous la direction de Pascal Ory, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2016. Disponible sur HAL ici. Tous nos remerciements à Colette Fellous qui a relu de près cet article, dans lequel nous ferons fréquemment référence à notre entretien de 2015.

2 Colette Fellous, Carnet nomade, France Culture, 3 novembre 1997, réal. Jacques Taroni.

3 Colette Fellous, « La première fois » (partie 1), Nuits magnétiques, France Culture, 8 novembre 1982.

4 Colette Fellous, Plein été, Paris, Gallimard, 2007.

5 Colette Fellous, La préparation de la vie, Paris, Gallimard, 2014.

6 Paula Jacques, « Pentimento », France Culture, 16 octobre 1994.

7 Ewa Maczka, « Mémoire retrouvée pour histoire oubliée. L’expression littéraire des Juifs originaires d’Afrique du Nord dans le contexte post-colonial », Mouvements, hors-série n°1, 2011.

8 « Pentimento », op. cit.

9 Colette Fellous, La préparation de la vie, op. cit.

10 Ibid.

11 Du jour au lendemain, Alain Veinstein (prod.), France Culture, 12 avril 2014.

12 Ibid.

13 Entretien avec Colette Fellous du 19 novembre 2015, op. cit.

14 Les trois citations viennent du même entretien avec Colette Fellous du 19 novembre 2015, op. cit.

15 Ibid.

16 Colette Fellous, « La première fois » (émission 1), France Culture, Nuits magnétiques, 8 novembre 1982.

17 Entretien avec Colette Fellous du 19 novembre 2015, op. cit.

18 Ibid.

19 Céline Pardo, « Venaille magnétique. Écrire pour la bande, dans les contre-allées de la poésie ».

20 Du jour au lendemain, émission citée.

21 Samia Kassab-Charfi, « Architecture et histoire chez Colette Fellous », Revue de littérature comparée, n°327, 2008, p. 397-406.

22 Colette Fellous, Carnet nomade du 12 avril 1999.

23 Colette Fellous, Plein été, op. cit.

24 Colette Fellous, Pièces détachées, Paris, Gallimard, 2017.

25 Entretien avec Vincent Decque, chargé de réalisation à Nuits magnétiques, 19 novembre 2015, cité dans Clara Lacombe, Nuits magnétiques, op. cit., p. 67.

26 Entretien avec Kristel Le Pollotec, attachée de production à Nuits magnétiques, 31 mars 2016, ibid.

27 Entretien avec Colette Fellous du 19 novembre 2015, op. cit.

Auteur

Parallèlement à ses activités au sein de radios associatives, Clara Lacombe a consacré des recherches à Nuits magnétiques, qui ont abouti à la rédaction d’un mémoire de master 2 en Histoire culturelle intitulé Nuits magnétiques. La radio libre du service public ?, mené sous la direction de Pascal Ory et soutenu à Paris 1 Panthéon-Sorbonne en 2016. Elle a réalisé en 2019 pour l’Ina, avec Marine Beccarelli et Viviane Chaudon, Les Nuits du bout des ondes, une série de fiction sonore en six épisodes mettant en valeur plusieurs décennies d’archives de la radio nocturne, notamment de Nuits magnétiques. La série vient d’être accueillie sur l’application de podcasts de Radio France. Clara Lacombe réalise aussi des documentaires vidéos (voir son site).

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