Les radios de Philippe Soupault

Un « ballet radiophonique » de Philippe Soupault

Delphine Vernozy
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Plan

Résumé

Avec L’Étrange aventure de Gulliver à Lilliput, Philippe Soupault semble se lancer dans un projet paradoxal : celui de faire du ballet une forme radiophonique. Mais que peut bien devenir sur les ondes un art avant tout corporel, visuel et non verbal ? Quelle est la validité de l’étiquette générique « ballet radiophonique » ? Nous tentons d’explorer ces questions en nous appuyant sur d’autres pièces qui, à la même époque, s’inscrivent dans cette catégorie, mais aussi sur les discours que le poète lui-même a tenus sur la danse et le ballet. Pour comprendre quelle scène ce « ballet radiophonique » invente pour la danse, et à quel spectacle il invite l’auditeur.

With L’Étrange aventure de Gulliver à Lilliput, Philippe Soupault seems to have taken on a paradoxical project: to adapt ballet for radio. What happens to a primarily corporeal, visual, non-verbal art form when it moves to the airwaves ? How useful is the generic label “radio ballet” ? We try to explore these issues by considering other works from the same period which belong to this category, as well as the poet’s own writings on dance and ballet. Thus we try to understand what kind of performance space the “radio ballet” invents, and what kind of show it offers the listener.

Texte intégral

La pièce radiophonique de Philippe Soupault intitulée L’Étrange Aventure de Gulliver à Lilliput frappe par son sous-titre à l’allure paradoxale : « ballet radiophonique ». C’est en effet sous cette étiquette qu’elle est présentée en 1958 dans le cadre des Soirées de Paris [1]. On doit la réalisation à Bronislav Horowicz, la musique à Serge Nigg, tandis que le texte est interprété par François Périer. La pièce remporte le prix Italia en 1959. L’idée de transposer un spectacle, c’est-à-dire une représentation visuelle, à la radio, médium du son et non de l’image, est certes aussi celle du théâtre radiophonique. Toutefois, là où le terme « ballet » étonne davantage, c’est qu’à la différence du théâtre, le ballet est traditionnellement une représentation non verbale, qui, du moins dans son format traditionnel, transforme les mots du livret en mouvements dansés, la trame dramatique en action chorégraphique. S’il y a donc des mots à l’origine du ballet, ils ne font pas partie, à proprement parler, de l’œuvre chorégraphique. On lit les pièces de théâtre, on lit plus rarement les livrets de ballet. L’expression « ballet radiophonique » invite en cela à se demander ce que peut devenir sur les ondes un art avant tout corporel, visuel et non verbal.

Peut-on parler d’un genre du ballet radiophonique ? La question pourrait sembler incongrue, s’il n’existait un ensemble de textes à s’inscrire dans cette catégorie. Citons Le Joueur de flûte (1956) sur un texte et une musique de Marius Constant [2] ; Ballet pour les oreilles (1957) de Juan Peñalver [3], Petit Drame à six instruments d’Alexandre Arnoux (1958) [4], ou encore La Femme têtue de Jean Lescure (1959) [5]. Ces textes ont la particularité de mêler récit, jeu théâtral, musique et chants, mais le nombre de textes que nous avons pu comparer reste réduit et marqué par une hétérogénéité qui embarrasse pour parler de genre. À cela s’ajoute l’instabilité de la désignation « ballet radiophonique », qui, pour une même œuvre, peut subir la concurrence d’opéra radiophonique[6] ou d’opéra-ballet radiophonique[7]. C’est notamment le cas du Joueur de flûte de Marius Constant[8].

Le Gulliver de Philippe Soupault semble donc bien difficile à classer. Non sans raison on l’évoque parfois en même temps que son théâtre radiophonique, ou bien, eu égard à la place faite au chant et à la musique, à l’occasion d’analyses sur ses incursions du côté de l’opéra [9]. On retient donc ce qui fait que ce texte hybride se rattache d’une part au théâtre, d’autre part à l’art lyrique. La question sera plutôt pour nous d’essayer de comprendre ce qu’il peut y avoir de chorégraphique dans cette œuvre ; nous ferons ainsi le pari que l’expression « ballet radiophonique » n’est pas une simple approximation. Un premier argument en faveur de cette lecture réside dans l’intérêt que Soupault a manifesté pour l’art de la danse.

1. Soupault, le ballet et la danse

1.1. Les attaques contre les Ballets russes

Soupault a eu des mots durs contre le ballet. Il utilise notamment la rubrique « Spectacles » de Littérature pour tirer à boulets rouges sur les Ballets russes. La Boutique fantasque, un spectacle monté en 1919 par la troupe de Diaghilev, le fait s’exclamer :

Que d’art ! que d’art ! Et ça va durer encore longtemps. Nous étouffions dans ce théâtre. Jusqu’au dernier accord, j’espérais qu’un spectateur allait se jeter d’une galerie. On aurait vu du sang, je n’ai vu que des sourires, et des sourires. Sur la scène, on immolait André Derain [10].

En 1920, il s’en prend au Bœuf sur le toit de Cocteau, et à la musique de Milhaud, « triste comme un bonnet de nuit [11] ». Ce que Claude Coste dit de la vie musicale de l’entre-deux-guerres pourrait vraisemblablement s’appliquer à l’art chorégraphique et expliquer en partie la complexité des rapports que Soupault a entretenus avec la musique comme avec la danse : « Contrairement à la littérature ou à la peinture, la vie musicale française s’est développée en liaison étroite avec la mondanité. Devant ce phénomène, la réaction d’un Soupault, grand bourgeois révolté, ne pouvait être que franchement hostile [12]. »

Son activité critique en matière de danse reste très liée à des cibles sur lesquelles il ne cesse de revenir, que ce soit dans Terpsichore (1928), son essai consacré à la danse, dans ses entretiens avec Serge Fauchereau ou dans ses souvenirs. Il semble avoir à cœur d’affirmer et de justifier son rejet d’une entreprise bourgeoise, mondaine, entachée par la quête du profit et propice à toutes les compromissions. Toutes ces tares étant incarnées par Jean Cocteau, qu’il a haï avec une constance remarquable. Dès lors il est permis de s’interroger : les textes de Soupault sont-ils le reflet d’une véritable pensée sur la danse, ou bien le lieu d’un règlement de compte ?

1.2. Le refus de la scène de théâtre : danse versus ballet

L’essai consacré par Soupault à la danse, parce qu’il ne se contente pas de fustiger le ballet de son temps, invite à approfondir la question. Dans ses entretiens avec Serge Fauchereau, Soupault évoque le contexte de cette publication :

J’ai d’abord été intéressé par ce qu’on appelle les danses folkloriques, alors que je n’aimais pas les ballets (ceux que j’avais vus au théâtre du Châtelet) parce qu’ils me semblaient artificiels et ennuyeux. Mais c’est surtout quand je fréquentais les Noirs américains que je me suis intéressé à la danse. Presque à la même époque, j’ai été séduit par la danse d’Isadora Duncan. Lorsque mon ami Jean Prévost qui dirigeait une collection intitulée « Les neuf muses » m’a demandé d’y collaborer, j’ai choisi la muse de la danse et commencé à écrire l’essai intitulé Terpsichore. Deux parties : d’abord louange de la danse spontanée de mes amis noirs et d’Isadora Duncan, puis une critique sévère des ballets russes de Diaghilev dont j’avais d’abord aimé les Danses du prince Igor mais qui peu à peu étaient devenus une entreprise de spectacles pour le Tout-Paris snob, bien entendu inspirée par Cocteau. C’est tout dire [13].

Soupault oppose ici le genre artificiel du ballet à la danse (prétendument) naturelle d’Isadora Duncan, ou à celle qui se pratique en marge des espaces de représentation institutionnels, comme c’est alors le cas de la danse jazz. Soupault s’intéresse plus largement, il le précise, aux danses folkloriques, aux danses populaires, autrement dit aux danses qui ne sont pas scéniques mais sociales. En cela, le refus du ballet semble se confondre avec le refus de la composition chorégraphique. Dans Terpsichore, Soupault se décrit ainsi fasciné par une jeune fille qui danse dans une église : « Sa danse frénétique était pure et belle parce qu’elle ne voulait pas étonner mais avant tout aimer [14]. » Il faut sans doute voir ici une allusion à la célèbre injonction (« Étonne-moi ») que Diaghilev adresse à Cocteau. Sous la plume de Soupault, l’intention d’étonner renvoie à une construction factice, alors que la danse qui l’émeut est tout entière du côté de l’improvisation, de la spontanéité, d’un art qui ne chercherait pas à maîtriser ses effets. Soupault considère ainsi que « la chorégraphie a probablement été [pour la danse] une de ses pires ennemies. On peut noter la musique, on peut et on doit écrire la poésie, mais la danse pas plus que le chant ne permet qu’on le fixe [15]. » Claude Coste établit un parallèle intéressant entre les idées de Soupault sur la danse et ses conceptions littéraires : « Soupault retrouve aux sources de la danse la même passion qui anime l’écriture automatique : même désir de parcourir l’espace, de vivre et d’écrire en direct, sans brouillon, au plus près de la spontanéité [16]. » Le poète semble donc établir une nette distinction entre la danse et le ballet, au détriment de ce dernier qu’il situe du côté de la représentation, de la scène et donc de l’artifice.

1.3. Ballet à la radio, ballet à la télévision : des projets populaires ?

Que le ballet radiophonique puisse être pour Soupault un moyen de dire « oui » à la danse, mais « non » à la scène, trouve peut-être une confirmation dans l’intérêt qu’il porte aux média radiophonique et télévisuel. On pense notamment à son opéra-ballet pour la télévision, La Nuit du temps, diffusé en 1962 [17]. Et surtout à un autre projet, resté inabouti, mais qui se présente comme un projet de ballet télévisuel. Le titre de ce qui s’apparente à une première version, Les Sons et les couleurs [18], devient par la suite Correspondances [19] ; un extrait du poème de Baudelaire placé en épigraphe (« … Les couleurs et les sons se répondent ») rend explicite la référence et témoigne une fois de plus du goût de Soupault pour l’adaptation des œuvres des autres [20]. L’argument du ballet, dont voici un extrait, liste les entrées et sorties des danseurs :

1) Rideau arc en ciel

(ouverture musicale)

2) Lever du rideau

Fond gris

3) Entrée des danseurs bleus

(3 ou 6 danseurs en collant bleu, très bleu)

Thème du bleu pour la musique

Danse des danseurs bleus

4) Les danseurs bleus s’effacent

5) Entrée des danseurs (ou danseuses) jaunes

Thème du jaune pour la musique

Danse des danseurs jaunes

6) Les danseurs jaunes s’effacent

7) Entrée des danseurs rouges

Thème du rouge pour la musique

8) Les danseurs bleus et les danseurs jaunes se mêlent aux danseurs rouges [21]

On constate au passage que ce livret est fort éloigné du ballet radiophonique Gulliver : le texte n’est pas narratif, mais relève plutôt du plan de mise en scène, signalant les passages en scène de différents groupes de danseurs, qui ne semblent pas répondre à une nécessité dramatique. Ce texte programme un ballet abstrait, fondé sur la composition spatiale et les associations optiques de couleurs. Soupault donne ainsi l’impression de tenir compte de la spécificité du médium et de ses potentialités visuelles.

De fait, le ballet télévisuel détourne certes le ballet de la scène mais aboutit à un objet moins paradoxal que le ballet radiophonique. La télévision est en effet un médium de l’image qui, comme la scène, sollicite la vue. Le point commun avec la radio se situe par contre dans sa dimension populaire. La radio comme la télévision peuvent prétendre importer le ballet chez l’auditeur ou chez le téléspectateur, et constituer un antidote au cadre bourgeois de la scène de théâtre.

En cela, le rapport de Soupault à la danse n’est peut-être pas sans lien avec celui d’Aragon. Le condisciple de Breton a conspué l’art du ballet, participant au sein du groupe surréaliste au sabotage de plusieurs représentations : Mercure en 1924, contre Satie ; Roméo et Juliette en 1926, contre Mirò et Ernst. Et pourtant, il adapte pour la radio un livret de ballet de Descartes, La Naissance de la paix, en 1937 [22]. Adapter un ballet du xviie siècle pour la radio, c’est se placer à distance du genre du ballet, en refusant le dispositif scénique ; c’est également se placer à distance des formes contemporaines du ballet, car le ballet de cour appartient à l’histoire de la danse et ne produit alors plus d’œuvres scéniques. Mais Soupault d’une certaine façon va plus loin car, à la différence d’Aragon, il n’adapte pas un texte déjà écrit pour le ballet : son intention, ainsi que l’expression « ballet radiophonique », se laissent plus difficilement interpréter.

2. Ce qu’il reste du ballet à la radio : une action racontée en musique

La première hypothèse consiste à considérer que le mot « ballet » serait là, non pour désigner le spectacle scénique du ballet et annoncer un audacieux travail de transposition, mais pour souligner la présence marquée, dans cette pièce radiophonique, de certaines composantes du ballet : non pas la scène, non pas la danse, mais le livret de ballet et la musique.

2.1. Entre jeu et récit

On peut relever une affinité entre le Gulliver de Swift revu par Soupault et l’univers du ballet. Traditionnellement, le ballet puise volontiers ses sujets dans la littérature merveilleuse. Claude Coste observe d’ailleurs que Soupault dans son adaptation a gommé la dimension satirique du texte pour ne retenir « qu’une belle histoire à raconter [23] ». L’atmosphère est en effet celle du conte et du « il était une fois », tandis que le jeu des acteurs est appuyé, le ton naïf. En cela, la pièce rappelle le goût de Soupault pour l’enfance [24].

Mais plus encore que l’inventio, la dispositio de Gulliver mérite d’être étudiée de près. Le théâtre radiophonique suppose la présence de dialogues, éventuellement associés à des didascalies lues [25], tandis que le « ballet radiophonique » pourrait permettre, en référence au livret de ballet, de désigner une forme narrative, ou une forme hybride, à mi-chemin entre le théâtre et le récit. Comme le souligne Hélène Laplace-Claverie, le livret de ballet comporte deux niveaux d’écriture :

[…] un niveau proprement didascalique, relatif aux conditions matérielles de la représentation, et un niveau non didascalique en dépit des apparences, relatif à l’action proprement dite et à sa description ; ce deuxième niveau narrativo-descriptif correspondant à la partie dialoguée dans un texte de théâtre ordinaire [26].

La dimension narrative domine en effet dans les quelques ballets radiophoniques de la même époque que nous avons pu écouter. Dans Le Joueur de flûte, c’est une voix d’enfant qui raconte [27]. Il n’y a pas de dialogues et le seul élément de discours direct correspond au discours du gouverneur interprété par cette même voix d’enfant. Les autres voix du ballet chantent des airs, la plupart du temps sans paroles. Dans Petit Drame à six instruments, l’action est racontée, les paroles tantôt rapportées et intégrées à un récit, tantôt jouées par un récitant [28]. Enfin, dans son Ballet pour les oreilles, Juan Peñalver adopte une forme mixte. On distingue des instances narratives qui décrivent et racontent le ballet, mais la parole est aussi confiée à des protagonistes (la Neige, le Soleil, la Mort) qui monologuent ou dialoguent entre eux [29].

Dans Gulliver, la forme choisie est elle aussi complexe. Le héros nous conte son aventure passée, mais en revivant l’action au présent :

Ce qu’il advint de mes cinq compagnons, je ne saurais le dire, mais je pense qu’ils périrent tous. Quant à moi, je nageai au hasard, poussé par le vent et la marée. Je réussis enfin à aborder sur une grande plage, et je marchai quelque temps. Mais j’étais si las, que je m’étendis sur l’herbe, au pied d’un arbre, et que je m’endormis profondément…

Musique. (Interlude musical — Le sommeil de Gulliver)

Gulliver (baille)

[parlé]

Quel beau temps ! Où suis-je ? Que se passe-t-il ? Je ne peux même pas lever le bras, ni les jambes, ni la tête !… ni le petit doigt… Je suis paralysé… Mais ma parole ! on m’a ligoté [30] !

Le récit prend ainsi la forme d’un long monologue qui par ses descriptions joue aussi un rôle didascalique :

Mais ce ne sont pas des fourmis, ce sont des petits soldats, pas plus grands que des petits soldats de plomb ! Ils s’approchent de mon menton ! Ils vont atteindre mes yeux !…

(Cris des petits soldats lilliputiens qui s’achèvent comme une charge. — Trompettes. Roulements de tambour.)

Ils se lancent à l’assaut ! Ils tirent leurs arcs. Et je ne peux pas bouger ! Oh ! mais cela pique  [31]

La communication s’avérant difficile avec les Lilliputiens, le dialogue est quasiment absent du livret, si ce n’est à la fin :

(Magnétophone[32].

« L’empereur souhaite vous charger d’une mission d’une importance considérable. Il espère que vous accepterez »

Gulliver

Comment pourrais-je refuser à l’empereur, dont l’hospitalité m’a charmé, de me charger de cette mission ?

Le petit homme court vers l’empereur, qui a l’air enchanté de ma réponse. Le petit homme vient vers moi, grimpe sur mon visage et s’assoit dans le creux de mon oreille. De quoi s’agit-il ?

(Discours de l’envoyé du Roi)

« L’empire de Lilliput est menacé par son ennemi héréditaire, l’empire de Blefuscu. Une guerre sanglante divise ces deux empires depuis trois cent trente saisons. Au cours de trois batailles, Lilliput a perdu quarante vaisseaux de ligne. Les pertes de l’ennemi sont, heureusement, encore plus considérables. Néanmoins, ils ont équipé une nombreuse flotte et se préparent à faire une descente sur les rivages de Lilliput. Sa Majesté Impériale, confiante en votre courage et en votre force, souhaite que vous détruisiez la flotte de ses ennemis [33] ».

C’est donc la parole de Gulliver qui domine et remplit plusieurs fonctions : monologue intérieur, discours direct adressé aux Lilliputiens (dans le cadre d’un dialogue mais qui reste à sens unique jusqu’à ce que Gulliver leur enseigne sa langue), récit et description.

Les différents brouillons mettent en évidence une théâtralisation du texte. Tandis que les premières versions se signalent par l’importance accordée à la description et à la narration, le dialogue occupe plus de place dans la dernière version. Tout se passe comme si, d’un texte qui aurait pu faire office de livret de ballet, on évoluait vers une forme plus propice à une interprétation radiophonique. Ainsi, dans les premières versions, l’échange entre Gulliver et l’envoyé du Roi que nous venons de citer se résumait à deux phrases : « Dès que le ballet est terminé, l’empereur envoie un messager à Gulliver pour lui demander son aide contre ses ennemis qui préparent une flotte pour envahir l’empire de Lilliput. Gulliver accepte. Tout le peuple se réjouit [34]. » De même, alors que dans la version définitive, le début du ballet prend la forme d’un récit que Gulliver s’adresse à lui-même, un premier état du texte développait une narration à la troisième personne :

Version du premier sous-dossier :

1. Au cours d’une traversée vers les Indes INDES oOrientales, le navire de dont Gulliver est était le médecin fut entraîné par une violente tempête vers la Tasmanie. La violence

Après la tempête du Le vent furieux poussa le navire vers des écueils où il se fracassa.

Gulliver, X mit une chaloupe à la mer mais elle coula et il dut longuement nager au milieu de la tempête [35].

Version définitive :

Ouverture. (Atmosphère de tempête sur la mer. Naufrage du vaisseau).

Gulliver (parlant à lui-même)

Au cours d’une traversée vers les Indes Orientales, une violente tempête entraîna notre navire, un magnifique trois-mâts, l’Antilope, vers les Nord-Ouest de la Tasmanie [36].

2.2. La place de la musique

Dans Gulliver, comme dans un ballet, toute l’action se déroule sur la musique.

Sur cette question de la musique, les ballets radiophoniques contemporains font état de pratiques diverses. Ainsi dans Ballet pour les oreilles, après un générique en musique, le dialogue commence sur un fond silencieux. Et peu après, l’auteur intervient pour insister sur ce choix du silence :

Le poète : […] L’orchestre silencieux de votre préférence est composé par des instruments que vous-mêmes choisirez dans votre imagination.

La muse : Monsieur l’auteur raté, vous oubliez un détail important. Toute évocation de musique concrète est sévèrement interdite.

Le poète : Alors, une pluie de silence avant que le rideau se lève !

Bruit de pluie [37].

La musique est ainsi cantonnée au discours didascalique : « La musique jusqu’alors exubérante, ivre de joie, subitement se change en un lugubre tam-tam de mort. Le soleil tout à coup fixe se décolore, la mort fait son apparition et danse autour de la pomme […] [38] ». En réalité, la musique se fera entendre mais de façon très brève, sous forme d’intermèdes interprétés par un chœur [39]. Dans Petit Drame à six instruments, la musique est plus présente. La voix du récitant tantôt se superpose à elle, tantôt s’exprime en silence, tantôt laisse complètement la place aux instruments. Ces différentes possibilités sont également exploitées dans Le Joueur de flûte.

Dans le cas de Gulliver, on pourrait parler de « ballettisation ». Les premières versions prévoyaient en effet de faire alterner texte et musique [40]. Mais dans la version diffusée, la musique instrumentale accompagne le récit de Gulliver ainsi que les dialogues, tandis que les échanges parlés cèdent plusieurs fois la place au chant. Certains passages musicaux sont sans textes, comme l’indiquent les mentions « interlude musical » ou « musique » du livret. Comme dans un ballet, tout se passe donc en musique. Cette importance accordée à la musique fait écho à un propos que tient Soupault dans Terpsichore : « Le chant et la danse sont des arts de même essence. On a beaucoup oublié cette vérité au cours des siècles, on a perdu de vue Terpsichore [41]. » L’un des enjeux de Gulliver est peut-être de les réunir. Au cours des réécritures, un passage du ballet subit à cet égard des modifications intéressantes :

1er sous-dossier : « Tout en dansant ils coupent les liens qui paralysaient Gulliver. Musique. »

2e sous-dossier : « Tout en dansant une valse ils coupent les liens qui paralysaient Gulliver. »

4e sous-dossier (équivalente à la version définitive) : « Ils coupent scient les fils tout en chantant, selon leur coutume. (chant valse des scieurs) [42] »

On observe que ces différentes versions font état d’une hésitation entre la danse et le chant, et que le texte retenu choisit, comme Soupault le préconise dans Terpsichore, de les associer.

Si le livret de Gulliver contient bien des ingrédients du ballet, il n’en reste pas moins que le principal, la danse, fait défaut. Cette pièce, de par son sous-titre, convoquerait donc le ballet de façon paradoxale, en évacuant ce qui en fait la matière principale, c’est-à-dire le mouvement, le corps. Mais l’absence de l’ingrédient principal ne serait-elle pas l’indice d’une intention de transposition ? Un ballet radiophonique pourrait ainsi ambitionner de trouver un équivalent sonore à la danse, un substitut imaginaire au spectacle visuel.

3. Du spectacle sonore au spectacle imaginaire

Avant d’explorer plus avant cette hypothèse, soulignons qu’il est en fait inexact d’affirmer que la danse est absente de la pièce puisqu’elle y est thématisée. Il peut paraître décevant d’appréhender cette catégorisation générique de « ballet radiophonique » sous l’angle d’une présence thématique de la danse et du spectacle, car le paradoxe s’en trouve atténué. Gulliver serait en effet un ballet radiophonique pour la simple raison que le ballet serait son sujet, au point de contaminer le titre. « Ballet » désignerait la matière fictionnelle plus que la forme. Toutefois, à y regarder de plus près, il semble que cette présence thématique nous conduise tout droit à la question de la transposition.

Prenons la scène dans laquelle Gulliver et les Lilliputiens ne peuvent pas communiquer verbalement puisqu’ils n’ont pas la même langue :

Ce petit personnage qui s’avance vers mon oreille droite, doit être un grand personnage…

Il est tout vêtu d’argent, et son chapeau est orné de plumes…

Il est armé d’une petite baguette…

Les petits soldats se mettent au garde-à-vous. Il s’avance avec majesté. Derrière lui, on apporte une échelle. Il grimpe. Il fait un geste de la main, il ouvre la bouche. On croirait qu’il va faire un discours…

(Discours incompréhensible de l’envoyé de l’Empereur. — Bande magnétique, passant à toute vitesse).

Gulliver

Je ne comprends pas un mot de ce qu’il raconte… Il se tait, salue. Il attend certainement une réponse. Je vais essayer de lui expliquer… Miam, miam… Manger, miam… miam… Huff, huff… boire, glouglou, huff, huff… Le personnage vêtu d’argent a l’air d’avoir compris [43].

C’est ici le langage corporel, soutenu par des onomatopées, qui permet à Gulliver et aux Lilliputiens de se comprendre. Les seuls éléments que Gulliver peut interpréter sont corporels : la voix, le ton, les gestes, l’apparence. Un des enjeux abordés par cette pièce est donc celui de la communication. Et par là même, l’intrigue de Gulliver renvoie de façon plus inattendue aux enjeux du ballet scénique : imposer aux personnages de se faire comprendre par leur corps, voilà qui fait penser à la mission des danseurs et du chorégraphe, qui, partant du livret au ballet, doivent convertir l’expressivité des mots en expressivité du corps [44]. Le corps doit rendre lisibles l’action et l’intention des personnages. De même que Gulliver déchiffre les attitudes corporelles des Lilliputiens, il semble exister pour eux avant tout par sa présence physique. Les Lilliputiens le rebaptisent « la Montagne qui marche [45] ». De fait, il doit bouger très lentement pour ne pas effrayer ses hôtes : « il est préférable que je marche à quatre pattes ! Ils auront moins peur [46] ! », explique-t-il. Il précise également être « courbaturé [47] » : comme pourrait l’être un sportif, mais aussi un danseur.

Quand Gulliver décide ensuite d’apprendre le français aux Lilliputiens, il le fait par le chant et la danse :

Il faudrait tout de même que je me fasse comprendre ! Si je leur apprenais les syllabes comme on me les apprenait lorsque j’allais à l’école !… Je puis toujours essayer. B-A… BA… C-A… CA… Ils m’écoutent attentivement… Ils s’approchent de mon oreille…

(Les petits hommes noirs répètent en chœur : B.A. ‒ BA).

Qu’ils sont malins et vifs ! Ces petits hommes sont vraiment d’une remarquable intelligence !… Ils ont l’air bien content d’avoir deviné ce que je leur proposais ! Je continue : D.A : DA. — Les voyelles maintenant : A ‒  E ‒  I ‒  O ‒  U… Les petits hommes répètent tout en dansant [48]

Et Gulliver de conclure : « C’est une bonne méthode que d’apprendre à parler en dansant [49] ». Dans l’intrigue de cette pièce, le corps est donc ce qui donne accès au verbe et permet d’entrer en contact avec l’autre. De même, dans l’art du ballet, le corps rend l’action intelligible et construit du sens. Mettant en abyme les enjeux du ballet, Soupault en révèle aussi peut-être la portée anthropologique.

La danse est un outil d’apprentissage mais elle est aussi présente sous sa forme spectaculaire, à travers des intermèdes. En cela, ce « ballet radiophonique » peut rappeler la structure de la comédie-ballet [50]. Le premier interlude chorégraphique intervient après le repas que les Lilliputiens offrent à Gulliver :

Les voilà qui se mettent à danser !… Est-ce un usage chez eux après le repas ?

(Danse des Lilliputiens)

C’est joli, cette danse, mais je crois que je vais me payer une petite sieste [51] !

Le deuxième passage dansé correspond au moment que nous avons évoqué, celui de l’apprentissage du français, qui donne lieu à une « (Polka des voyelles[52] ». Quelques instants après, Gulliver s’écrie : « Voilà d’autres petits bonshommes qui arrivent !… Ils sont vêtus de vêtements de toutes les couleurs. Ils jonglent avec des petites boules. Ce sont des baladins. Ils me jouent une comédie [53]. » Quant à l’épisode suivant, il se déroule dans le palais de l’empereur où

[d] es dizaines de petits danseurs bondissent suivis par des dizaines de petites danseuses, vêtues de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, légers comme des papillons, s’élancent, bondissent et se mettent à danser.

(Ballet des Lilliputiens).

Je n’ai jamais vu des danseurs aussi vifs et disciplinés…

(Reprise du ballet[54].

Ici le texte se tait pour laisser la place à la musique et à la rêverie de l’auditeur [55]. Céline Pardo, à propos de la série d’émissions dans laquelle s’inscrit le Ballet pour les oreilles de Peñalver, souligne que son titre, Petit théâtre du poète, « révèle l’un des usages que faisaient alors certains auteurs de la radio : sur le modèle théâtral, la radio apparaissait comme une sorte de scène permettant de représenter un drame sonore, visible non pas aux yeux mais à la seule imagination auditive [56] ». Voilà qui semble parfaitement s’appliquer au ballet radiophonique de Soupault. Gulliver, au moment où les Lilliputiens se mettent à danser, passe du double statut de conteur et de personnage à celui de spectateur, et nous-mêmes passons du statut d’auditeur à celui de spectateur, mais de notre propre spectacle. Le propre de cette représentation mentale est d’échapper à la contrainte, Soupault le souligne avec humour : « les danseurs s’envolent aussi vite qu’ils sont venus [57] » ; de fait nous sommes à la radio et les mots sont tout-puissants.

Le Ballet pour les oreilles de Juan Peñalver se présente d’ailleurs comme une revanche sur le milieu chorégraphique. Cette pièce serait le résultat d’une reconversion en œuvre radiophonique d’un projet scénique rejeté. Alors que l’on vient d’assister à un dialogue entre les deux protagonistes, l’auteur intervient :

Vous avez entendu les voix du soleil rouge et de mademoiselle la neige, les deux ravissants protagonistes de mon ballet La Neige rouge qui m’a été refusé par toutes les meilleures troupes de ballet du monde. La distribution du ballet comporte aussi des rôles éclatants, tels des fleurs, la campanule saumon, la campanule lilas, la campanule jaune, l’œillet bleu et l’œillet écarlate. Cinq soleils habillés en cinq tonalités de rouge différentes complètent la distribution du ballet que vous allez entendre [58].

Rien ne nous garantit évidemment que cette réorientation du texte vers la radio ne relève pas de la fiction [59]. Mais que l’écrivain ait choisi de concevoir un ballet sans chorégraphes ni danseurs, ou qu’il y ait été contraint, peu importe. Son ballet radiophonique devient un lieu d’affirmation de sa liberté, et de celle du spectateur à qui la vision du ballet appartient. Cette vision excède d’ailleurs le cadre de l’écoute, ne s’arrête pas avec la musique, comme le suggère le narrateur des Dernières Nuits de Paris :

La musique est tout à coup présente, tournant comme la fumée. On ne peut dire évidemment qu’on la perçoit, mais elle s’agite et s’impose. Elle rampe dans les allées désertes, s’accroche aux branches des arbustes, écrase les statues. C’est une musique que l’on voit et que l’on n’entend plus car elle n’est à cette heure que le souvenir de la musique [60].

La perception de la musique est d’autant plus forte qu’elle est à l’état de souvenir, semble nous dire Soupault. Il met ainsi en évidence la force du travail de l’imaginaire, capable de percevoir visuellement les formes d’un art de l’audition, et de faire d’une musique un ballet.

Conclusion

Parce que la danse est pour Soupault du côté de l’improvisation et de la beauté naturelle, elle ne semble pouvoir se réaliser pleinement qu’en marge de la scène. Condamné en tant que genre à la scène et donc à l’artifice, l’issue pour le ballet est peut-être de devenir un art de l’imagination : la seule scène autorisée, la seule construction chorégraphique qui vaille, c’est celle de notre rêverie. On comprend mieux dès lors pourquoi la radio devient pour Soupault un médium adapté, si ce n’est privilégié, pour le ballet [61]. L’expérimentation de Soupault n’est pas sans rappeler certaines recherches du théâtre radiophonique des années 1930. Comme l’explique Cécile Méadel, « certains auteurs proposèrent de ne pas avoir de texte mais d’utiliser une “palette de sons” pour produire une sorte de paysage sonore [62] ». Ce fut par exemple le cas de Walter Ruttman, mais

[…] aucun auteur ne persévéra dans cette voie, au moins à la radio. Au Studio d’Essai, ces tentatives débouchèrent quelques années plus tard de manière plus formalisée sur les recherches de musique concrète. Mais, sous l’étiquette de théâtre, elles furent abandonnées et le langage demeura un élément indispensable du théâtre à la radio [63].

De même, on peut faire l’hypothèse que l’absence du corps et de la scène a été sentie comme trop contraire au ballet pour que le genre du « ballet radiophonique » puisse véritablement se développer. La radio a pu suggérer au théâtre certaines expériences extrêmes, comme celle d’un théâtre sonore averbal, sans pour autant menacer son existence. Comme le souligne Aline Carpentier, « la radio appelle un retour au texte. Elle agit comme un révélateur, de ses qualités comme de ses failles [64] ». Certes, la radio exclut la scène, mais un lien de parenté subsiste entre les possibilités offertes par ce médium et le texte théâtral. Il n’en est pas de même pour le ballet [65]. Le « ballet radiophonique » constitue une catégorie impossible, la danse y occupe une place si paradoxale que la disparition, sans nul doute, la guette. Forme périlleuse donc si on daigne la prendre au sérieux, le ballet radiophonique est sans doute par là même un outil d’interrogation stimulant, tant de l’art chorégraphique que des ressources du médium radiophonique.

Notes

[1] L’Étrange Aventure de Gulliver à Lilliput, Bronislaw Horovicz (réal.), Paris Inter, 8 octobre 1958, 21h05, durée : 37’. Rediffusion sur la Chaîne nationale dans le cadre des Soirées de Paris le 19 novembre 1958. Document audio accessible à l’Inathèque. Le texte a été publié dans les Cahiers d’Études de Radio Télévision, no 24, décembre 1959, p. 394-402. Il en existe plusieurs archives : Bureau des manuscrits de Radio France, cotes R 8680 (texte français, 12 ff., daté 1er avril 1958) et R 9835 (texte français-anglais, 27 ff., daté 1er juillet 1958) ; BnF Richelieu, département des Arts du spectacle, 39 ff., cote 4-YA RAD-6226 ; IMEC, quatre versions tapuscrites (avec annotations manuscrites), cote SPT 6.10.

[2] Le Joueur de flûte, Jean-Étienne Marie (réal.), Chaîne nationale, Soirée de Paris, 1952. Ballet radiophonique, livret et musique de Marius Constant, avec Linette Lemercier (récitante, voix parlée), André Vessières (baryton-basse), Paul Taillefer (cor anglais). Édité en 33 t. en 1956. Document audio accessible à l’Inathèque.

[3] Ballet pour les oreilles, Claude Roland-Manuel (réal.), France 4 Haute-Fidélité, Petit Théâtre du poète, 1957. Ballet radiophonique, livret de Juan Peñalver, avec Micheline Bona, Anne Caprile, Roger Blin et Michel Vitold. Document audio accessible à l’Inathèque.

[4] Petit Drame à six instruments, Bronislaw Horowicz (réal.), Chaîne nationale, Soirées de Paris, 1958. Ballet radiophonique, livret d’Alexandre Arnoux, musique d’Alexandre Tansman, avec Maurice Bacquet (le récitant) et un ensemble de musiciens solistes. Document audio accessible à l’Inathèque.

[5] La Femme têtue, ou La Raison sans raison est toujours la plus forte, Bronislaw Horowicz (réal.), France 3, 1959. Ballet radiophonique, livret de Jean Lescure, musique d’Antoni Szalowski. Document audio accessible à l’Inathèque.

[6] Sur cette question, nous nous permettons de renvoyer à la communication de Karine Le Bail sur les opéras radiophoniques de Soupault (Le Rossignol de l’empereur, La Petite Sirène, Le Cœur révélateur, Le Triomphe de Jeanne) donnée lors de la journée d’étude « Les radios de Philippe Soupault » (Montpellier, 20 mars 2014). Nous nous contentons de donner ici une définition, celle de Giordano Ferrari : « Expression opéra radiophonique : en ce qui concerne le mot opéra, il faut l’interpréter comme référence au théâtre musical au sens large. C’est donc une histoire (ou un simple sujet) racontée par la musique ou en strict rapport avec elle, d’une manière bien sûr libérée des lois narratives et des conventions de l’opéra de tradition – l’histoire peut être non-linéaire ou ressembler à un parcours dans l’esprit du théâtre musical d’avant-garde, et la voix ne doit pas forcément être liée à la tradition du chant lyrique » (« Opéras radiophoniques, un genre de dramaturgie musicale », dans Laurent Feneyrou (dir.), Musique et dramaturgie, esthétique de la représentation au xxe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, p. 639).

[7] Nathalie Lecomte explique que l’opéra-ballet est un « genre de spectacle lyrique et chorégraphique apparu en France à la fin du xviie siècle, et à la mode jusque dans les années 1770. » Elle souligne aussi que les opéras-ballets étaient communément appelés « ballet » ou « ballet héroïque ». Elle ajoute que l’opéra-ballet « réduit l’action chantée au minimum pour donner à la danse une place prépondérante. » La danse y est le plus souvent présente sous forme de « divertissements », même s’il arrive qu’elle ne soit pas « qu’un simple ornement » et se dote d’une « fonction narrative » (« Opéra-ballet », dans Philippe Le Moal (dir.) Dictionnaire de la danse, Paris, Larousse, 1999, p. 618. En ligne ici [consulté le 26/09/2014].

[8] On peut notamment se reporter au mémoire de maîtrise de Florence Renan : Un opéra ballet radiophonique : Le Joueur de flûte de Marius Constant, soutenu en 1997 à l’université de la Sorbonne-Paris IV, sous la direction de Jean-Yves Bosseur.

[9] Sébastien Arfouilloux, par exemple, évoque Gulliver en même temps que les textes de Soupault pour l’opéra (Que la nuit tombe sur l’orchestre. Surréalisme et musique, Paris, Fayard, 2009, p. 467).

[10] Littérature, n12, février 1920, p. 29. André Derain est le peintre-décorateur du ballet.

[11] Littérature, n14, juin 1920, p. 32.

[12] Claude Coste, « La musique dans la vie et l’œuvre de Philippe Soupault », in Myriam Boucharenc & Claude Leroy (dir), Présence de Philippe Soupault, Presses universitaires de Caen, 1999, p. 276.

[13] Philippe Soupault, Vingt mille et un jours, entretiens avec Serge Fauchereau, Paris, Belfond, 1980, p. 115-116.

[14] Philippe Soupault, Terpsichore (1928), Paris, Papiers, 1986, p. 25.

[15] Id., p. 39.

[16] Claude Coste, art. cit., p. 277.

[17] La Nuit du temps, Roger Kahane (réal.), scénario et livret de Philippe Soupault, musique de Marcel Delannoy, chorégraphie de Dirk Sanders. Document audiovisuel accessible à l’Inathèque. Le texte est conservé au département des Arts du spectacle, cote 8 YA 995. Hélène Laplace-Claverie, dans un article consacré aux ballets de Ionesco, souligne la tendance des années 1960 aux pièces chorégraphiques télévisuelles et l’intérêt qu’il y aurait à comparer les ballets que Ionesco a conçus pour l’écran, La Leçon (1963) et Le Jeune homme à marier (1965), avec Quad de Beckett (1981). V. Hélène Laplace-Claverie, « Danser Ionesco ou la leçon de chorégraphie », in Marie-Claude Hubert (dir.), Eugène Ionesco. Classicisme et modernité, Aix-en-Provence, Presses de l’Université de Provence, 2011, p. 67.

[18] Philippe Soupault, Les Sons et les couleurs (Baudelaire), argument d’un ballet télévisuel, inédit, deux feuillets tapuscrits avec annotations manuscrites, conservés à l’IMEC, cote SPT 8.7.

[19] Dans le fonds de l’IMEC, cette version intitulée Correspondances est jointe à une lettre du 31 août 1969 (les deux documents sont conservés dans le dossier Les Sons et les couleurs, sous la cote SPT 8.7). L’auteur de cette lettre, signée du seul prénom d’Andrée, n’a pas pu être identifié par l’archiviste de l’IMEC. Voici le texte de la lettre : « Ce dimanche 31-8-69 / Cher Philippe / Ci-joint l’argument de “notre” ballet, et, l’accompagnant, ce que j’en ai fait et le plan de l’œuvre telle qu’elle est écrite. Cette œuvre dure, environ, 22 minutes. / Vous voilà en possession de tous les éléments. À vous de travailler, maintenant….. !!! / À bientôt / Très affectueusement / [Andrée] »

[20] Rappelons que les opéras radiophoniques Le Rossignol et La Petite Sirène sont adaptés d’Andersen, Le Cœur révélateur de Poe.

[21] Philippe Soupault, Les Sons et les couleurs (Baudelaire), op. cit.

[22] Pour plus de précisions sur cette adaptation radiophonique du ballet de Descartes, je me permets de renvoyer aux réflexions que j’ai eu l’occasion de développer dans « La Naissance de la paix de Louis Aragon : ballet radiophonique et théâtre populaire », colloque L’Idée de littérature à l’épreuve des arts populaires 1870-1945 (projet ANR HIDIL), organisé à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, du 13 au 15 juin 2012, par Pascale Alexandre-Bergues. Actes à paraître chez Classiques Garnier. Louis Aragon envisage aussi d’écrire un livret pour le chorégraphe Roland Petit en 1972. Voir Roland Petit, J’ai dansé sur les flots, Paris, Grasset, 1993, p. 254.

[23] Claude Coste, art. cit., p. 286.

[24] Par contre, le ballet radiophonique de Soupault a été diffusé en soirée, il n’était donc pas destiné aux enfants.

[25] La lecture des didascalies a souvent été critiquée dans l’histoire du théâtre radiophonique comme n’exploitant pas suffisamment les ressources propres du médium.

[26] Hélène Laplace-Claverie, Écrire pour la danse. Les livrets de ballet de Théophile Gautier à Jean Cocteau (1870-1914), Paris, Honoré Champion, 2001, p. 231.

[27] Marius Constant, Le Joueur de flûte, op. cit.

[28] Le récitant (21’16) : « [texte dit en silence] Bien des jours, bien des nuits, j’ai guetté caché au ventre d’un coffre de contrebasse, longtemps en vain. La providence toutefois se décida à récompenser ma patience. [une musique commence] J’épiais depuis tantôt deux heures l’œil collé à une petite lucarne, lorsque le croissant de la lune perça la fente des rideaux et alla inscrire une virgule au milieu de la glace encadrée d’or [musique seule sans texte] » (Alexandre Arnoux, Petit Drame à six instruments, op. cit.)

[29] Céline Pardo publie le texte en annexe de la thèse d’où est issue son livre précité : La Poésie hors du livre. Étude sur les médiations orales de la poésie en France de 1945 aux années 60, Paris-Sorbonne, 2012, t. II, p. 37-50.

[30] Philippe Soupault, L’Étrange Aventure de Gulliver à Lilliput, Cahiers d’études de Radio Télévision, no 24, décembre 1959, p. 394.

[31] Id., p. 395.

[32] Au début du ballet, le langage incompréhensible des Lilliputiens est reproduit par une « bande magnétique, passant à toute vitesse » (Philippe Soupault, L’Étrange Aventure de Gulliver à Lilliput, éd. cit., p. 395).

[33] Id., p. 399.

[34] Philippe Soupault, L’Étrange Aventure de Gulliver à Lilliput, version conservée à l’IMEC, cote SPT 6.10, 1er sous-dossier.

[35] Ibid. Voici le code de transcription adopté : le texte en majuscule correspond à des ajouts manuscrits ; X signale un mot illisible ; le texte barré correspond au texte biffé à la main sur le tapuscrit.

[36] Philippe Soupault, L’Étrange Aventure de Gulliver à Lilliput, Cahiers d’Études de Radio-Télévision, no 24, décembre 1959, p. 394.

[37] Juan Peñalver, Ballet pour les oreilles, op. cit. Extrait situé à 4’21 du document audio conservé à l’Inathèque.

[38] Id., 12’33.

[39] Id., 14’45-15’06, 16’03-16’43, 19’59-20’25, 27’22-28’06 (fin).

[40] Dans la version du premier sous-dossier, on peut ainsi lire : « chacun des cinq fragments de ce texte est dit par un speaker avant chacun des cinq morceaux constituant la “suite instrumentale”. »

[41] Philippe Soupault, Terpsichore, op. cit., p. 40.

[42] Philippe Soupault, L’Étrange Aventure de Gulliver à Lilliput, version conservée à l’IMEC, cote SPT 6.10. Pour le code de transcription, voir note 35.

[43] Philippe Soupault, L’Étrange Aventure de Gulliver à Lilliput, Cahiers d’études de Radio Télévision, no 24, décembre 1959, p. 395-396.

[44] Cette question concerne tout autant le mime.

[45] Philippe Soupault, L’Étrange Aventure de Gulliver à Lilliput, éd. cit., p. 400.

[46] Id., p. 398.

[47] Ibid.

[48] Philippe Soupault, L’Étrange Aventure de Gulliver à Lilliput, éd. cit., p. 397. Les passages chantés sont interprétés par la maîtrise d’enfants de la RTF, sous la direction de Jacques Jouineau. Notons que cet épisode est absent des premières versions.

[49] Ibid. Comme le souligne Marie-Paule Berranger (Les Genres mineurs dans la poésie moderne, Paris, PUF, 2004, p. 125), Soupault a assisté à des conférences de Marcel Jousse dont les recherches exploraient notamment l’importance du corps, du geste et de l’oralité dans la communication et dans la transmission pédagogique. Voir Marcel Jousse, L’Anthropologie du geste, Paris, Gallimard, 2008 et La Manducation de la parole, Paris, Gallimard, 1975. Voir également les nombreux documents mis en ligne par l’institut de mimopédagogie [consulté le 26/09/2014].

[50] Nathalie Lecomte rappelle que la comédie-ballet est un « genre dramatique, musical, lyrique et chorégraphique inventé par Molière en 1661 », dans lequel « [d]es intermèdes chantés et dansés s’entremêlent à la comédie, soubassement sur lequel repose le spectacle, l’enrichissant et la nuançant » (« Comédie-ballet », dans Philippe Le Moal (dir.) Dictionnaire de la danse, op. cit., p. 550. En ligne ici [consulté le 26/09/2014]).

[51] Philippe Soupault, L’Étrange Aventure de Gulliver à Lilliput, éd. cit., p. 396.

[52] Id., p. 397.

[53] Id., p. 398.

[54] Id., p. 398-399.

[55] De 18’47 à 21’41, on peut entendre trois minutes de musique sans texte.

[56] Céline Pardo, La poésie hors du livre (1945-1965). Le poème à l’ère de la radio et du disque, Paris, PUPS, 2015, p. 181.

[57] Id., p. 399.

[58] Juan Peñalver, op. cit.

[59] Nous savons très peu de choses sur Juan Peñalver, poète espagnol, né en 1926 et mort 1977. Pour quelques éléments supplémentaires, voir Céline Pardo, La Poésie hors du livre, op. cit., p. 181

[60] Philippe Soupault, Les Dernières nuits de Paris, Paris, Gallimard, 1997, p. 56-57.

[61] Il ne semble pas qu’un chorégraphe se soit intéressé à ce texte de Soupault. Par contre, il y a eu rencontre entre ce ballet radiophonique et l’œuvre d’Annette Messager lors de l’exposition Continents noirs, présentée d’octobre 2012 à février 2013 au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg ; une écoute du ballet de Soupault y était alors programmée, dans l’idée d’illustrer l’influence des Voyages de Gulliver sur l’œuvre d’Annette Messager.

[62] Cécile Méadel, Histoire de la radio des années trente. Du sans-filiste à l’auditeur, Paris, Anthropos/INA, 1994, p. 295.

[63] Id., p. 295-296.

[64] Aline Carpentier, Théâtre d’ondes. Les pièces radiophoniques de Beckett, Tardieu et Pinter, Bruxelles, De Boeck/Paris, INA, 2008, p. 76.

[65] D’une façon générale, la présence de la danse est souvent perçue comme paradoxale à la radio. Je renvoie aux travaux passionnants de Claude Sorin sur les « voix de la danse ». La chercheuse organise régulièrement des écoutes publiques pour faire entendre certaines archives conservées à l’INA. Elle travaille en particulier sur la parole des danseurs à la radio mais s’intéresse aussi aux sons de la danse et du travail chorégraphique (souffles, bruits de pas, de chute, etc.) Voir Claude Sorin, « La parole du danseur dans les archives radiophoniques », in Mémoires et Histoire en Danse, Isabelle Launay & Sylviane Pagès (dir.), Paris, L’Harmattan, 2010, p. 315-328.

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Auteur

Delphine Vernozy

Doctorante en littérature française à l’Université Paris-Sorbonne sous la direction de Didier Alexandre, et agrégée de lettres actuellement professeur en lycée, Delphine Vernozy prépare une thèse sur les écrivains librettistes de ballet en France des années 1910 aux années 1960 (de Cocteau à Ionesco, en passant par Claudel, Cendrars, Char, Céline ou encore Anouilh).

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